Egypte... autour d'un édito

Dans le monde...

Message par Wapi » 31 Jan 2011, 19:57

(Edito LO du 31 janvier a écrit :TUNISIE, ÉGYPTE : LES EXPLOITÉS ONT À LUTTER POUR LEURS PROPRES INTÉRETS ]

Après l'Algérie et la Tunisie, voilà l'Égypte qui s'embrase. La mobilisation populaire fait trembler des dictatures qui semblaient construites sur du roc. En Tunisie, elle a entraîné la fuite de Ben Ali.

Les dirigeants du monde impérialiste, qui ont protégé, financé, armé Ben Ali et Moubarak, ont lâché leur protégé en Tunisie et se tâtent pour le faire en Égypte, en se répandant en discours pour la démocratie. Les hypocrites salauds !

Pour les dirigeants politiques en France, aussi bien ceux de la droite au pouvoir que les socialistes, Ben Ali était "notre ami", celui qui préservait si bien les intérêts des groupes capitalistes français, très présents dans ce pays.

Mais le mouvement populaire a été assez fort pour que les puissances impérialistes conseillent à Ben Ali de partir en Arabie saoudite en lui assurant le vivre et le couvert avec une luxueuse villa, sans parler de la liberté de disposer d'une tonne et demie d'or volé à l'État par sa femme.

Pour Moubarak, et pour l'heure, les puissances impérialistes hésitent en raison du rôle stratégique joué par le régime égyptien au Moyen-Orient. Mais, déjà, la secrétaire d'État américaine Clinton parle de la nécessité d'une transition.

Ce que la grande bourgeoisie des pays impérialistes et ses conseillers politiques et militaires craignent, c'est que le mouvement engagé s'approfondisse et que les masses pauvres entraînées ne se satisfassent pas d'une relève des dirigeants politiques et finissent par se battre pour leurs propres exigences, à commencer par le travail et le pain. Ils savent trop bien que toute cette région est une poudrière tant est grande la misère de la majorité de la population et insupportables les inégalités croissantes entre les classes exploitées et la classe privilégiée. Les dirigeants politiques leur servent de fusibles. Les grandes puissances protègent les pires dictateurs tant qu'ils parviennent à ligoter leurs peuples. Lorsqu'ils n'en sont plus capables, ils sont utilisés comme boucs émissaires.

En Tunisie comme en Égypte, les dirigeants du monde impérialiste sont à la recherche fiévreuse d'une solution de rechange susceptible d'arrêter le mouvement des masses avant que celles-ci parviennent à la conscience que, derrière la personne du dictateur, il y a l'appareil d'État, l'armée avant tout, et derrière l'État la classe privilégiée elle-même, la bourgeoisie locale, mais plus encore la bourgeoisie impérialiste.

Il est difficile de savoir si les masses soulevées ont suffisamment d'énergie pour pousser plus loin et s'en prendre à ceux qui tirent les ficelles.

La classe ouvrière de ces deux pays a, bien sûr, intérêt à participer le plus massivement possible à ce mouvement pour les libertés et les droits démocratiques. Mais elle a intérêt à y participer avec ses propres objectifs, en n'hésitant pas à mettre en avant ses revendications de classe. Même pour imposer les droits démocratiques, les libertés publiques, il est indispensable que les exploités restent mobilisés, se méfient de tous les postulants au pouvoir et pas seulement de ceux qui étaient trop liés au dictateur déchu, les surveillent, les contrôlent. Les mots "liberté" et "démocratie" n'ont pas la même signification pour les masses opprimées et pour Obama, Sarkozy et leurs semblables. Ces derniers se satisferont d'un régime parlementaire en haut et d'oppression des pauvres en bas. Ils laisseront les classes pauvres croupir dans la misère alors que la classe privilégiée s'enrichit de cette misère.

Les exploités mis en mouvement ont intérêt à se méfier de l'armée qui, en Égypte, se pose en arbitre de la situation. Oh, les manifestants ont mille fois raison de fraterniser avec les soldats du rang qui sont issus du peuple ! Mais pour les attirer de leur côté, il faut les opposer aux généraux, à la hiérarchie militaire, liés corps et âme à la bourgeoisie et qui ont été les piliers du pouvoir de Moubarak. Si l'état-major de l'armée choisit aujourd'hui de ne pas faire tirer sur les manifestants, c'est pour préserver son rôle d'arbitre afin de pouvoir tirer demain.

Alors, il est indispensable pour les exploités de Tunisie et d'Égypte que le prolétariat industriel, qui est au coeur de la production capitaliste, là-bas comme ici, se mette en mouvement, s'organise pour en devenir la force principale. Quand bien même l'énergie des masses se révèlerait puissante, il faudra que les classes exploitées prennent conscience de leurs propres intérêts et se méfient des faux amis qui, en brandissant les mots "unité nationale", voire "démocratie", voudraient les faire taire. C'est la seule voie pour les classes exploitées d'imposer leur droit à la vie.



