a écrit :En Bolivie et au Pérou, des Indiens Aymaras ont lynché deux maires accusés de corruption
Le réveil des populations indigènes pose problème aux Etats andins, appauvris et affaiblis.
Le maire d'un village bolivien, dans la région des Indiens Aymaras, a été torturé, lynché et brûlé par la foule, qui l'accusait de corruption. Le corps calciné de Benjamin Altamirano a été découvert sur la place principale d'Ayo Ayo, à 87 km de La Paz, mardi 15 juin, attaché à un poteau, face au monument à Tupac Katari, un Indien qui s'est soulevé contre la couronne espagnole au XVIIIe siècle.
En juillet 2003, deux personnes avaient déjà été victimes de l'expéditive "justice communautaire" à Calacoto (Bolivie), près du lac Titicaca. Selon la famille du maire d'Ayo Ayo, un métis appartenant à la Nouvelle force républicaine (populiste de droite), il a été enlevé la veille à La Paz, après avoir été relaxé par la justice pour le détournement de fonds publics évalué à un demi-million de dollars.
Les policiers et les journalistes qui se sont rendus à Ayo Ayo ont été agressés par les habitants en colère. Ramon Copa, dirigeant du syndicat de travailleurs agricoles, a menacé de détruire un pylône de ligne à haute tension, le gazoduc et l'oléoduc et de bloquer les routes si Saturnino Apaza, le conseiller municipal détenu comme instigateur du lynchage, n'était pas libéré.
Perché à 4 000 m d'altitude, Ayo Ayo se trouve à une cinquantaine de kilomètres d'Ilave, au Pérou, dont le maire métis, Cirilo Robles, a également été lynché par la population aymara, le 26 avril 2004, pour des motifs similaires. Faute d'avoir été entendus par le gouvernement de Lima "depuis longtemps", les habitants d'Ilave, en ébullition depuis deux mois, veulent être rattachés à la Bolivie, où les Aymaras sont courtisés par deux leaders rivaux, Evo Morales et Felipe Quispe.
"TOMBEUR DE PRÉSIDENT"
Dirigeant des cocaleros, les paysans planteurs de coca, Evo Morales a créé la surprise en parvenant au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Le mouvement social, qui a poussé au départ du président Gonzalo Sanchez de Lozada, en octobre 2003, lui a conféré la réputation de "tombeur de président". Depuis, il ne ménage pas ses efforts pour convaincre qu'il respecte les institutions. Après s'être rendu au récent sommet Union européenne-Amérique latine, à Guadalajara (Mexique), il a reçu José Bové et d'autres dirigeants de Via Campesina à La Paz, le 7 juin. Evo Morales soutient le référendum prévu pour le 18 juillet sur les hydrocarbures, la principale ressource de la Bolivie. En 2005, une assemblée constituante devrait mieux intégrer les Aymaras et les Quechuas dans la société bolivienne.
Le dirigeant syndical et ancien guérillero Felipe Quispe est sur une ligne autrement plus radicale. Il prône l'indépendance du Kollasuyo, le pays aymara, et ne reconnaît ni la Bolivie ni les autres pays des Andes à forte population indigène. Il pousse les communautés à recourir à leurs autorités traditionnelles, l'Etat étant peu présent dans certaines régions, comme à Ayo Ayo. En mai, il a démissionné du Parlement, "où on vole, où on ne travaille pas et où on ment à l'opinion publique".
Les opposants au référendum exigent la nationalisation des hydrocarbures et multiplient les barrages routiers depuis des semaines. Le président, Carlos Mesa, a dû remplacer son ministre de l'énergie trois fois en sept mois. Le calendrier politique n'arrive pas à résorber l'agitation sociale qui s'étend. Après plus d'un mois de grève des enseignants, le ministre de l'éducation a dû démissionner.
Le réveil indien déstabilise deux autres pays andins, à part la Bolivie. Au Pérou, le président Alejandro Toledo, pourtant lui-même d'ascendance indienne, se trouve face à 91 % de désapprobation. En Equateur, le soutien initial des mouvements indiens au président Lucio Gutierrez s'est rapidement mué en demande de démission.
Paulo A. Paranagua
Le Monde
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.06.04
Je trouve que le journaliste met surtout en avant la question indigène et pas trop les conditions de vie desastreuses. J'avais déjà entendu parler d'évenements semblables dans la localité de Ruy-Ruy (pas très sur de l'orthographe...) où le maire et le préfet avaient failli se faire pendre par la population qui n'était pas uniquement indienne.
Mais je ne connais pas assez bien la situation pour me faire le plus petit début d'avis. Quelqu'un a des informations ?