Le conflit de «Tekel» ou la face cachée de l’actualité polit

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Message par Proculte » 07 Jan 2010, 12:46

a écrit :

Depuis 8 jours, les travailleurs de l’ancien monopole turc des tabacs et alcools, «Tekel» (une entreprise comparable à ce que fut, avant sa privatisation en 1995, la «SEITA» française, pour les seuls tabacs et allumettes) manifestent pour défendre leurs droits. Arrivés en bus à Ankara, de toute la Turquie, le 15 décembre dernier, plusieurs milliers de travailleurs ont entrepris de faire entendre leurs revendications, en manifestant aux abords des bâtiments officiels et du siège de l’AKP, le parti gouvernemental. La privatisation en cours de «Tekel», en effet, a de graves conséquences, tant sur les salaires de ces travailleurs, que sur leurs emplois. En vertu de l’article 4C de la loi N°657, les travailleurs de «Tekel» sont susceptibles d’être reclassés dans d’autres entreprises publiques, mais dans des conditions le plus souvent précaires (contrats temporaires) et avec des pertes très importantes de salaire (du simple au double, parfois). Beaucoup de travailleurs, qui ont fait l’essentiel de leur carrière chez «Tekel», ont peur de ne pas pouvoir retrouver un emploi s’ils perdent celui qu’ils occupent actuellement ou s’ils ne sont pas reclassés dans des conditions satisfaisantes. Ils sont ainsi partis de chez eux pour manifester dans la capitale, en promettant de ne pas céder…

Ce mouvement est la conséquence de l’échec de plusieurs mois de négociations avec le gouvernement. Soutenu par les grandes centrales syndicales, DISK («Devrimci Isçi Sendikaları Konfederasyonu», Confédération des syndicats des travailleurs révolutionnaires) et KESK («Kamu Emekçileri Sendikaları Konfederasyonu», Confédération des syndicats des travailleurs de l’administration publique), il a donné lieu, presque quotidiennement, à des manifestations durement réprimées par la police, qui a souvent fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau, et qui n’a pas hésité à disperser sans ménagement les manifestants (en particulier, la semaine dernière au parc Abdi Ipekçi). L’un d’entre eux, Ali Can Akyel, sévèrement battu, pourrait d’ailleurs rester paralysé à vie. En dépit du mauvais temps, qui a sévi ces derniers jours, les travailleurs de «Tekel» continuent de faire le siège de la capitale et refusent de rentrer chez eux, tant qu’ils n’auront pas obtenu satisfaction. Cela amène ceux qui n’ont pas trouvé de logement chez des amis à coucher dans des caves ou dans des abris de fortune…

En dépit de sa gravité, ce conflit social est passé au second plan de l’actualité turque, très largement concentrée, la semaine dernière, sur les événements liés aux conséquences de la dissolution du DTP par la Cour constitutionnelle, et plus généralement sur la question kurde. La presse gouvernementale s’est montrée plutôt discrète sur le conflit de «Tekel», tandis que la presse laïque (notamment les quotidiens du groupe «Doğan») s’étonne de voir le gouvernement réprimer les travailleurs de l’ancien monopole, au moment même où, selon elle, il ménagerait les rebelles kurdes. Dans un éditorial, publié dans l’édition du quotidien anglophone «Hürriyet Daily News», en date du 20 décembre 2009, Yusuf Kanlı revient longuement sur les causes du conflit et s’interroge : «Pourquoi est-ce que le gouvernement envoie la police avec des canons à eau, des gaz et des matraques contre des travailleurs qui ne font qu’user de leurs droits démocratiques pour protester contre ce qu’ils considèrent comme une tentative de remise en cause de leurs droits acquis ? Est-ce que ces travailleurs devraient en venir à la violence ? Est-ce qu’ils devraient partir dans la montagne pour être enfin entendus par le gouvernement ? N’est-il pas triste qu’aucun membre du gouvernement n’ait daigné rendre visite à ces travailleurs en lutte pour écouter leurs demandes ? Est-ce une tare de ne pas être un terroriste ? »

Cet éditorial reprend en fait les réactions d’amertume de certains des manifestants, qui ont comparé leur situation présente et la répression dont ils ont été victimes, aux mesures d’amnistie dont ont bénéficié récemment les membres des «groupes de la paix» qui, dans le cadre de l’ouverture démocratique kurde entreprise par le gouvernement depuis l’été, ont récemment remis leurs armes aux forces armées turques, au poste frontière de Habur (cf. notre édition du 8 novembre 2009).

Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur ce type de réactions et sur l’instrumentalisation politique dont elle peut être l’objet de la part des opposants à l’ouverture démocratique kurde, il est important d’observer que le conflit de «Tekel» attire aujourd’hui l’attention sur l’importance de la question sociale en Turquie. Il est vrai que, dans ce pays, la multiplicité des événements politiques nationaux et internationaux a tendance à faire passer les problèmes sociaux, au second plan de l’actualité. Le plus souvent, l’attention des médias et des agences de presse internationales se focalise sur la revendication de droits politiques liés à un désir d’approfondissement de la démocratie ou à une volonté de meilleure prise en compte des identités (Kurdes, alévis, minorités chrétiennes…). C’est oublier un peu vite qu’en Turquie, dans le contexte des réformes qui sont en cours, la défense de l’emploi et des droits sociaux constitue également un impératif essentiel et complémentaire de l’obtention de nouveaux droits politiques. Un conflit difficile et déchirant, comme l’est actuellement celui de «Tekel», dans un pays où la crise a brusquement cassé plusieurs années de croissance spectaculaire (près de 7% annuel entre 2002 et 2008), montre que cet impératif est souvent loin d’être pris en compte.
Proculte
 
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Message par Proculte » 07 Jan 2010, 12:50

a écrit :Turquie - La lutte des travailleurs de Tekel et des pompiers d'Istanbul

12 000 travailleurs du secteur du tabac appartenant au monopole d'État Tekel poursuivent une lutte déterminée, notamment depuis le 16 décembre où une partie d'entre eux ont commencé à occuper un parc central de la capitale, Ankara, faisant ainsi directement pression sur le gouvernement.

Celui-ci a déjà privatisé la fabrication des cigarettes en 2008, et maintenant les entrepôts se trouvant dans différentes villes. Ces 12 000 travailleurs dont le salaire moyen est de 2 200 TL (livres turques), soit environ 1 000 euros, se voient proposer un statut dit 4C, c'est-à-dire un salaire de 772 TL, soit 360 euros... et la perte de leur statut de fonctionnaire !

Le gouvernement actuel et ses prédécesseurs ont réussi jusqu'à maintenant à privatiser sans trop de difficultés, profitant du chômage massif et de la politique de compromis des directions syndicales. Ces 12 000 travailleurs eux-mêmes avaient sans doute en grande majorité voté pour ce gouvernement. Mais depuis les années 2000, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, notamment des banques et du textile, ont perdu leur statut de fonctionnaires à la suite des privatisations, et par la même occasion une bonne partie de leur pouvoir d'achat. Non seulement ils n'ont plus de garantie d'emploi, mais leurs conditions de travail se sont sérieusement aggravées. Tout cela commence à se savoir et cela explique la riposte des travailleurs de Tekel.

Le gouvernement a d'abord envoyé la police matraquer les manifestants de Tekel, mais ceux-ci ont tenu bon. La brutalité de la police a soulevé l'indignation. Les travailleurs ont eu un grand soutien des commerçants des alentours, des étudiants et même de la presse, de la population en général et des habitants leur offrant l'hospitalité. La direction du syndicat Türk-Is s'est trouvée obligée de les soutenir. Quant aux déclarations du gouvernement, notamment du Premier ministre Erdogan traitant les travailleurs de « profiteurs », elles n'ont fait qu'augmenter encore leur détermination.

Le gouvernement a dû maintenant changer de langage et faire quelques concessions, le ministre du Travail promettant un relèvement du salaire de 100 TL (40 euros). Les travailleurs n'en ont pas voulu, mettant au premier plan le maintien de la garantie de leur emploi dans cette période où le gouvernement tend à confier une grande partie des services publics à des sous-traitants. La lutte continue donc.

Au même moment d'ailleurs, une lutte semblable se déroule à Istanbul, une ville où mille pompiers ont été confiés à une société de sous-traitance. La municipalité veut modifier leur contrat avec à la clé, comme dans le cas de Tekel, une baisse importante de leur salaire. Les travailleurs le refusent, menant des manifestations spectaculaires et occupant un parc de la ville.

Visiblement, la grève générale qu'ont observée les fonctionnaires le 25 novembre - dans un pays qui ne leur reconnaît pas le droit de grève - a renforcé la détermination de nombre de travailleurs du secteur public, et la paix sociale, dont le gouvernement Erdogan a bénéficié jusqu'à présent, est peut-être en train de prendre fin.

J. S.        L-O
Proculte
 
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Message par Proculte » 04 Fév 2010, 11:15

a écrit :4 février 2010 = grève générale en Turquie
en soutien avec les travailleurs de Tekel en grève

Six grandes confédérations syndicales turques appellent les travailleurs et leurs à observer aujourd'hui une grève générale, qui débutera dès 08h jusqu’à 17h - en soutien avec les grévistes du tabac et en signe de protestation contre la politique économique du gouvernement.
Proculte
 
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Message par colbleu » 09 Fév 2010, 17:28

bonjour
pour plus de détail sur la lutte a Tekel, voici un article paru sur le site du CCI(RI) . Il me semble que les iniatives de prise en main de la lutte par les ouvriers eux mêmes doit être mis en avant, car c'est une leçon importante pour tous les ouvriers, peut importe ou ils se trouvent


colbleu. Lecteur de Revolution Internationale
colbleu
 
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Message par colbleu » 10 Fév 2010, 16:42

Je vient de m’apercevoir que j’ai oublié de mettre le lien de cet article
donc s'en attendre le voici

http://fr.internationalism.org/node/4145

colbleu
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Message par ulm » 10 Fév 2010, 18:15

C' est vraiment enthousiasmant!
ulm
 
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Message par colbleu » 07 Jan 2011, 21:47

Cet été des ouvriers de Tekel on fait une tournée en Europe pour faire part de leurs expériences. Le CCI( RI) en a fait part sur son site . Le voici :

ht tp://fr.internationalism.org/icconline/ ... lasse.html

Colbleu
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