Bon, un certain nombre d'articles trouvés sur le site A l'encontre (du MPS suisse, lié au SU):
a écrit :
Le PT décide d'expulser quatre de ses parlementaires
Nous publions ci-dessous la traduction de la prise de position de la direction du Parti des travailleurs ayant trait à l'expulsion de trois députés et d'une sénatrice, telle qu'elle a été mise à disposition de ses membres et des Brésiliens et Brésiliennes dans un communiqué (sous la rubrique Noticias du site du PT). Ce communiqué est censé présenter les motivations respectives de la direction du PT et des membres exclus. Il nous semble important que nos lectrices et lecteurs aient connaissance de ce document.
Le même jour, le 14 décembre 2003, dans un communiqué, le PT rapportait que: «Le député Walter Pinheiro (PT Etat de Bahia), représentant la tendance Démocratie socialiste [tendance dont est membre la sénatrice expulsée Heloisa Helena, figure nationale de la gauche du PT et dans laquelle s'identifient des couches populaires; le ministre du Développement agraire, Miguel Rossetto, est aussi membre de la tendance Démocratie socialiste...], a présenté à la Direction nationale du PT, après la votation de l'expulsion des quatre parlementaires du parti, un recours demandant que la prochaine Rencontre nationale rejuge à nouveau la décision prise contre la sénatrice Heloisa Helena. La DS [la direction de la tendance Démocratie socialiste] a dès lors demandé que la Rencontre nationale, prévue pour 2005, soit avancée. Le président du parti, José Genoino, a affirmé qu'il présentera la proposition d'avancer la date de réunion de la Rencontre nationale lors de la prochaine réunion de la Direction nationale du PT qui se tiendra au début de l'année à venir [2004].» Le calendrier des réunions n'est pas neutre: une alternative politique au cours social-démocrate du PT, qui trouverait une expression programmatique, unitaire et organisationnelle, se doit de faire face à des échéances politiques et électorales qui impliquent d'initier un processus de légalisation, c'est-à-dire la réunion de 500'000 signatures, au cours du deuxième trimestre 2004. En jouant la montre, la Direction du PT peut, de la sorte, neutraliser l'impact politique de l'expulsion des quatres parlementaires et en priorité d'Heloisa Helena. Elle peut cultiver aussi les hésitations. Il semble que la proposition de Démocratie socialiste ne contre pas avec sérieux les intentions, avouées ou inavouées, de la Direction du PT.
L'expulsion d'Heloisa Helena (DS), de Luciana Genro (députée du PT de l'Etat de Rio Grande do Sul et membre du MES - Mouvement de la gauche socialiste), de Joao Batista Baba (député du PT de l'Etat de Para) et de Joao Fontes (député du PT de l'Etat de Sergipe) a été accompagnée de très nombreuses démissions de personnalités de premier rang, parmi lesquelles les membres créateurs du PT, et de nombreux militants et militantes. Nous renvoyons nos lectrices et lecteurs aux articles qui sont et seront publiés sur ce site à ce propos. Il faut préciser que la réunion de la Direction du PT s'est tenue dans un hôtel de Brasilia, alors que le siège du PT se trouve à Sao Paulo. Le prétexte donné était le suivant: les membres de la Direction, députés, devaient être présents pour des réunions particulièrement importantes des deux Chambres du législatif. En réalité, l'intention politique était claire: non seulement superposer symboliquement le lieu géographique (Brasilia) de l'expulsion des députés qui s'opposaient au cours social-libéral du gouvernement Lula au siège du gouvernement, mais aussi de soustraire la Direction du PT aux pressions grandes des collectifs militants qui appuyaient les militants «radicaux», en particulier Heloisa Helena. D'ailleurs, à Brasilia, de nombreux militants ont essayé de forcer les portes de l'hôtel où la Direction nationale du PT gouvernemental donnait sa réunion. Ils ont été empêchés de pénétrer dans l'hôtel, un peu comme les salariés de la fonction publique n'avaient pu manifester dans le parlement lors de l'adoption de mesures frappant non pas seulement une mince couche de «fonctionnaires privilégiés», mais un ensemble large d'employés de la fonction publique. C.-A. U.
La Direction nationale du PT a approuvé au cours de l'après-midi de dimanche (14/12/2003) l'expulsion des députés João Baptista Babá (de l'Etat de Pará - PA) et Luciana Genro (Rio Grande do Sul - RS) et de la sénatrice Heloísa Helena (Etat d'Alagoas - AL). La décision a été prise par 55 voix contre 27 et aucune abstention. Vers la fin de la matinée du 14 décembre, la Direction avait déjà pris la décision d'écarter le député João Fontes (Etat de Sergipe - SE) par 55 voix contre 27 et 1 abstention. Les dirigeants du PT considèrent que ces parlementaires ont enfreint le code de conduite du PT et ont fait preuve d'un comportement opposé à ce que le parti avait déterminé.