C'est un texte magnifique que nous a écrit Arlette aujourd'hui. Un édito de révolutionnaire communiste, qui dit ce qu'il y a à dire de fondamental en ce moment : c'est seulement la classe ouvrière qui pourra diriger une révolution sociale.

Personnellement, j'espère (sans rien y pouvoir d'autre), que l'évolution de la situation là-bas, que nous ne pouvons qu'observer en ce moment, nous permettra de parler du rôle du prolétariat des pays impérialistes pour l'avenir de ces mobilisations des pays arabes (pour le moment).
Wapi
 
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Message par MajnûnLayla » 01 Fév 2011, 00:07

Chercher où se trouve la réponse à la question que se posent les masses depuis des semaines: celle du pouvoir.

Non, non, ça c'est l'affaire des impérialistes. La classe ouvrière, elle, doit réclamer "du travail et du pain". Puisqu'on lui dit que c'est ça, ses revendications!

Merci Arlette...
MajnûnLayla
 
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Message par quijote » 01 Fév 2011, 01:01

(MajnûnLayla @ mardi 1 février 2011 à 00:07 a écrit : Chercher où se trouve la réponse à la question que se posent les masses depuis des semaines: celle du pouvoir.

Non, non, ça c'est l'affaire des impérialistes. La classe ouvrière, elle, doit réclamer "du travail et du pain". Puisqu'on lui dit que c'est ça, ses revendications!

Merci Arlette...
" , .. aujourd'hui les masses égyptiennes soient assoiffées de liberté , en ont marre de la misère : du pain et du travail , le besoin de liberté , et la haine de la dictature sont des revendications qui sont étroitement liées . Je ne vois pas en quoi , tu les opposes ? Et pourquoi tu rabaisses ainsi la revendication du travail et du pain ? En quoi est-ce déshonorant et inférieur?
quijote
 
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Message par com_71 » 01 Fév 2011, 05:16

(MajnûnLayla @ mardi 1 février 2011 à 00:07 a écrit : la question que se posent les masses depuis des semaines: celle du pouvoir.

Non, non, ça c'est l'affaire des impérialistes. La classe ouvrière, elle, doit réclamer "du travail et du pain".

Un édito illustrant comment se pose actuellement en Egypte le problème de la nature de l'état, en s'adressant à l'intelligence du lecteur, et éventuellement à son sentiment d'appartenir à la classe des travailleurs, ayant ses intérêts propres...
alors, forcément les "majnun" [المجانين] n'y comprennent rien. C'est la nuit [ليلة] pour eux... :roll: :roll:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par MajnûnLayla » 01 Fév 2011, 11:40

Oui oui, les bons conseils paternalistes de Lutte Ouvrière, la classe ouvrière les a anticipés aux environs du 17 décembre. Mais c'est toujours intéressant, une fois que ces revendications l'ont conduite à impulser un mouvement qui a chassé Ben Ali et à poser la question du pouvoir, de voir de belles âmes leur expliquer ce qu'elles doivent revendiquer.

Et pour la traduc c'est raté mon bon com: Layla ne s'écrit pas comme ça.
MajnûnLayla
 
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Message par com_71 » 01 Fév 2011, 15:06

(MajnûnLayla @ mardi 1 février 2011 à 11:40 a écrit : Layla ne s'écrit pas comme ça.
???? ????? ?????
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 01 Fév 2011, 15:13

Encyclopédie Universalis :

a écrit :La légende de Madjnun et de Layla a exercé une grande influence sur la littérature arabe et musulmane. Le poète persan Abu Muhammad Ilyas Nizami de Gandja en donna au XIIe siècle une version admirable (Layla u Majnun ). Si ce thème a une couleur surtout sentimentale chez Nizami, il revêt un caractère mystique chez le poète persan Djami de Hérat (1414-1492). Pour Djami, Madjnun est le modèle de l’âme qui, par son renoncement aux joies du monde et par sa mortification, parvient au ravissement mystique, à l’extase, à l’union avec Dieu. Cette légende a également inspiré les poètes d’expression persane Amir Khisraw de Delhi et Halfi, ainsi que les poètes turcs Hamdi et Fuzuli. Au XIXe siècle, le Syrien Abu Khalil al-Qabbani lui consacre une pièce de théâtre. Au XXe siècle, le poète égyptien Ahmad Shawqi évoque, dans un drame en vers, les souffrances de Layla et de Madjnun. On peut dire que, de siècle en siècle, la légende de Madjnun et de Layla n’a cessé d’enchanter et d’émouvoir les hommes.



cf. en français l'excellent :
Majnûn et Laylâ : L'amour fou (La Bibliothèque arabe Sindbad) de André Miquel,

Majnun = le fou, avec éventuellement une connotation poétique forte comme dans "le fou d'Elsa" :roll:
la racine j-n évoquant l'âme et la nuit Majnun est frappé par une "nuit de l'âme"

Layla = la femme-nuit

S'cusez le hors sujet.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par MajnûnLayla » 01 Fév 2011, 17:28

Toujours pas au point cette histoire.

