a écrit :Renoncer aux vacances pour payer les retraites
LE MONDE | 23.08.06 |
BERLIN CORRESPONDANT
Artisan de la réduction du déficit budgétaire allemand, Peer Steinbrück, le ministre des finances, a jeté en l'air une idée qui lui a aussitôt mis à dos nombre de ses concitoyens, les syndicats, une partie de la classe politique et des médias, ainsi que l'industrie du tourisme : à l'avenir, il faudra parfois renoncer à partir en vacances pour épargner en vue des vieux jours.
Dans un entretien publié le 17 août dans le magazine Hörzu, le responsable social-démocrate a expliqué qu'au cours des prochaines décennies les Allemands devront dépenser davantage pour leur retraite, leurs médicaments et les soins.
"Cela signifie que, dans le doute, nous devrons renoncer aux départs en vacances, afin d'épargner pour plus tard", a-t-il averti. Il faudra davantage penser au bien du pays, "il y va de son avenir".
Cet entretien avait tout d'un ballon d'essai lancé pour tester les réactions. Celles-ci n'ont pas tardé à fuser. S'en prendre aux vacances n'est pas sans risque dans un pays peuplé de grands voyageurs, où le tourisme emploie 2,8 millions de personnes pour un chiffre d'affaires annuel de 140 milliards d'euros.
"COMMISSAIRE DU PEUPLE"
"Les politiciens veulent-ils nous briser avec leurs économies ?", s'est interrogé le quotidien populaire Bild. La confédération syndicale DGB a estimé que les plus faibles revenus seraient, une nouvelle fois, les plus touchés, alors que la réforme prévue du système de santé devrait déjà les frapper en premier.
Conscient de ces remous, qui auraient incité plus de 500 membres du SPD à rendre leur carte, le président du parti, Kurt Beck, a tenté d'apaiser le débat. La chancelière, la chrétienne-démocrate Angela Merkel, a tancé son ministre sur la forme. Tout en estimant que les Allemands devront davantage prendre leurs vieux jours en charge, elle a estimé, lundi, que ce n'était pas aux responsables politiques de décider du mode de vie des citoyens.
M. Steinbrück a dû faire une mise au point contrite. Son intention n'est pas de "jouer les commissaires du peuple". Néanmoins, a-t-il insisté, le pays ne pourra faire l'économie d'un débat de fond sur le sujet, alors que la population vieillit.
Pour réduire les coûts causés par cette réalité démographique, le gouvernement a déjà prévu de faire passer progressivement l'âge de la retraite de 65 à 67 ans.
Antoine Jacob