La déclaration d'accusation, présentée par le secrétaire national en charge de l'organisation au sein du PT, Sílvio Pereira, et approuvée par la majorité des dirigeants du PT, comportait différents objectifs. Ce document entendait « vérifier l'irrespect des principes de fidélité et de l'unité du parti ; vérifier les initiatives en désaccord avec le principe rassembleur qui oriente le parti ; vérifier les collaborations développées avec des dirigeants de partis opposés au PT et au gouvernement fédéral ainsi que la désobéissance réitérée face aux orientations et aux résolutions adoptées par les instances du PT ».
Lors du plenum de la Direction nationale, le président de la Commission d'éthique du PT, Danilo Camargo, a affirmé par la lecture de son rapport que « les conduites décrites dans la déclaration d'accusation de la Direction peuvent être qualifiées de graves et très significatives. Elles sont complètement opposées à l'objectif de renforcement de l'unité du PT, comportent une profonde hostilité, une attitude irrespectueuse et des offenses graves et réitérées à l'encontre de dirigeants et de leaders du PT, et y compris au prestige et aux membres du PT ».
« Ils [les parlementaires] ont transgressé les règles statutaires et la Commission d'éthique décide majoritairement de suivre la Direction du parti qui demande leur expulsion », a affirmé Danilo Camargo.
Les parlementaires
Depuis la tribune de l'auditoire, la députée Luciana Genro a considéré les expulsions non pas comme le résultat d'un débat disciplinaire, mais comme le résultat d'un procès contre la contestation politique. « A la Commission d'éthique, nous n'avons pas été interrogés sur notre vote contre la réforme de la Prévoyance sociale, mais sur nos déclarations publiques à ce sujet » a-t-elle dit. Tout comme le député João Fontes, elle a critiqué l'orientation politique du parti : « le PT n'a pas organisé un débat au sein de sa base avant de décider du changement d'orientation politique » [par rapport à son opposition traditionnelle d'une réforme de la prévoyance sociale telle que le PT l'avait combattue à l'époque de Fernando Henrique Cardoso].
Le député Babá a utilisé les quinze minutes qu'il avait à disposition pour relever les positions du parti et les actions gouvernementales auxquelles il est opposé. Il a accusé la politique économique du gouvernement de créer le chômage et il a également rappelé que lors d'un précédent Congrès, le PT s'était opposé à la réforme de la Prévoyance sociale que le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso [président avant l'arrivée de Lula au pouvoir] prévoyait de mettre en úuvre. Selon Babá, l'expulsion de ces parlementaires est le signe de la transformation du PT en un « New PT » [allusion au New Labour de Tony Blair]. « Je continuerai, avec les autres parlementaires expulsés, la lutte nécessaire pour le peuple brésilien », a-t-il conclu.
Heloísa Helena a été la dernière à prendre la parole et a utilisé seulement la moitié du temps qui lui était imparti. Elle a commencé et a terminé son intervention avec une voix étranglée. Heloísa a affirmé qu'elle défend aujourd'hui les mêmes positions que celles qu'elle défendait lorsqu'elle était leader du PT au Sénat et leader de l'opposition pendant le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. « Si le parti pensait que je défendais alors des positions fausses, vous auriez dû m'avertir lorsque j'étais leader de l'opposition au gouvernement précédent », a-t-elle affirmé.
La sénatrice a encore dit qu'elle ne pouvait pas demander la clémence ou faire des excuses comme certains parlementaires lui avaient suggéré avant cette séance de la Direction nationale. En effet, si elle l'avait fait, elle aurait « nié l'histoire du PT ». « Il n'y a pas de place pour des excuses. Devant cette situation, il faut uniquement garder la tête haute. Car ceux qui m'expulsent aujourd'hui ne représentent pas le PT socialiste, le PT de la radicalité démocratique ».
Le vote sur l'expulsion des parlementaires a été précédé par des témoignages favorables ou opposés à leur mise à l'écart. Cette séance de la Direction nationale a eu lieu à l'Hôtel Blue Tree Park à Brasília [sic]. Des manifestants et des membres du groupe « les amis de Heloísa » - créé il y a deux semaines avec l'objectif de défendre la sénatrice contre son expulsion du parti - se sont concentrés à l'entrée de l'hôtel et ont manifesté leur appui au maintien des députés au sein du PT. Les manifestants ont même tenté de passer en force afin d'accéder à la réunion, mais ils n'ont pas réussi à entrer dans l'hôtel.
a écrit :
Aujourd'hui, il est temps pour nous
Nous publions ci-dessous la déclaration d'un certain nombre de militants du PT, entre autres membres de la tendance Démocratie socialiste, publiée à l'occasion de l'expulsion d'Heloisa Helena (sénatrice du PT de l'Etat d'Alagoas et membre de la tendance Démocratie socialiste). Réd.
