Blair et les ADM

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Message par pelon » 06 Fév 2004, 16:28

a écrit :
Tony Blair avoue qu'il ignorait la nature de l'arsenal de Saddam
LE MONDE

Londres de notre correspondant

Un aveu d'ignorance est toujours périlleux pour un homme d'Etat. En concédant presque banalement, mercredi 4 février, lors d'un long débat aux Communes, qu'il ignorait la nature exacte des armes de destruction massive irakiennes quelques jours avant la guerre, Tony Blair a fourni à ses adversaires l'occasion rêvée de faire feu sur lui. Moins d'une semaine après la publication du rapport de Lord Hutton, qui avait blanchi le premier ministre britannique, et en même temps frustré le leader du Parti conservateur, Michael Howard, ce dernier a pu demander à loisir, jeudi, la démission du chef du gouvernement.

"J'ai déjà dit exactement lorsque j'en ai pris connaissance ; ce n'était pas avant le débat du 18 mars", a-t-il avoué mercredi. Tony Blair, donc, ne savait pas. Le 18 mars 2003, deux jours avant le début des hostilités en Irak, le premier ministre ignorait quel type d'ADM Saddam Hussein était capable de déployer. Et ce dans le désormais fameux délai de "45 minutes" qui figurait dans le dossier gouvernemental sur l'arsenal irakien publié en septembre 2002.

Il s'agissait en fait, comme on le sait depuis août 2003, d'armes tactiques de faible portée, dites "du champ de bataille", obus d'artillerie ou lance-roquettes, et non de missiles balistiques de longue portée capables d'atteindre, par exemple, des bases britanniques à Chypre. Tony Blair l'ignorait, mais son ministre de la défense, Geoff Hoon, lui, le savait. Il l'avait appris quelque temps après la publication du dossier controversé.

Pourquoi ne l'a t-il pas dit au premier ministre ? Réponse de l'intéressé, dans plusieurs interviews et devant la commission de la défense des Communes : "Cette mention des 45 minutes ne faisait pas l'objet d'un grand débat public." La presse en faisait pourtant ses "unes". En effet, au lendemain de la publication du dossier, les tabloïds, dont le Sun - premier tirage du pays -, arboraient leurs manchettes alarmistes : "A 45 minutes de l'enfer" ou "A 45 minutes de l'attaque".

M. Hoon, en voyage à l'étranger, a assuré ne pas les avoir lues, et son service de presse ne semble pas les lui avoir communiquées, à son retour à Londres. Il n'a pas jugé bon, en tout cas, d'apaiser ces alarmes qu'il savait injustifiées.

Ce qui importait à l'époque, selon lui, c'était la dangerosité de ces armes. "Les armes chimiques mortelles utilisées à Halabja contre les civils kurdes en 1988 n'étaient-elles pas de simples obus de mortier ?", a-t-il dit. Dans son discours crucial aux Communes, deux jours avant la guerre, le premier ministre, a rappelé M. Hoon, n'avait d'ailleurs pas mentionné les "45 minutes", qui n'ont pris de l'importance que plusieurs mois plus tard, lors des accusations diffusées par la BBC.

Il n'empêche. La révélation de cette absence de communication entre M. Blair et M. Hoon, sur un sujet essentiel - les ADM - faisait assez désordre pour que Michael Howard s'en saisît avec une visible gourmandise : "Je ne peux pas imaginer un manque plus sérieux au devoir du premier ministre. C'était sa tâche de connaître chaque fait avant de demander au public de le soutenir. A sa place, je reconsidérerais sérieusement ma position."

"RÉVISIONNISME"

Un porte-parole de Downing Street contre-attaquait en dénonçant le "révisionnisme" des médias. "Le dossier -de septembre 2002- n'a jamais dit que l'Irak pouvait lancer des missiles balistiques en 45 minutes. De plus, on réécrit l'histoire si on laisse entendre que cette affaire des 45 minutes dominait le débat."

Une chose est sûre : l'Irak continuera longtemps d'empoisonner la vie de Tony Blair. La commission Butler, chargée d'enquêter sur les informations des services secrets avant la guerre, a tenu, jeudi, sa première réunion. La veille, Brian Jones, ancien responsable des services de renseignement militaires (DIS), avait accusé les chefs des services secrets (MI 6) d'avoir "ignoré les avis des experts dans la préparation du dossier de septembre 2002, ce qui entraîna une présentation trompeuse des capacités militaires de l'Irak".

Tout porte à croire qu'au cours des prochaines semaines, lorsque la commission Butler sera entrée dans le vif de ses travaux, les deux principaux services concernés par cette affaire, le Secret Intelligence Service (MI 6), qui rend compte au ministre des affaires étrangères et au premier ministre, et le Defence Intelligence Staff (DIS), qui dépend du ministère de la défense, vont plaider leur cause sans se ménager mutuellement. La mention des 45 minutes était un apport du MI6 basé sur une information fournie par un officier irakien dissident. Le DIS en contesta le bien-fondé, mais en vain.

Jean-Pierre Langellier
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.02.04.02.04
pelon
 
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