Congo

Dans le monde...

Message par Andreas » 16 Mars 2004, 19:17

( Le Monde du 17.03.04 @ a écrit :
Les compagnies minières étrangères réinvestissent dans l'ex-Shaba, sous haute protection. Mais l'insécurité continue de régner en brousse, où des "actes de barbarie" font régner la terreur
Lubumbashi (République Démocratique du Congo) de notre envoyé spécial

Les croupiers du Casino royal, au centre de Lubumbashi, ne parlent pas le cantonais ou le mandarin, ni l'anglais ou l'afrikaans. C'est pourtant dans ces langues que s'expriment désormais à leurs tables une clientèle étrangère que tout divise.  Des prospecteurs représentant des grands groupes miniers prêts à investir au Katanga, où gisent 70  % des réserves mondiales de cobalt, et des aventuriers qui font tourner des fours où ils fondent le minerai extrait clandestinement -  mais au vu de tous  - du sol de cette province du sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), exporté ensuite via la Zambie voisine.

"Un vrai pillage", s'insurge l'homme d'affaires belge George Forrest. Le "Roi de la ville", comme on le surnomme, grand bâtisseur d'usines à travers le monde, a profité de la descente aux enfers de l'ex-Zaïre, en 1990, et de la faillite de l'entreprise publique congolaise Gécamines (Générale des carrières et des mines) pour investir dans le secteur minier. Il prône une privatisation complète et le déguerpissement des clandestins pour relancer le Katanga.

Autrefois, la production de la province faisait du Zaïre le premier fournisseur mondial de cobalt et le cinquième de cuivre. Des routes en bon état, d'imposantes églises, d'énormes édifices administratifs et un gigantesque haut-fourneau sont les seuls vestiges de cette époque.

Des exceptions dans un pays détruit par sept ans d'incurie totale, à la fin du régime du maréchal-président Mobutu, suivis de presque autant d'années de guerre. A présent, la splendeur est éteinte. Les wagons rouillent dans des hangars. Aucune fumée ne s'échappe de la cheminée qui surplombe cette ville minière. L'entreprise publique Gécamines, principal employeur de la région, croule sous les dettes et tente une périlleuse restructuration, qui est soutenue par la Banque mondiale, au prix de 10  000 suppressions d'emplois.

Organisée sur un modèle paternaliste, l'entreprise pourvoyait à tous les besoins de ses 20  000 employés et de leurs familles, ainsi qu'aux infrastructures de la province du Katanga. Un Etat dans un pays qui en était dépourvu. "On naissait et on mourait à la Gécamines, témoigne Esther Mbiya, 50  ans, qui enseignait, jusqu'à son licenciement, dans une des écoles gratuites de l'entreprise.  On avait même des congés payés."

A présent, l'activité est à l'arrêt. Les familles se délitent, la pauvreté et le sida font des ravages. Les "moinelles", des fillettes d'à peine dix ans, se vendent dans des maisons closes. Les garçons du même âge ont envahi les mines de l'entreprise. Pour quelques sous, ils tamisent la terre riche en cuivre et en cobalt, exportée ensuite vers la Zambie voisine. L'exploitation anarchique a pollué la nappe phréatique. L'eau, devenue impropre à la consommation, est à l'origine de nombreux cas de dysenterie.

En 2003, les six armées étrangères, qui avaient entamé la guerre du Congo en août  1998, ont fini de se retirer. Au terme d'un long processus politique soutenu par l'Afrique du Sud, les protégés congolais de Pretoria ont pris place au sein d'un gouvernement d'union nationale à Kinshasa, à l'autre extrémité de ce pays grand comme l'Europe occidentale. Ces anciens chefs rebelles se sont engagés à organiser dans moins de deux ans les premières élections libres du pays depuis l'indépendance en 1960 et à mettre fin à quatorze années de vaches maigres. Cela passe par la relance du Katanga. "Nous privatisons tout. La province va redémarrer", affirme Mukena Ngoy, gouverneur de la province.

Les géants miniers sud-africains, canadiens et américains manifestent leur intérêt pour des projets dont les investissements se chiffrent en centaines de millions de dollars, mais dont les bénéfices risquent d'échapper à la population. Le premier de ces projets, réalisé en pleine guerre, a lancé l'exploitation d'un terril de déchets riches en cobalt et en germanium. Le processus de récupération se fait en Finlande, et moins de 300 ouvriers ont été embauchés au Congo. "Les habitants n'ont qu'à se lancer dans l'agriculture. Il faut développer cette région fertile", se console le gouverneur de la province.

Mais personne n'ose s'aventurer loin de la ville, là où commencent la brousse et ses dangers. En témoignent les photos qui ont atterri sur le bureau du général Alengbia Nzambé, le commandant militaire de la région du Katanga. Y figurent sept cadavres, scalpés et émasculés par des hommes en armes qui sèment la désolation dans le nord de la province. Une situation décrite depuis octobre  2003 dans des cahiers de doléances signés par des dizaines de villageois, qui dénoncent des "actes de barbarie" également répertoriés par les Nations unies. Depuis, l'ONU "enquête". Mais aucun de ses 10  000 casques bleus, qui ont pour mission de ramener la paix au Congo, n'a été déployé dans cette zone.

La capitale du Katanga s'en soucie peu, davantage préoccupée qu'elle est par la chute de la production minière, alors qu'une hausse récente de la demande du cobalt par les industries de pointe, notamment l'aéronautique et la téléphonie portable, provoque une envolée des cours, qui ont triplé en un an.

Cette flambée et l'installation au Katanga d'entreprises privées de sécurité sud-africaines pour protéger les concessions minières ont eu raison des réticences des investisseurs étrangers. Le géant minier American Mineral Field a annoncé la reprise imminente de ses activités au Katanga. Dans un communiqué, l'entreprise enregistrée au Canada annonce, de manière erronée, que les lieux où sont perpétrées les "horribles violations" des droits de l'homme et le site d'exploitation sont "aussi loin l'un de l'autre que Londres et Moscou".

Plus velléitaire que résolu, le général Nzambé songe à aller lui-même "faire le ménage"en brousse. Les sept cadavres qui figurent sur les photos sont quelques-uns de ses propres soldats, tombés dans une embuscade du "commandant Chinja-Chinja".

Plus de 10  000 combattants autrefois armés par les belligérants congolais mais à présent livrés à eux-mêmes circulent, en effet, dans le nord de la province. Parmi les plus redoutables de ces bandes figurent les 200 miliciens du commandant Chinja-Chinja ("le Charcutier"). Ils sillonnent la savane à bicyclette, érigent des barrages et imposent leur loi à la population civile. Les plus sanguinaires, à l'instar de Chinja-Chinja ou, encore, du "commandant Macchabée", finissent par devenir les plus connus.

Leur impunité est totale. Le gouvernement congolais, traversé par des dissensions internes et dépourvu d'une armée organisée, est très loin d'étendre son autorité sur l'ensemble du territoire.

A Kinshasa, d'anciens rebelles impliqués dans des crimes de guerre et de nombreuses atrocités sont désormais ministres. Ils ont accepté de déposer les armes et représentent à présent l'autorité. Mais ils ont également fait des émules. Au Katanga, des combattants suivent l'exemple de leurs aînés sur cette route jonchée de cadavres qui, en République démocratique du Congo, mène au sommet de l'Etat.

Arnaud Zajtman
Andreas
 
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Message par pelon » 19 Mars 2004, 18:32

L'enfer pour la population victime du pillage impérialiste.
pelon
 
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