Si nous présentions des excuses, nous nierions l'histoire du PT.
Heloisa Helena
Cette lettre marque notre rupture avec le Parti des travailleurs. Elle s'adresse à toutes et à tous qui, d'une façon ou d'une autre, ont participé à l'histoire du PT, soit en construisant le parti au cours de nombreuses années, soit comme militants occasionnels, soit comme ayant voté Lula à l'occasion des dernières élections. Ceux qui la signent sont des militants et des militantes qui se sont engagés dans la construction du PT et de la Démocratie socialiste [tendance à laquelle appartiennent Heloisa Helena et l'actuel ministre du Développement agraire Miguel Rossetto] et qui n'acceptent pas de rester une minute de plus dans le parti, après les expulsions de ceux qui se sont obstinés à manifester publiquement leur désaccord face à des mesures qui enlevaient des droits aux travailleuses et aux travailleurs.
L'expulsion des camarades Heloisa Helena et Luciana Genro et des camarades Joao Batista Baba et Joao Fontes constitue notre limite [à une permanence dans les rangs du PT].
Quand bien même le parti a manifesté de nombreuses faiblesses démocratiques, qui nous ont fortement préoccupés, ce qui s'est passé aujourd'hui est de l'ordre de l'inacceptable. A la prise de décision d'expulser des camarades qui ont simplement défendu ce que le PT a toujours défendu s'ajoutent les récents départs d'importants intellectuels de la gauche du parti - tels que Francisco de Oliveira, Carlos Nelson Coutinho, Leandro Konder, ainsi que l'ex-député fédéral Milton Temer; tout cela indique clairement que dans le PT il n'y a plus un espace pour la construction d'une politique cohérente de transformation sociale. Il est devenu interdit de s'opposer à l'amputation de droits de la classe ouvrière mise en oeuvre par le gouvernement social-libéral de Lula.
Nous appréhendons l'expulsion des camarades susmentionnés comme étant l'expulsion d'un ensemble d'élaborations et de propositions que la gauche du PT a développées tout au cours de son histoire. Et ces expulsions envoient aussi un clair message qu'aucun type de divergences politiques de la part de ceux qui restent dans le parti ne sera toléré. Dès lors, nous nous considérons aussi expulsés du parti.
A partir de notre rupture, nous nous engageons dans le débat visant à développer le processus de construction d'un nouveau pôle de référence, de nature partidaire, de la gauche au Brésil. Et cela de façon conjointe avec les camarades qui aussi ont rompu ou sont en rupture avec le PT: Heloisa Helena, le MES [Mouvement de la gauche socialiste - Luciana Genro], le CST [Courant socialiste des travailleurs - Baba], le PRS [Pôle de résistance socialiste - Joao Fontes] et de nombreux intellectuels, ainsi que d'autres socialistes qui viendront, nous l'espérons, se joindre à ce projet.
Ce débat est à l'ordre du jour d'un secteur significatif de membres du PT et d'ex-membres du PT, de salariés du secteur public, d'étudiants et de milliers de militants ayant des trajectoires politiques diverses et disposant d'une implantation dans différents mouvements sociaux. Nous croyons qu'un processus de recomposition de la gauche anticapitaliste brésilienne - comme il fut défini comme priorité par le XVe Congrès mondial de la IVe Internationale [Secrétariat unifié] - passera nécessairement par une telle construction partidaire. 15 décembre 2003
Premiers signataires: Affonso Cardoso (Parana), Ana Silvia Laurindo (Parana), Carla Cobalchini (Parana), Carlos Alberto Moreira (Parana), Carlos (Rio de Janeiro), Conceiçao dos Santos (Parana), Felipe Longo (Rio de Janeiro), Glasiene Cabral (Rio de Janeiro), Luciano Barboza (Rio de Janeiro), Luiz Belmiro Teixeira (Parana), Marcio Longo (Rio de Janeiro), Marco Antonio Figueiredo (Parana), Marcos Teixeira (Parana), Marcus Pedroso (Parana), Victor Neves (Rio de Janeiro)
a écrit :
Un des fondateurs du PT rompt avec le PT
(Lettre de Francisco dit « Chico » de Oliveira)*
Cet article consomme mon éloignement du Parti des Travailleurs (PT), duquel je me détache formellement. Ici je ne m'adresse ni à une quelconque instance formelle du parti, ni à ses dirigeants au sein du parti ou dans le gouvernement, mais aux membres du PT et aux citoyens en général. Aux premiers, parce que j'ai partagé avec eux le militantisme au cours de toutes les années dans le parti, et aux seconds parce qu'ils sont les seuls détenteurs formels, selon la Constitution, du pouvoir républicain et démocratique, ceux auxquels le PT et son gouvernement doivent obéissance.
