Deux articles de Lutte ouvrière qui donnent une idée du passé :
a écrit :Lutte Ouvrière n°1699 du 2 février 2001
Comores : une situation catastrophique dans l'île d'Anjouan
La situation est catastrophique à Anjouan, une des îles des Comores. Cet archipel situé dans l'océan Indien, près des côtes nord de Madagascar, se compose de quatre îles : la Grande-Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. En 1843 la France occupa Mayotte, qui devait servir de base à la conquête de Madagascar. Les autres îles furent annexées entre 1886 et 1896.
Les Comores devinrent un territoire français d'outre-mer en 1947, jusqu'à ce que, aux élections de 1972, les partisans de l'indépendance obtiennent la majorité, sauf à Mayotte. En juillet 1975, la Chambre des députés des Comores proclama l'indépendance. L'île de Mayotte, ayant en majorité voté de rester française, se sépara alors du reste de l'archipel qui forma un nouvel État : la République fédérale islamique des Comores.
Dès lors, la vie de cette république a été marquée par une succession de coups d'Etat dans lesquels s'illustra à plusieurs reprises le tristement célèbre mercenaire français Bob Denard. Avec 22 coups d'Etat en 10 ans, les Comores détiennent certainement un record en la matière. Misère de la population, corruption, répression ; dans ces conditions, l'opposition qui s'est développée dans les îles de Mohéli et surtout d'Anjouan a pris un caractère séparatiste par rapport à la plus importante des îles, la Grande-Comore, où se trouve la capitale, Moroni, siège d'un pouvoir exécré. De là à proposer un rapprochement avec l'île française de Mayotte, sur laquelle bien des habitants d'Anjouan viennent travailler clandestinement, il y avait un tout petit pas, vite franchi par les indépendantistes.
Le calvaire d'Anjouan
Qu'une majorité d'Anjouanais aient affiché leur désir d'être rattachés à la France n'a guère souri aux gouvernants comoriens ni aux gouvernants français d'ailleurs, qui n'ont que faire aujourd'hui d'une telle attitude à son égard. Le gouvernement comorien a été jusqu'à intervenir militairement contre Anjouan en septembre 1997. L'intervention fut un véritable fiasco. Quant à la France, elle s'est rangée derrière la décision de l'Organisation de l'Unité Africaine en février 2000 d'imposer un blocus à l'encontre d'Anjouan, pour avoir voulu remettre en cause les frontières existantes en se séparant de la République fédérale des Comores.
Depuis un an, la vie des Anjouanais est devenue extrêmement difficile. Plus de médicaments, plus d'essence, la situation alimentaire et sanitaire y est désastreuse. Dans cette île de 260 000 habitants, des enfants meurent de faim chaque semaine. Dans les hôpitaux, les médecins travaillent à la bougie par manque de gasole pour alimenter les groupes électrogènes. Il n'y a plus de fil à suture ni de produit anesthésiques. Les vaccins ne peuvent plus être conservés, ce qui expose de nombreux enfants aux épidémies. Plusieurs centaines de cas de choléra ont d'ailleurs été recensés. Du fait de l'embargo qui les a privés de pétrole, note un journaliste réunionnais, les gens se sont mis à couper les arbres. Ce déboisement des collines pourrait avoir des effets catastrophiques en appauvrissant les terres et en asséchant les cours d'eau. Faute de vaccins, le cheptel a été décimé par une épidémie de charbon. Les ressources de la pêche ont aussi diminué du fait des pillages des coraux pour produire de la chaux, qui remplace le ciment dans les constructions . Aux dires des responsables de l'association Languedoc-Comores, le riz, nourriture de base des plus démunis, ne se trouve plus qu'au marché noir . Les Anjouanais sont au bord de la famine. Dans cette île où tout s'importe mais où rien n'arrive, la situation est catastrophique.
La complicite de l'impérialisme francais
Pour leur part, les autorités françaises participent à cette misère. Elles font même du zèle. En août dernier, le préfet de Mayotte a publié une circulaire interdisant aux Français de se rendre directement à Anjouan, en les obligeant à passer par la Grande-Comore. Les relations étant alors interrompues entre les deux îles, l'accès d'Anjouan se trouvait de ce fait interdit à des amis ou de la famille qui pouvaient apporter quelques aides.
Un tel climat vis-à-vis d'Anjouan a eu bien d'autres répercussions à Mayotte, où près d'un millier d'immigrés clandestins anjouanais ont été littéralement chassés après qu'un maire eut menacé de poursuivre toute personne aidant au séjour d'étrangers en situation irrégulière . Il n'en a pas fallu plus pour que les employeurs qui utilisaient des travailleurs anjouanais les expulsent sans ménagement, et pour beaucoup sans payer les salaires de ces étrangers devenus subitement embarrassants. Ainsi, au début du mois d'octobre dernier, a-t-on pu voir des centaines de personnes expulsées, encadrées par la police, sur les routes de Mayotte.
