a écrit :AP, La Presse canadienne, Yahoo Actu - 10 fev 2011
http://fr-ca.actualites.yahoo.com/%C3%A9gy...075626-253.htmlÉgypte: des milliers de travailleurs en grève
par Maggie Michael, Tarek El-Tablawy
LE CAIRE - Des milliers de travailleurs sont entrés en grève mercredi à travers l'Égypte, ajoutant une nouvelle dimension au soulèvement populaire alors que la colère se dirige désormais contre la grande richesse amassée par la famille du président Hosni Moubarak.
Les appels demandant la démission du président Moubarak se répandent depuis mardi au-delà de la place Tahrir du Caire, où les manifestants sont concentrés depuis deux semaines. Mercredi, des manifestants se sont aussi rassemblés devant les édifices du parlement, du cabinet et du ministère de la Santé, tous à quelques coins de rue de la place Tahrir, et ont empêché le premier ministre Ahmed Shafiq d'accéder à son bureau.
Des grèves ont été déclenchées dans de nombreux secteurs. Les employés des chemins de fer et des transports publics, le personnel de l'entreprise nationale d'électricité, les techniciens du canal de Suez, les employés d'usines de textile, d'acier et de boissons et le personnel d'au moins un hôpital ont décrété la grève.
Dans l'une des manifestations les plus explosives de la journée, quelque 8000 manifestants, principalement des fermiers, ont érigé des barricades de palmiers en flammes dans la province d'Assiout, dans le sud du pays. Ils ont bloqué la principale autoroute et le chemin de fer menant à la capitale afin de dénoncer les pénuries de pain. Il s'en sont ensuite pris au gouverneur de la province en lançant des pierres sur sa voiture.
Les travailleurs ont décidé de faire la grève « quand ils ont su combien de milliards vaut la famille Moubarak », a dit Kamal Abbas, un dirigeant syndical. La colère des Égyptiens s'est accrue après les reportages des médias affirmant que la famille Moubarak avait amassé des milliards de dollars pendant que, selon la Banque mondiale, environ 40 % des 80 millions d'habitants du pays vivent avec moins de 2 par jour. La valeur exacte de la fortune de la famille Moubarak n'est pas connue. « Moubarak, dis-nous où tu as pris 70 milliards de dollars », ont scandé les manifestants rassemblés devant le ministère de la Santé.
Pour la première fois, les travailleurs ont appelé à des grèves malgré l'avertissement lancé par le vice-président Omar Souleimane, qui a affirmé que les appels à la désobéissance civile étaient «très dangereux pour la société» et qu'ils ne pouvaient être tolérés.
Ses avertissements, mardi, sur l'éventualité d'un « coup d'État » ont été reçus par les manifestants comme une menace d'imposer la loi martiale. Mais plutôt que de battre en retraite, les manifestants ont promis d'être encore plus nombreux vendredi.
« Il menace d'imposer la loi martiale, ce qui signifie que tout le monde sur la place sera écrasé », a déclaré Abdul-Rahman Samir, un porte-parole de la coalition des cinq principaux groupes de jeunes à l'origine des manifestations sur la place Tahrir. « Mais que fera-t-il des millions d'autres Égyptiens qui vont nous suivre par la suite ? »
Les manifestants qui se rassemblent dans le centre du Caire et dans d'autres villes égyptiennes depuis le 25 janvier sont déjà le plus important défi lancé contre le règne autoritaire du président Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Le mouvement a donné lieu à des promesses de concessions radicales et de réformes, à un nouveau cabinet et à une purge dans le parti au pouvoir, mais M. Moubarak refuse d'accéder à leur principale demande, soit de démissionner avant les élections de septembre.
Les grèves ont été déclenchées alors que plusieurs entreprises égyptiennes ont rouvert pour la première fois depuis qu'un couvre-feu nocturne a été imposé il y a deux semaines. Les grévistes ne répondaient pas tous directement à l'appel des manifestants de la place Tahrir, mais le succès du mouvement dénonçant la pauvreté grandissante sous le règne de Moubarak a trouvé des échos et ravivé le mécontentement des syndicats.
Au Caire, des centaines d'employés de l'agence publique d'électricité ont manifesté devant les bureaux de l'entreprise et ont exigé la démission du directeur. Les employés des transports publics de cinq des 17 garages de la ville ont aussi déclenché la grève en demandant le renversement de M. Moubarak. Ils sont promis que les transports en autobus seraient perturbés jeudi. Des dizaines d'employés des musées, qui exigent de meilleurs salaires, ont organisé une manifestation devant le Conseil suprême des antiquités. Plusieurs centaines de travailleurs ont aussi manifesté devant deux usines de la banlieue industrielle de Helwan, demandant des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail.
Sur la place Tahrir du Caire, quelque 10 000 personnes étaient rassemblées mercredi. Les visiteurs ont pris des photos et des vidéos tandis que des vendeurs proposaient des noix, du maïs soufflé, des drapeaux égyptiens, des sandwiches et des boissons.
Les manifestants de la place Tahrir ont appelé à une nouvelle « manifestation de millions » d'Égyptiens vendredi, mais ils prévoient cette fois plusieurs rassemblements dans différents quartiers du Caire. La manifestation monstre de la semaine dernière avait réuni au moins 250 000 personnes sur la place.