Ces derniers ont fait confiance au PT, que ce soit en tant que militants et électeurs ou que ce soit en tant que citoyens qui ont permis, par leur appui réitéré à la démocratie, l'existence même du Parti des Travailleurs et son arrivée au Pouvoir Exécutif [Présidence de la République fédérale par Lula et gouvernement avec des membres du PT] ainsi que l'obtention d'une majorité [au travers d'accords avec d'autres formations]dans les deux Chambres [Parlement et Sénat] qui représentent le peuple.
J'ai le droit de demander des comptes au Parti des Travailleurs quant à la politique gouvernementale qu'il exerce, aussi bien à cause de ma condition de militant que de mon statut citoyen. Et, dès aujourd'hui et dans le futur, exclusivement en ma condition de citoyen.
Bien au-delà de ce qu'en pense la direction du parti, le PT doit donner satisfaction aux citoyens et citoyennes qui lui ont créé les conditions pour qu'il se batte démocratiquement et parvienne au gouvernement. Il manque à ces dirigeants la conscience démocratique et républicaine, et ils débordent d'arrogance, de prétention et de manúuvres de la pire espèce.
Ce n'est pas l'arrogance qui me meut, ni le désir de tenir des propos catilinaires [véhément], ni celui de me livrer à des prophéties catastrophiques, ni celui encore que d'autres me suivent sur ce chemin. Chacun des membres du PT et chaque citoyen est indépendant et seul sujet de ses propres actions, décisions et options. Tout simplement, je n'ai plus confiance envers les dirigeants du parti qui se trouvent au gouvernement et envers ceux qui se trouvent dans les instances du parti. Je ne pense d'ailleurs pas non plus que cet ensemble soit homogène.
Beaucoup de ceux qui se trouvent au gouvernement, qui restent et qui resteront au parti, ont le droit de procéder de cette manière et je ne les transforme pas en mes ennemis, ni même en adversaires. J'ai la certitude que je continuerai à maintenir des amitiés fraternelles avec beaucoup d'entre eux et que je continuerai à les considérer comme des membres importants de la lutte brésilienne et comme des lutteurs pour les transformations de la société brésilienne sur le chemin vers la justice, l'égalité sociale et le socialisme.
Je m'éloigne parce que je n'ai pas voté aux dernières élections présidentielles et parlementaires pour le PT, afin de le voir gouverner sur un programme qui n'a pas été présenté aux électeurs. Ni le Président, ni beaucoup de ceux qui se trouvent dans les ministères, ni d'autres qui se sont présentés à la chambre des Députés et au Sénat de la République ne m'ont demandé mon vote pour conduire: une politique économique désastreuse; une réforme de la Prévoyance sociale en faveur du système financier [fonds de pension contrôlés par les banques et assurances, nationales et internationales] et contre les travailleurs; une réforme fiscale oligarchique; une campagne de discrédit et de démoralisation de la fonction publique; une inversion des valeurs républicaines au bénéfice de l'idéal libéral du succès à n'importe quel prix qu'est le « triomphe de la raison cynique », selon les dires de César Benjamin [voir sur ce site les articles de César Benjamin]; une politique d'alliances contre nature; une « chasse aux sorcières » anachronique et évuquant les pires pratiques staliniennes; un ensemble de politiques qui font semblant d'être sociales alors qu'elles ne sont qu'organisation de la pauvreté; et, enfin, pour ne pas être plus long, pour un gouvernement qui n'est en fait que le troisième mandat de Fernando Henrique Cardoso [le Président qui précédé Lula et a régné durant deux mandats, de 1995 à 2003]
Même le « joyau de la couronne » du gouvernement qui est sa politique extérieure ressemble beaucoup à un retour en arrière : la croyance dans le libre-commerce et les zones de libre-échange, à contre-courant de la riche expérience latino-américaine, théorisée brillamment par Raul Prebisch et Celso Furtado [les deux économistes qui sont les références du courant «développementiste», le premier Argentin, le second Brésilien]. Ni mon vote ni celui des millions de personnes qui ont mis leur confiance dans des changements substantiels dans la direction du pays ,en déposant cette confiance dans le Président élu et dans ceux qui le secondent au gouvernement et dans le parti, ne furent donnés pour cela.