Parce qu'il n'y aura pas de libertés démocratiques pour les masses en Tunisie sans réponse ouvrière à la question du pouvoir, et que c'est cette question-là qu'ils posent à chaque étape de leur mobilisation. Et celle que LO ne pose jamais, jamais, jamais.

Militer pour les libertés démocratiques en Tunisie, en Egypte ou en Algérie, pour des manifestations exigeant la levée des états d'urgence, c'est ce que peut et doit faire le mouvement ouvrier ici.

Mais de là-bas, les leçons précieuses que les masses tunisiennes nous donnent, c'est que la lutte pour la satisfaction des revendications les plus élémentaires passe par la lutte pour le pouvoir.

Les émeutes de la faim, c'était en 2008. Le moment où les manifestants tunisiens brandissaient des baguettes, c'était en décembre - autant dire il y a un siècle.

Depuis elles ont franchi des pas de géant, passé de leurs revendications premières à l'exigence d'en finir avec Ben Ali, puis après l'avoir chassé d'en finir avec le RCD et toutes les institutions de la dictature.

Se prononcer un mois après le début des manifestations, pour les ravaler à leur point de départ, c'est un peu court.

Et puisque tu veux nous éclairer sur la poésie arabe, médite un peu ces vers de Qabbani:

J'essaie de dessiner des pays...
Avec un Parlement de jasmin...
Avec un peuple aussi délicat que le jasmin...
Où les colombes sommeillent au dessus de ma tête
Et où les minarets dans mes yeux versent leurs larmes
J'essaie de dessiner des pays intimes avec ma poésie
Et qui ne se placent pas entre moi et mes rêveries
Et où les soldats ne se pavanent pas sur mon front
J'essaie de dessiner des pays...
Qui me récompensent quand j'écris une poésie
Et qui me pardonnent quand déborde le fleuve de ma folie...

J'essaie de dessiner une cité d'amour
Libérée de toutes inhibitions...
Et où la féminité n'est pas égorgée... ni nul corps opprimé


Ce rêve est aujourd'hui celui des masses arabes dans tout le Maghreb et le Moyen-Orient. Non, elles ne réclament pas du pain, mais crient partout la volonté d'en finir avec les dictatures. Etouffer ce qu'ils crient, même avec un bout de baguette, c'est petit.
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Message par Jacquemart » 01 Fév 2011, 17:55

a écrit :Parce qu'il n'y aura pas de libertés démocratiques pour les masses en Tunisie sans réponse ouvrière à la question du pouvoir, et que c'est cette question-là qu'ils posent à chaque étape de leur mobilisation. Et celle que LO ne pose jamais, jamais, jamais.

Si "poser la question du pouvoir", c'est croire que quand douze trotskystes crachent en l'air, il pleut à 3000 km de là, c'est sûr qu'on n'est pas à fond dedans.

Mais on apprécie quand même cette rhétorique qui permet de noyer dans une même formule ronflante des réalités qu'un abîme sépare ; à savoir d'un côté, la lutte de la classe ouvrière derrière ses propres organes armés pour s'emparer de la direction de la société, et de l'autre un mouvement qui revendique un régime plus démocratique et moins corrompu. Une fois de plus, les traditions sont solidement respectées : ce bluff ne trompe que ceux qui le pratiquent.

Mais bon, il a au moins la vertu de permettre de se répandre à longueur de forum pour dénoncer la prétendue mollesse politique des autres groupes, et de joindre ainsi l'inutile au désagréable.
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Message par MajnûnLayla » 01 Fév 2011, 18:23

(Jacquemart @ mardi 1 février 2011 à 17:55 a écrit : Mais on apprécie quand même cette rhétorique qui permet de noyer dans une même formule ronflante des réalités qu'un abîme sépare ; à savoir d'un côté, la lutte de la classe ouvrière derrière ses propres organes armés pour s'emparer de la direction de la société, et de l'autre un mouvement qui revendique un régime plus démocratique et moins corrompu.

On ne vit sûrement pas dans la même réalité, mon bon Jacquemart.

La question du pouvoir, les masses l'ont posée en chassant Ben Ali, elles la posent en continuant de vouloir chasser le gouvernement Ghannouchi.

Et effectivement, en créant ses propres organes.

Ca c'est la réalité dans laquelle tu ne vis pas.

Dans ta "réalité", la révolution permanente est bonne à jeter aux orties, et le fait que la classe ouvrière soit le moteur d'un combat où les revendications démocratiques sont au centre te dépasse. Il est sans doute plus simple d'adhérer aux thèses défendues jadis par les staliniens: celles de la "révolution par étapes".

Et ravaler contre toute évidence la mobilisation du prolétariat à des suppliques de mendiants.

Ce n'est pas la réalité, cela - c'est la réalité de ce qu'est Lutte Ouvrière. Une organisation qui à force de répéter jour et nuit qu'il faut patiemment attendre le "grand soir" en évangélisant les masses bouton de veste par bouton de veste, en vient à nier la réalité de la lutte des classes en dehors d'elle, et à occulter méthodiquement la question du pouvoir.
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