a écrit :Les Afriques - 19 mar 2010
Niger: La valse des multinationales
La junte militaire nigérienne, au pouvoir depuis le 18 février dernier, est sur le point d'examiner les prochains jours les contrats et avenants miniers, pétroliers et de télécommunications attribués à des concessionnaires privés par l'ancien régime Tandja.
"Les autorités militaires ont décidé d'auditer tous les contrats d'uranium et d'or", a déclaré à l'agence d'informations américaine Bloomberg un conseiller du nouveau ministre des Mines et de l'Energie, Mahaman Abda, installé par la junte le 1er mars.
"En jeu, le partage de la rente minière entre le pays et les entreprises étrangères", affirment les Echos.
Selon des sources bien informées proches de la junte, les patrons des firmes Areva, de China National Petroleum Corporation et de Zain Niger vont passer à la table des discussions. Sur demande des autorités du Conseil supérieur pour la restauration de la démocratie.
Face à la forte pression de la société civile nigérienne, soutenue par des mouvements associatifs et ONG du pays, la junte, qui jouit encore de la légitimité populaire, compte franchir le Rubicon.
C'est le premier ministre, Mahamadou Dandah, qui doit mettre en musique la nouvelle feuille de route de l'exécutif par l'intermédiaire du tout nouveau ministre des Mines et de l'Energie, Abba Mahamadou. Ce dernier, qui est juriste de formation, est l'une des éminences grises de l'appareil gouvernemental, réputé, dit-on, intransigeant et homme de mesure. A Niamey, on estime que les autorités ont les moyens de leurs ambitions. Et que l'audition de ces firmes ne sera pas seulement un coup de bluff de trop ?
Annoncée dans la capitale nigérienne début mars, la patronne du groupe nucléaire français, Anne Lauvergeon a décidé de surseoir à son voyage à Niamey. Selon nos informations, l'Elysée l’aurait dissuadée au dernier moment, pour y voir clair. En attendant d'opérer un recadrage diplomatique nouvelle version entre Paris-Niamey.
La firme chinoise, China National Petroleum Corporation, concessionnaire de permis sous le régime précédent sur le bloc d'Agadem, à l'Est du Niger est aussi dans le collimateur. Le consortium chinois s'était engagé à investir plus de 5 millions de dollars dans les activités pétrolières au Niger et à construire une raffinerie moderne sur un pipe-line au nord du pays. Sans allié à Niamey aujourd'hui, la CNPC qui manoeuvre en coulisse entend rester dans le jeu.
Le secteur des télécommunications n'est pas épargné. On apprend dans la même veine, que l'opérateur privé de téléphonie mobile Celtel, devenu Zain-Niger, que l'ex régime avait sanctionné pour manquements au cahier de charge et réduit la licence de 5 ans sur un bail conventionnel de 15 ans, sera de la partie.
Ismael Aidara
Et pendant qu'on parle gros sous...
a écrit :RFI - 11 mar 2010
La famine menace la majorité de la population du Niger
Il y a bien un risque de famine au Niger, de l'aveu même du Premier ministre Mahamadou Danda. Près de 60% des Nigériens sont confrontés à la faim. L'ONU et l'Union européenne s'engagent à soutenir le pays.
Jusqu'ici, il était interdit d'en parler publiquement. Mais, depuis mercredi 10 mars 2010, le mot a été lâché. Le Premier ministre nigérien a prononcé le terme de « famine » devant les partenaires étrangers. Mahamadou Danda a lancé un « appel pressant » à la communauté internationale pour que son pays puisse faire face à la crise alimentaire. Selon lui, 58% des Nigériens sont confrontés à la faim de manière « sévère ou modérée ». Les donateurs, de l'ONU et de l'Union européenne, se sont engagés lors de cette rencontre à soutenir le Niger.
Le mot de «famine» n'est, donc, plus tabou à Niamey et dans le reste du pays. La crise alimentaire - que l’ancien régime du président Mamadou Tandja a voulu cacher - est officiellement reconnue. Là où l’ancien gouvernement annonçait un excédent céréalier de 18 000 tonnes, en 2009, une récente enquête vient de révéler un déficit céréalier brut de 400 000 tonnes.
Les effets combinés de l’irrégularité et de l’arrêt précoce des pluies ont plongé plus de sept millions de Nigériens, soit la moitié de la population, dans une situation alimentaire difficile. Ce qui a fait dire au Premier ministre Mahamadou Danda que le pays traverse actuellement une crise alimentaire aigüe.
Dans un entretien à la presse en 2005, on s’en souvient, Mamadou Tandja avait nié la situation de famine au Niger. Pour lui et son entourage, l’idée de crise alimentaire ou de famine sonnait comme une menace pour la stabilité du régime. Les conséquences sont connues de tous : plus de 200 000 enfants souffrant de malnutrition sévère ont été admis dans les centres nutritionnels.
La junte militaire nigérienne est décidée à sécuriser les populations contre la crise alimentaire, en ordonnant des ventes promotionnelles de vivres et en mettant en place un plan de soutien de 89 milliards de francs CFA (plus de 135 millions d’euros).
IRIN - 11 mar 2010
Les habitants du sud fuient la sècheresse
TANOUT - Sur les quelque 42 familles que compte habituellement le village de Garin Dagabi, 20 chefs de ménages ainsi que 13 familles entières sont partis à la recherche de nourriture et d’eau.
Au cours de la dernière saison des pluies, qui dure en principe quatre mois, le village n’a reçu en tout et pour tout que deux pluies, a dit Issouf Boukary, le chef du village. « A la première pluie, on a semé du mil, ça a commencé à pousser… mais ensuite, tout a séché, on n’a rien pu récolter. »
L’insuffisance des pluies dans tout le pays a conduit à une baisse de 31 pour cent de la production céréalière par rapport à l’année dernière – 410 000 tonnes de moins – d’après les dernières estimations du gouvernement.