Mes critiques à l'encontre du gouvernement datent de longtemps. Dans ces critiques, toutes publiques, dans des articles et des interviews, j'ai manifesté sans cesse, non seulement mon désaccord, mais également ma conviction qu'en continuant sur ce chemin, nous n'arriverons pas à bon port dans ce premier gouvernement fédéral du PT. Je ne suis pas le seul d'ailleurs sur cette position.
Mais mon désaccord ne se fonde pas seulement - et cela serait pourtant déjà beaucoup - sur ce qui pourrait être considéré comme une déviation conjoncturelle, une opération politique tactique pour gouverner et atténuer les effets de l'héritage de Fernando Henrique Cardoso.
Ma critique va plus loin: il existe des transformations structurelles dans la position de classe d'un vaste secteur qui domine le PT, qui indique un réel changement du caractère de ce parti. Et, comme des positions de classe ne se transforment pas par de simples changements de nombres, de conjoncture ou d'amélioration de quelques indicateurs économiques, je considère que le gouvernement Lula est en train d'aggraver le dit « héritage maudit » de FHC, le rendant ainsi irréversible. Je n'ai pas voté pour cette aggravation, mais contre celle-ci.
Cette position critique a été continue et ne doit pas être confondue avec du « personnalisme » ou des accusations. Même lorsque je me suis trompé en qualifiant les actes du ministre en chef du Cabinet présidentiel [José Dirceu, dirigeant du PT avait été mis en cause dans un entretien accordé par Chico Oliveira à propos des mutations sociologiques du PT], ce que j'ai reconnu dans une lettre qui a été publiée, mon intention fut d'attirer l'attention sur la répétition de pratiques qui ont tout simplement fait du Brésil l'un des pays les plus inégalitaires du monde capitaliste, malgré le fait d'avoir été second, en termes de taux de croissance, depuis le milieu du 19esiècle jusque dans les années 1970 du siècle passé.
La reconnaissance de ma propre erreur ne fut pas accompagnée d'un geste équivalent, puisque la correspondance du ministre lui-même ne parvint même pas à la connaissance du public, pour l'informer que lui-même avait suggéré de renoncer à l'action en justice qu'il avait annoncée publiquement, substituant à cela un échange de correspondance qui voulait considérer que les deux parties étaient satisfaites. Cela fait partie de la pratique subtile de déqualification de ceux qui font opposition.
Je pourrais me réjouir de ma condition de fondateur du parti, de personne arrivée bien avant plusieurs de ceux qui profitent aujourd'hui du pouvoir. Mais cela ne m'intéresse pas de glorifier ni d' « héroïser » ma position : j'abomine les institutions héritées, parentes avec le capitalisme, et je décline leurs hommages.
Le parti est une association de citoyens libres pour un projet collectif de pouvoir, dans la définition classique, basée sur une expérience commune, d'une quelconque nature, mais surtout de classe. Ce n'est pas une question affective, bien qu'au cours des années des liens de cúur très forts se soient tissés. Quand l'équipe qui forme le parti, le projet collectif de pouvoir pour la transformation de la société dans le sens du socialisme et de la mobilisation de toute la société s'épuise, il est alors temps de quitter le parti. Les amitiés, si elles ont été solides, se poursuivront.
Ce n'est pas non plus le ressentiment qui me meut, comme les nouveaux et anciens intrigants qui hantent les Palais de Brasilia. Je défie tous les cancaniers de la maison de raconter une seule conversation que j'aurais eue concernant des charges ou fonctions dans le gouvernement. Sauf Paulo Vannuchi [journaliste et directeur de l'Institut de la citoyenneté] qui connaît mon refus immédiat, lui qui a été porteur d'un message du Président déjà élu, mais pas encore en fonctions [Lula est élu en octobre 2002 et pend ses fonctions en janvier 2003]; lettre dans laquel il était dit que les charges du premier échelon devraient être négociées, mais que pour toute charge de second échelon, dans le domaine de ma compétence et de ma préférence, je n'avais qu'à choisir,
Celui-ci ouvrit dans mon bureau, dans une conversation privée en tête-à-tête requise par lui-même, un immense organigramme de l'Etat brésilien, pour localiser des charges et fonctions que je n'avais qu'à choisir. Je le priai de fermer l'organigramme et de dire au Président que je n'accepterais jamais de charge gouvernementale, même la plus importante, la mission de l'intellectuel étant celle d'exercer la critique.
