Lutte de classes en Bolivie

Dans le monde...

Message par Louis » 08 Jan 2007, 09:23

incidemment, Charles André Udry est un des principaux dirigeants de la quatriéme internationale...

a écrit :Terres en vue
En Bolivie, la loi de reconduction communautaire de la réforme agraire est l’enjeu d’un affrontement très dur entre le gouvernement d’Evo Morales et les partis exprimant les positions et les intérêts des grands propriétaires terriens et des défenseurs de la propriété privée.

Pendant plusieurs semaines, les trois partis de droite au Sénat bolivien - Poder democratico y social (Podemos), Unidad nacional (UN) et le Movimiento nacionalista revolucionario (MNR) - ont bloqué l’adoption de la loi de reconduction communautaire de la réforme agraire votée par le Parlement. Une mobilisation de paysannes et paysans indiens s’est alors organisée. Parfois, après plus de deux semaines de voyage - en fait, d’expédition -, quelque 6 000 d’entre eux se rassemblèrent sur la place des Héros à La Paz. Parmi les organisations paysannes « indigénistes », il faut souligner la présence de la puissante Confédération des peuples de l’Orient (Cidob). Pedro Numi, de la Cidob, insistait non seulement sur la rétrocession des terres aux peuples indigènes, mais aussi « sur la garantie de l’accès à l’éducation, à la santé et à la technologie agricole ». L’enjeu immédiat était simple : ou l’opposition permettait au Sénat de fonctionner et d’entériner la loi, ou la présidence, sous la pression de ce soutien populaire, se devait de l’imposer par un décret présidentiel.

De retour de Hollande, Evo Morales - tant que l’impasse existe dans une procédure législative, le président ne peut pas quitter le pays durant plus de cinq jours ! - dut mettre au pied du mur l’opposition s’agitant au Sénat. Le décret était rédigé et il avait l’appui des principales organisations paysannes. Evo Morales en déclarant sa volonté, dans ce contexte de mobilisation nationale paysanne, d’imposer la réforme par décret a fait capoter le chantage de la droite.

Cette dernière menaçait de continuer à bloquer le fonctionnement du Sénat tant que le gouvernement ne reculait pas sur la réglementation du fonctionnement de l’Assemblée constituante. Autrement dit, tant que le MAS et ses représentants ne changeaient pas la décision selon laquelle les articles de la nouvelle Constitution peuvent être adoptés à la majorité absolue et non pas à celle des deux tiers, selon la règle initiale. Or, la règle de la majorité absolue transforme en fantôme l’opposition de droite dans l’Assemblée constituante, projet institutionnel qui fut proclamé comme la clé de voûte des réformes politiques de Morales.

Le 28 novembre, depuis le siège du gouvernement à La Paz - le Palacio Quemado -, Evo Morales déclara : « Quand la démocratie bénéficie à la majorité, et non pas à quelques familles, cela ne plaît pas à la droite ; et elle fait un coup institutionnel. » Puis, il demanda, avec insistance - sous les yeux de milliers de paysans qui entouraient le Palais - que les sénateurs aillent prendre leur place sur les bancs du Sénat et votent cette loi.

Obstruction

La bataille était d’importance dans « la guerre du latifundio ». Dans l’Orient, région riche de la Bolivie, quatorze familles détiennent 312 966 hectares dans les seuls deux départements du Beni et de Santa Cruz. Une partie de ces terres n’est même pas mise en valeur. Ces familles sont, depuis longtemps, des piliers des divers partis de la droite la plus dure. Aujourd’hui, ce sont ces familles - qui se sont approprié le sol entre 1953 et 1992, en particulier sous les régimes dictatoriaux militaires - qui montent aux barricades contre la réforme agraire et, demain, contre son application.

La seule famille Saavedra Bruno, dans le département de Santa Cruz, détient 17 298 hectares, selon les données fournies par l’Institut de la réforme agraire. Il en va de même pour la famille Monasterios Nieve, qui contrôle la chaîne de télévision privé Unitel : 36 104 hectares. Dans le Beni, les familles Yanez et Llapiz possèdent respectivement 54 198 et 24 934 hectares.

