a écrit :Cyclone Katrina: fiasco à tous les niveaux, selon un rapport américain
AFP
[ mardi 14 février 2006 - 8h41 ]
WASHINGTON (AFP) - "Une litanie de fautes, d'erreurs de jugement, de défaillances et d'absurdités en cascade": le cyclone Katrina de la fin août a été géré en dépit du bon sens, selon un rapport parlementaire qui met un membre du gouvernement américain, Michael Chertoff, au banc des accusés.
Au total, "Katrina représente un échec national, une abdication du devoir le plus solennel d'assurer le bien public", affirme la commission spéciale de la Chambre des représentants qui a mené l'enquête depuis septembre, dont le rapport complet est attendu mercredi.
Alors que la gravité du cyclone avait été prévue par les services de météorologie avec 56 heures d'avance - avec mention d'une "très forte probabilité que 75% de La Nouvelle-Orléans soient inondés", selon des extraits du rapport - le ministre de la Sécurité intérieure Michael Chertoff n'a pas déclenché le niveau d'alerte suffisant. Cette inaction a poussé les responsables sur le terrain à "prendre la décision difficile de court-circuiter les procédures établies", d'où une désorganisation majeure des opérations.
Le cyclone Katrina, l'un des plus forts à jamais toucher le sud des Etats-Unis, le 29 août, a fait plus de 1.300 morts en Louisiane, au Mississippi et en Alabama, dont plus de 1.100 victimes des dramatiques inondations de La Nouvelle-Orléans dues à des ruptures de digues. Il est notamment reproché au ministère de la Sécurité intérieure de "n'avoir pas anticipé les conséquences probables de la tempête, ni fourni les cars, bateaux et avions qui se sont révélés nécessaires pour évacuer la ville inondée avant le déferlement de Katrina".
Conférence de presse de Michael Chertoff, membre du gouvernement américain le 13 juillet 2005 à Washington
© AFP/Achives Mandel Ngan
Pour l'opposition, une telle incompétence appelle la démission de Michael Chertoff, qui chapeaute l'organisme gouvernemental placé en première ligne, l'Agence de gestion des crises (Fema). Un seul responsable gouvernemental a été limogé après Katrina, le directeur de la Fema Michael Brown. Lors d'une audition parlementaire vendredi, M. Brown a fait étalage de ses affrontements avec M. Chertoff, expliquant avoir choisi de s'adresser directement à la Maison Blanche dans un souci d'efficacité.
Lundi M. Chertoff, qui doit être entendu mardi au Sénat, a contre-attaqué en annonçant une réforme du fonctionnement de la Fema, centrée sur l'amélioration des circuits logistiques et des moyens de communication. Il a rejeté certaines accusations portées contre lui, tout en déclarant assumer "la responsabilité" de ses erreurs.
La Maison Blanche est également mise en cause dans le rapport: "l'équipe de sécurité nationale du président n'a pas bien vérifié, analysé ni réagi sur les informations dont elle disposait". Plus précisément, le rapport confirme que la présidence avait été avertie des ruptures de digues de La Nouvelle-Orléans au soir même de la tempête, le lundi 29 août - alors même que le lendemain, le président George W. Bush, en vacances au Texas (sud), s'était déclaré soulagé de voir que La Nouvelle-Orléans avait "esquivé le coup".
Les services de météorologie nationale à La Nouvelle-Orléans avaient décelé la rupture d'une première digue dès le lundi matin, une information alors relayée par les médias locaux. Plus de douze heures plus tard, la Maison Blanche était prévenue que "environ les deux tiers ou 75% de la ville étaient submergés", souligne le rapport. La conseillère à la sécurité intérieure du président Bush, Frances Frago Townsend, a réagi à ce rapport en rejetant "fermement toute suggestion selon laquelle le président n'aurait pas été pleinement impliqué": il avait appelé dès le 28 août la gouverneure de Louisiane Kathleen Blanco pour l'exhorter à ordonner des évacuations, a-t-elle rappelé.
Mme Blanco, tout comme le maire de La Nouvelle-Orléans Ray Nagin, sont d'ailleurs critiqués dans le rapport parlementaire, pour avoir trop tardé avant d'ordonner des évacuations.
Par aileurs, dDes fraudes massives s'élevant à plusieurs millions de dollars ont affecté le programme gouvernemental d'aide financière accordée aux sinistrés des cyclones Katrina et Rita de la fin de l'été, et près d'un milliard de dollars ont été gaspillés, selon des responsables américains. Près de 900.000 des 2,5 millions de demandeurs d'une aide financière directe pourraient avoir présenté des faux, selon une étude d'un organisme officiel de contrôle de l'action gouvernementale, le GAO, publiée lundi.
L'inexistence ou l'insuffisance des vérifications d'identités menées par l'Agence de gestion des crises, la Fema, qui disposait de 5,4 milliards de dollars à débourser, y compris des cartes de paiement prépayées d'une valeur de 2.000 dollars, lui a interdit de détecter les fraudes.
Par ailleurs, un responsable du ministère de la Sécurité intérieure a révélé que la Fema avait dépensé près de 900 millions de dollars pour l'achat de 25.000 maisons préfabriquées, afin de loger des sinistrés. Or les normes d'urbanisme ont empêché ces habitations d'être installées là où elles étaient nécessaires, et 10.000 sont en train de s'abîmer dans des champs boueux de l'Arkansas, selon Richard Skinner, inspecteur général du ministère. Seulement mille de ces habitations sont utilisées comme prévu.
Ces fraudes et gâchis ont été jugés atterrants par des sénateurs menant une enquête sur le fiasco de la gestion du cyclone Katrina.