C'est la même conversation que j'avais tenue avec lui deux années auparavant dans la maison du professeur Antonio Candido, quand Marta Suplicy fut élue maire de Sao Paulo et que celui qui est aujourd'hui président fit dire que lui aussi désirait que je choisisse une charge. Il reçut la même réponse que celle qu'il allait recevoir deux années plus tard. Ce fut également la même réponse que celle que je donnai à la camarade députée Luiza Erundina [Erundina fut élue comme maire de Sao Paulo en tant que membre du PT, puis s'allia à Itamar Franco, politicien bourgeois; elle fut suspendue du PT], lorsqu'elle fut élue maire de Sao Paulo et qu'elle m'invita personnellement, par téléphone, à être secrétaire à la planification. J'ai refusé et j'ai transmis le nom du professeur Paul Singer [actuel ministre du secteur coopératif], qui finit par être l'excellent secrétaire de la Planification de Luiza Erundina.
Beaucoup trouveront ma décision précipitée, convaincus que le gouvernement Lula en est encore aux discussions. Ce n'est pas mon cas : le gouvernement Lula n'aura jamais l'hégémonie; il disposera seulement de majorités parlementaires « ad hoc », sans aucune solidité. Le PT a modifié l'hégémonie qui était en train de se former dans un ample mouvement et cela depuis la dictature - mouvement dans lequel le parti lui-même occupait une place et une fonction centrales. Il était une autorité morale qui réclamait transparence, la séparation des sphères publique et privée; il faisait la critique du néolibéralisme et organisait les travailleurs en incluant les exclus et en indiquant le chemin du socialisme, refusant le plat de lentilles offert par les dominants.
Le PT dans le gouvernement est un prolongement de la longue « voie passive »brésilienne, l'expansion du capitalisme de l'exclusion, la répétition de celui-ci, depuis le jeu d'alliances éhonté jusqu'aux politiques des tickets de lait. Le PT est aujourd'hui le parti du centre sur l'échiquier politique brésilien, aux côtés de celui qu'il s'est choisi comme frère, le PSDB (Parti Social-Démocrate Brésilien) : ils se détestent mais ils sont frères. Et le pire c'est qu'il ne sait pas qu'il est au centre : il est persuadé d'être en train de réformer le pays.
Bien que des transformations structurelles - que le PT lui-même a toujours sous-estimées - aident à expliquer une bonne partie de son embourgeoisement, ou de son vieillissement précoce [selon les termes de Marx et Engels, deux « renégats » du pouvoir PT], la responsabilité des dirigeants est inexplicable. Le président occupe une place centrale : c'est lui, le dirigeant charismatique responsable, puisque c'est lui qui projette une ombre de protection et de charme sur les processus réels.
Quand le leader charismatique lui-même n'a pas conscience de ce rôle immanent, alors la politique en tant qu'activité des citoyens court un risque sérieux, celui d'annuler la politique. Il appartient aux citoyens de récupérer le sens de la politique et le premier pas est essentiellement celui de démythifier le mythe.
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* Francisco de Oliveira, fondateur du Parti des Travailleurs du Brésil est professeur émérite de sociologie auprès du Département de sociologie de la Faculté de Philosophie et de Sciences humaines de l'USP (São Paulo). Il coordonne le Centre d'études des droits de la citoyenneté (CENEDIC) auprès de l'USP.
a écrit :
Des membres du PT historiques discutent d'une alternative*.
L'espace interne pour la discussion n'existe plus : le PT continue sur la voie du centralisme autoritaire du pragmatisme. L'analyse est faite par trois membres historiques du PT Carlos Nelson Coutinho, Milton Temer et Leandro Konder, qui ont annoncé qu'ils quittaient le parti dans lequel ils ont milité pendant 23 ans.
Ce qui frappe dans leur décision c'est que le groupe cité projette déjà, à partir de demain, d'impulser un « forum de débat socialiste, de gauche », hors du PT; un parti au sein duquel la discussion collective a été substituée par l'appui inconditionnel à « l'appareil du gouvernement ».
« Bien que nous la condamnions totalement, une chose est ce que Lula est en train de faire en terme de continuation de la politique antérieure et l'autre est comment le PT se comporte face à cela», dit l'ex-député Milton Temer, de l'aile gauche. « La participation est libre pour chacun, même pour celui qui désire continuer au sein du PT » ajoute Temer.
« Irréversible ».
L'ex-député voit un parti situé toujours plus au centre et dont l' « aspect guignolesque » actuel est irréversible. Avec la compagne d'adhésion de masse (de juin à octobre 2002, le PT a augmenté de 29,8% le nombre de ses membres). Temer évalue que, l'année prochaine, la gauche du parti ne représentera plus que 5% du total.