C’est contre cette forme d’expropriation que les milliers de femmes et d’hommes ont parcouru des centaines de kilomètres, arrivant fourbus et les pieds déchirés à La Paz ; sans même parler d’un accident qui fit quatre morts. Leur détermination ne laissait pas beaucoup de place à une « négociation » à laquelle sont habitués les propriétaires terriens et leurs représentants politiques. C’était une marche pour la réappropriation immédiate et historique de leurs terres.

Evo Morales, dans son allocution, demanda aux grands propriétaires terriens de ne pas faire obstacle à la réforme, sans quoi ils risquaient de devoir affronter la question de leur occupation. En effet, l’affrontement social va porter sur la définition des terres productives ou improductives (non cultivées), élément important de la réforme agraire décidée. « La guerre du latifundio » est loin d’être gagnée et elle va se mener dans les régions qui représentent le bastion de la droite, l’Orient bolivien. Mais la détermination des populations indigènes à se réapproprier leurs terres historiques n’a jamais été aussi forte. Ce processus est, de la sorte, différent de celui de 1953.

Popularité

C’est cette dialectique entre, d’une part, le processus « socio-ethnique » et territorial qui marque la Bolivie depuis plusieurs années et, d’autre part, la dynamique oscillante des forces politiques au pouvoir - comme le MAS d’Evo Morales - qu’ignorent les analystes ne connaissant pas la société bolivienne. De là, ils portent des jugements qui se réduisent trop souvent à disséquer les déclarations - certes plus que discutables - du vice-président Alvaro Garcia Linera. En outre, ils manifestent une ignorance du point de départ - sur le plan économique, social et politique - d’un processus de changement structurel dans un pays comme la Bolivie, dont l’insertion territoriale particulière dans le continent représente un obstacle supplémentaire.

Dans l’immédiat, après cette reculade du 28 novembre 2006, la droite va organiser la mobilisation contre le changement du règlement de l’Assemblée constituante et contre l’application de la loi de réforme agraire. Pour l’heure, elle déserte le Sénat afin d’empêcher la ratification des contrats signés avec douze firmes du secteur des hydrocarbures. Selon la tradition, la droite va menacer d’organiser « une grève civique », c’est-à-dire un sabotage économique.

Elle peut le faire dans l’Orient, mais pas sans opposition forte, comme l’a démontré la mobilisation relativement nouvelle (dans l’histoire bolivienne) de secteurs indigènes de cette région. Par contre, dans l’Occident cela sera très difficile. Lundi 27 novembre 2006, le quotidien de La Paz, La Razon, donnait le résultat d’un sondage de l’institut Apoyo, Opinion y Mercado : dans l’Occident indigène, la gestion du gouvernement d’Evo Morales est soutenue par 67 % des personnes interrogées. Le processus socio-politique en Bolivie a ses traits propres. Il ne peut pas être simplement mesuré à l’aune des déclarations politiques des gouvernants ou en effectuant des comparaisons hâtives et anachroniques avec les années 1950-1980, selon des schémas qui n’ont plus d’arrimage social.

Charles-André Udry

Louis
 
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Message par Louis » 08 Jan 2007, 09:49

En fait je comptais plutot sur toi pour m'expliquer qui sont ces "analystes qui ne connaissent pas le terrains, sauf par des analyses des déclarations d'Alvaro Garcia Linera :emb: Manifestement ça ne dois pas etre toi ! :whistling_notes: Et je ne suis pas sur non plus que ça parle des divergences pouvant exister au sein de la 4 non plus :33:
Peut etre un jugement assez général sur le fait qu'on ne parle pas assez de ces revendications paysannes ? :rtfm: Mais en fait, j'en sais rien, et de fait j'ai zappé ce passage pour lire attentivement ce qu'il en était des luttes "pour la terre"... Mais meme là je suis resté un peu sur ma faim, je dois dire ! Visiblement, ces luttes n'ont pas (encore ?) l'intensité requise (sinon les gros propriétaires seraient balayées assez rapidement) Quid de l'organisation de la lutte et des résistances "communautaires" En bref, j'aurais aimé en apprendre plus sur l'organisation des paysans pauvres que sur les manoeuvres de la droite pour faire capoter l'affaire...
Louis
 
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Message par Combat » 08 Jan 2007, 20:12

a écrit :Ce texte est bien informé, mais il n'évoque pas d'intervention


Pas de groupe structure sur place en effet mais des camarades y sont presents par interval regulier, d'ou la profondeur de l'article.
Combat
 
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