Au Niger, un pays qui compte 15 millions d’habitants, la production céréalière brute par habitant risque d’atteindre son niveau le plus bas depuis 20 ans, et plus de la moitié du pays pourrait bien connaître des déficits de production comparables à ceux de 2004, qui avaient contribué à la crise alimentaire nationale de 2005, d’après FEWS NET, l’organisation américaine de surveillance de la famine.
Le gouvernement a estimé que l’insuffisance des pluies a forcé quelque deux millions de personnes à épuiser leurs réserves alimentaires sept mois avant la prochaine récolte. Ce pourrait être le cas, prochainement, de cinq millions de personnes supplémentaires.
Une banque céréalière mise en place il y a trois ans à Garin Dagabi, qui disposait au départ d’un stock de 10 tonnes de céréales, n’en contient plus aujourd’hui qu’environ trois tonnes. « On a un peu d’argent dans la caisse pour acheter d’autres sacs [de mil], mais au prix actuel [à Zinder] on ne peut pas se le permettre et il faut aller loin pour en trouver », a dit M. Boukary à IRIN.
Gouragass
A quelques kilomètres de là, le village de Gouragass n’a pu récolter qu’environ 10 pour cent de sa production habituelle de mil, sorgho et niébé. « En année normale, on arrive à couvrir neuf à 10 mois de nos besoins [alimentaires], mais cette année a été tellement mauvaise qu’on n’avait même pas un mois de réserves après la récolte [en octobre 2009] », a dit à IRIN Alhadji Idi, le chef du village.
Les 140 tonnes de mil distribuées en octobre 2009 par le gouvernement à neuf villages de la zone sont bien loin. L’argent envoyé par les migrants ne suffit pas à couvrir les besoins, comme par le passé, ont dit les chefs des deux villages à IRIN.
« Le village n’avait pas connu une situation aussi difficile depuis [1984, l’une des plus graves crises alimentaires au Niger]. Même [2005] n’était pas aussi dur. Et ça vient à peine de démarrer », a dit M. Idi à IRIN. Les villageois ont divisé par deux la quantité disponible lors des repas, a-t-il ajouté.
Issouf Bayard, sociologue nigérien originaire de Zinder, a dit à IRIN que la crise de 1984 concernait l’élevage et l’agriculture, tandis que celle de 2005 était essentiellement agricole.
« Aujourd’hui, en 1010, nous avons des problèmes d’agriculture et d’élevage, plus une population qui a doublé de volume et des épidémies que nous n’avions pas il y a deux décennies. »
D’après le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), il faudra mobiliser quelque 166 millions de dollars pour éviter une crise alimentaire dans la région de Zinder.
Aliment de pénurie
Les prix alimentaires enregistrés en décembre dernier à Zinder étant, selon l’ONG belge AQUADEV, en moyenne 30 pour cent plus élevés que les années précédentes, les ménages se tournent vers une plante sauvage que les habitants appellent ‘jiga’, dont se nourrissent habituellement les chameaux et les criquets.
« Le jiga est un aliment de pénurie », a dit à IRIN Yacouba Adjaharou, directeur de la Direction départementale du développement agricole (DDDA) de Tanout. « Les populations en mangent habituellement en petites quantités, mais lorsque la consommation devient importante, c’est signe de difficultés [d’autant plus que] la cueillette a commencé très tôt [dans la saison]. »
Bétail vendu
Des familles vendent leurs vaches – y compris les vaches pleines et les veaux – pour se procurer de quoi manger, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). « Un éleveur ne vend jamais sa vache suitée sans qu'il ne soit véritablement en difficulté.», a dit à IRIN Nourou Tall, responsable de programme d’urgence à la FAO.
Les prix offerts ont été divisés par deux à cause de la malnutrition des animaux et de la baisse de la demande du plus gros client du Niger, le Nigeria, dont la devise a perdu de la valeur cette année par rapport au franc CFA.
« Avant, on vendait une brebis au moins 20 000 francs CFA [42 dollars], maintenant ça ne dépasse pas 10 000 », a dit M. Idi, le chef de Gouragass.
Faire feu de tout bois
L’insuffisance des pluies a aggravé la pénurie de foin – estimée à cinq millions de tonnes en 2008 par la FAO – utilisé pour nourrir les animaux. Cette année, la quantité de foin disponible suffit à nourrir seulement un tiers du bétail nigérien.
Même ce stock durera tout au plus deux mois, d’après une récente discussion, organisée par la FAO, entre des organisations travaillant dans le domaine de la sécurité alimentaire. « On peut donc envisager que la situation sera très critique dès le mois d'avril prochain.», a dit M. Tall, de la FAO, à IRIN.
Le gouvernement estime qu’il existe une pénurie de 32 000 tonnes d’aliments pour animaux, tels que le maïs, dont la FAO fournira 8 450 tonnes. La première région bénéficiaire de cette distribution sera Diffa, la région la plus orientale du Niger, suivie de Zinder.
Pendant ce temps, les habitants qui n’ont pas de cheptel font feu de tout bois – au sens propre – pour gagner de l’argent : ils ramassent et vendent tout ce qui peut être transformé en fourrage ou bois de chauffage. « Comme beaucoup d’arbres ont été coupés, les gens vont même déterrer des racines de gros arbres à deux ou trois mètres », a dit a dit à IRIN Souleymane Roufaï Kane, de la DDDA de Tanout.