L'idée de rompre est née dans des réunions du trio. « Le PT est en train de s'amputer de son bras gauche», a dit le philosophe Leandro Konder à propos l'éventuelle sortie de la sénatrice Heloisa Helena [membre du courant Démocratie socialiste; Miguel Rossetto, ministre du Développement agraire, est aussi membre de ce courant]. Temer justifie le vote des «radicaux» [les 3 député et la sénatrice exclues - voir article à ce sujet sur ce site] contre les réformes par l'argument selon lequel les trois députés menacés et la sénatrice furent cohérents avec le dernier document signé par le parti : la résolution de la Rencontre Nationale du PT en 2001.
Dans le bilan que ceux-ci font d'une année de gouvernement Lula, échappe très peu à leurs critiques : « Une politique extérieure progressiste ? Plus progressiste et plus radicale que la nôtre est celle menée par le gouvernement Chirac en France, qui a une politique économique de droite. En termes internes, c'est la même caractéristique de la politique de Lula. Personne là-bas en France n'hésite à appeler le gouvernement Chirac un gouvernement de droite», affirme Temer. « Je ne suis pas contre le PT, mais je suis de plus en plus sceptique », a dit Konder. Pour lui, les concessions faites par le gouvernement pour continuer la politique économique ont été «beaucoup trop lourdes ».
*Article publié dans Fohla de Sao Paulo
a écrit :Expulsions et ouverture d'un débat sur l'alternative
Nous publions ci-dessous trois courts articles parus dans le quotidien brésilien Folha de Sao Paolo du 16 décembre 2003. Ils donnent quelques indications sur les débats politiques qui traversent la gauche radicale au sein du PT, après les expulsions des "radicaux" et les démissions de personnalités. Ces débats parcourent aussi les forces, désormais, à l'extérieur du PT ou qui l'étaient déjà.
Les expulsions, le 14 décembre 2003, des quatre parlementaires de la gauche radicale (voir sur ce site les articles qui y sont consacrés) doivent être reliées à deux éléments.
Le premier, l'orientation du gouvernement Lula suit un court social-libéral, à tel point que des militants qui ont participé à la création du PT parlent du «troisième mandat de Fernando Enrique Cardoso». Dès lors, celles et ceux qui ont combattu la politique de Cardoso se voient interdire de continuer leur combat pour les intérêts des masses populaires du pays le plus inégalitaire au monde; un combat dans un PT qui a massivement recruté des membres... une fois au gouvernement.
Ensuite, la perspective d'une politique critique, de classe, indépendante du PT gouvernemental - à l'image, par exemple, de celle conduite par la gauche radicale française, au moins dès le tournant, en 1983, vers l'austérité du gouvernement placé sous le contrôle de Mitterrand; et cela bien que ceux et celles qui en comprenaient les ressorts constituaient une minorité parmi la masse des salarié·e·s de France - conduit aujourd'hui à une impasse dans ce Brésil rongé par la crise économique et social. En effet, le gouvernement Lula s'appuie sur majorité parlementaire qui dépend des accords du PT avec des secteurs de la droite et des représentants du Capital. Cet accord suscite une orientation stable, social-libérale.
Dès lors, mettre au pas les «radicaux» participe directement de la concrétisation de cette orientation social-libérale du PT gouvernemental. Il n'y a pas de césure entre la politique du PT gouvernemental et les mesures disciplinaires contre les «opposants» qui défendaient, simplement, les choix historiques du PT.
En outre, rester au gouvernement (comme le fait Miguel Rossetto, membre du courant du PT Démocratie socialiste et ministre du Développement agraire), alors qu'une figure politique nationale, la sénatrice Heloisa Helena, à l'ample audience populaire - membre, elle aussi, du courant Démocratie socialiste - est exclue du PT relève soit d'un mystère, soit d'un choix peu mystérieux.
En effet, cette permanence au gouvernement, dans cette conjoncture, pourrait relever d'une approche politique et organisationnelle subordonnée au poids de l'intégration dans le gouvernement et les hautes institutions de l'Etat. Ou , alors, ce choix traduirait un sauve-qui-peut difficilement lisible en dehors du Brésil, et très certainement au Brésil même.
Nous ne pouvons qu'espérer que la gauche radicale des pays européens marginaux (de l'Autriche à la Suède en passant par la Belgique ou la Suisse) puisse, le plus vite possible, la déchiffrer, avec l'aide des militants brésiliens et, peut-être, de marxistes prolifiques, qui ne manquent pas dans l'intelligentsia européenne latine- cau
Helena change un tableau du PT pour exprimer son désaccord avec le FMI*
Un jour après avoir été expulsée du Parti des travailleurs, la sénatrice Heloisa Helena (de l'Etat d'Alagoas) a retiré hier du mur de son cabinet deux tableaux du parti. « La trahison et l'ingratitude tuent l'affection » a-t-elle répété.