Dans l'île de la Réunion, située elle aussi dans l'océan Indien, tous ces faits rapportés par la presse ont indigné à juste titre. Un sénateur de droite s'est même fait accusateur public, soulignant les responsabilités du gouvernement dans la situation des Anjouanais, et fustigeant au passage ceux qui se montrent insensibles aux sentiments pro-français des habitants d'Anjouan. Comme si le gouvernement français et avec lui la bourgeoisie qu'il représente pouvaient déterminer ainsi leur politique, et non en fonction de leurs intérêts économiques, voire stratégiques. Et dans une telle optique, que représente Anjouan, ce bout de terre où ne poussent que des plantes à parfum et un peu de vanille ?
Les Anjouanais ne doivent certes rien attendre de l'ancienne puissance coloniale, qui se garde bien de tout geste pouvant susciter la moindre illusion. D'ailleurs, n'est-ce pas le colonialisme français qui porte une responsabilité écrasante dans la situation actuelle des Comores, ne serait-ce que pour les avoir maintenues dans la pauvreté ? Et n'est-il pas aberrant de voir s'instaurer des frontières dans un petit archipel dont le passé des populations a longtemps été commun ? Si un avenir existe pour les Comoriens, il serait plutôt à rechercher dans la coopération et non la division, et surtout dans le combat commun contre les couches dirigeantes locales, relais de l'ancienne puissance coloniale.
G.L.
a écrit :Lutte Ouvrière n°1976 du 16 juin 2006
Archipel des Comores: Un nouveau président mais aucun espoir pour la population
À peine le nouveau président comorien, Ahmed Abdallah Sambi, a-t-il été élu et investi le 28 mai dernier, que Chirac le félicitait, espérant qu'il serait à même de maintenir l'unité de l'archipel.
Ancienne colonie française située dans l'océan Indien, entre les côtes de Madagascar et celles d'Afrique de l'Est, l'archipel des Comores compte quatre îles, la Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. Les trois premières sont devenues indépendantes en 1975, alors que Mayotte choisissait, elle, de rester dans le giron de la France.
Ces îles ont été le théâtre des macabres exploits d'un mercenaire français, Bob Denard, qui y a organisé plusieurs coups d'État. En 1975, il orchestra le renversement d'Ahmed Abdallah (un quasi-homonyme de l'actuel président), puis le remit en selle trois ans plus tard, avant de l'assassiner quelque temps après. En 1978, il déposa Ali Soillih, qui lui aussi fut assassiné. Bob Denard fomenta un dernier coup d'État en 1995 contre Saïd Mohamed Djoar. Le gouvernement français se sentit alors obligé d'intervenir pour libérer Djoar et lui trouver refuge dans l'île de la Réunion.
Les élections qui viennent d'avoir lieu se sont déroulées sous contrôle d'une force armée de 800 hommes dépêchée par l'Organisation de l'Unité Africaine. Elles s'inscrivaient dans un processus dit de «réconciliation nationale» qui a donné naissance à une «Constitution de l'Union des Comores», censée cimenter l'unité des trois îles, mise à mal en 1997 par une proclamation d'indépendance faite par Anjouan. Certains de ceux qui à cette époque demandaient la séparation d'avec la Grande Comore, réclamaient un rattachement avec Mayotte, aussitôt refusé par la France. L'ancienne puissance coloniale ne voyait aucun intérêt à resserrer les liens avec une autre île de l'archipel, Mayotte lui suffisant pour affirmer sa présence dans cette partie du monde. Et comme rien, dans les productions comoriennes, n'avait un quelconque attrait pour les bourgeois de France, ces îles sont restées dans un abandon presque total, tentant de survivre avec quelques productions agricoles, dont la vanille.
Aujourd'hui, la population comorienne vit dans un état de grande pauvreté. L'espérance de vie est de moins de soixante ans. La mortalité infantile atteint 76 pour mille. Le tiers des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance. La récente flambée du prix du pétrole a encore enfoncé les 770000 habitants de ces îles dans le cercle infernal de l'appauvrissement. Rien d'étonnant alors que beaucoup de Comoriens, notamment les Anjouanais, voulant fuir la misère, tentent de gagner l'île proche de Mayotte, sur les embarcations de fortune et souvent au péril de leur vie.
Voilà où est le véritable problème du gouvernement français. Et quand Chirac félicite le nouvel élu en l'assurant de «la disponibilité de la France à appuyer ses efforts», ce n'est certainement pas pour que la population des Comores ait accès à un mieux-être, mais plutôt pour que ses gouvernants aient l'autorité nécessaire pour l'empêcher de tenter de fuir sa misère.
E.G.