Selon la sénatrice, le tableau intitulé « Femmes du PT », qui était au-dessus de sa table de travail, va être substitué par un autre, actuellement dans l'entrée du cabinet, qui illustre un Jésus-Christ crucifié sur un immense chiffre, symbolisant ainsi la dette extérieure du Brésil et le FMI (Fond Monétaire International). L'autre tableau reproduisait le drapeau du parti.
Helena a nié le fait qu'elle allait jeter les tableaux. « Je ne vais pas les garder dans un lieu que je pourrait avoir envie de revisiter un jour de cafard », a-t-elle dit, en recevant des fleurs en signe de solidarité.
La sénatrice a affirmé que pour le moment elle désirait rester sans parti. « Si je voulais m'affilier à un autre parti, je l'aurais fait durant le processus électoral, quand je pouvais encore être candidate. »
Elle a décliné l'offre des députés Baba (Parana), Luciana Genro (Rio Grande do Sul) et Joao Fontes (Etat de Sergipe) de fonder un nouveau parti. « Un nouveau parti ne se construit pas par décret ni par la volonté de quelques-uns. Personne ne peut avoir la prétention de dire que demain surgira un nouveau parti, tout simplement parce que les choses ne fonctionnent pas de cette manière », a-t-elle affirmé.
Elle a nié le fait qu'elle éprouvait du ressentiment à l'égard de la direction du PT. « Quand j'arriverai à Maceio [capitale de l'Etat d'Alagoas], je vais écrire quelques noms sur le sable de la plage, et les vagues vont les emporter rapidement, sans rancúur, sans rage, sans rien. »
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Milton Temer défend la création d'un parti en 2005 pour réunir les insatisfaits*
L'ex-député fédéral du PT Milton Temer [voir sur ce site: Des intellectuels de renom rompent avec le PT (14 décembre 2003)] a défendu hier la création en 2005 d'un nouveau parti de gauche, qui réunirait tous les parlementaires insatisfaits par les choix de Lula, incluant la sénatrice Heloisa Helena (Alagoas) et les députés Luciana Genro (Rio Grande do Sul), Joao Fontes (Etat de Sergipe), Joao Batista de Araujo,"Baba" (Etat de Parana), tous expulsés du parti avant-hier [le 14 décembre 2003]
Il n'a pas exclu la possibilité d'une union avec le PSTU [Parti socialiste des travailleurs - Unifié; une formation de la gauche radicale qui dispose d'une implantation sociale effective].Selon Temer, la création de cette nouvelle référence serait la conséquence naturelle du forum de débats sur les voies que doit suivre la gauche brésilienne; une initiative que lui-même et les professeurs Carlos Nelson Coutinho de l'UFRJ (Université Fédérale de Rio de Janeiro), et Leandro Konder de la PUC-RJ ( Pontificia Universidad Católica de Rio de Janeiro) sont en train de mettre sur pied. Le groupe qui a démissionné du PT cette semaine, se réunira à Rio jeudi prochain.« Je pense que ce mouvement doit culminer dans une référence organisationnelle, un parti, en 2005 », a-t-il affirmé.
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Hégémonie*
Le vice-président national du Parti des Travailleurs, Valter Pomar, l'un des deux coordinateurs du courant Articulation de Gauche [un courant qui joue un rôle important dans l'actuel PT gouvernemental], a critiqué hier la décision des membres historiques du PT de quitter le parti. Selon lui, son courant continuera à se battre pour l'hégémonie. Aujourd'hui, la gauche représente à peine 30% du PT.
« Les personnes sont libres de choisir leur chemin. Si elles pensent qu'elles n'ont plus d'espace à l'intérieur du parti, qu'elles en construisent un autre. Nous n'allons pas continuer à nous disputer le PT. Mais il est prématuré de jeter deux décennies de construction politique à cause d'une année de gouvernement fédéral », a-t-il affirmé.
Pomar et les dirigeants Joaquim Soriano, de Démocratie Sociale, et Jorge Almeida, de Force Socialiste, tous deux des courants de gauche du PT, participeront ce soir à une manifestation à Rio contre l'expulsion des radicaux.
Pomar dit qu'il a défendu le maintien de la sénatrice Heloisa Helena dans le parti, mais il a également affirmé que le parti ne se résumait pas à elle. « Il n'est pas possible de mettre en balance l'histoire d'un parti et le destin d'une personne. »
*Artilces parus dans le quotidien Folha de Sao Paulo du 16 décembre 2003