Voici pour information une analyse sur la situation actuelle au Népal
Le Drapeau Rouge sur le toit du Monde
La Révolution Népalaise : obstacles, challenges et perspectives…
La victoire claire des ex-guérilleros du Parti Communiste Népalais – maoïste (PCN-m) ouvre une nouvelle ère pour le Népal. Les vieux partis que sont le Congrès Népalais (NC) et le Parti Communiste Népalais – Marxiste Léniniste Unifie (UML) pensaient tous deux être en tête et reléguer le PCN-m en troisième position. La défaite a agit comme un électrochoc. Cela s’illustre par la crise interne qu’ils subissent et par leurs déclarations sur la formation du nouveau gouvernement. Un nouvel acteur a également pris place sur la scène des partis représentatifs, le Madhesi Janaadhikar Forum (Forum des Droits du Peuple Madhesi - MJF). Il nous faut donc savoir quelles sont les positions de ces différentes forces sur les futurs développements politiques (notamment sur la formation du nouveau gouvernement) et quelles difficultés cela peut il engendrer pour le PCN-m. Il faut egalement comprendre comment le PCN-m entend développer le pays et mener plus loin la révolution.
Le PCN-m obtient 220 sièges sur les 575 soumis au verdict populaire (soit 38,3%). Cela le place en tant que parti largement majoritaire. Le PCN-m devrait donc en toute logique prendre la tête du nouveau gouvernement qui devrait être formé très prochainement. Bien que le mandat de cette élection soit de rédiger une nouvelle constitution, le peuple Népalais a clairement exprimé par les urnes son désir de changement radical du paysage politique.
Ainsi, la grande majorité des élites politiques corrompues tels que Madhav Kumar Nepal, KP Oli (leaders de l’UML) et le clan Koirala à la tête du NC ont subi une humiliante défaite face à des candidats maoïstes auparavant peu connus du public. Il est clair que le slogan électoral maoïste « Un nouveau leadership, de nouvelles idées, une nouvelle vision pour un Nouveau Népal » a bel et bien été compris et souhaité par le peuple Népalais. Il est cependant incertain qu’il ait été compris par les vieilles formations que sont l’UML et le NC.
Ces deux partis subissent actuellement une grave crise interne. Concernant l’UML, Madhav Kumar Nepal a donné sa démission suite à sa défaite dans les deux circonscriptions dans lesquelles il s’était présenté. Les organisations de jeunesses du Parti ont demandé que le leadership soit dissout et qu’il soit remplacé par de nouveaux leaders élus sur une base mandataire. Malgré ce début d’introspection, nombre de cadres rejettent la faute sur l’intimidation et la violence de la Ligue de Jeunesse Communiste affiliée maoïste. Chez le NC c’est même la raison principale donnée par le leadership. Cette recherche de causes extérieures alors que toutes les organisations d’observation des élections les ont déclarées ‘libres et justes’ montre bien à quel point ces partis sont éloignés des masses.
Alors que ces partis affirment sans cesse que les maoïstes ne respectent pas les précédents agréments, voila que le NC et l’UML hésitent grandement à joindre un gouvernement dirigé par les maoïstes alors que les précédents agréments stipulent qu’un gouvernement de coalition doit être formé après les élections. L’UML et le MJF ont posé leurs conditions. Parmi celles-ci, la dissolution de la YCL et déclaration d’un état unique pour le Madhes (sud du Népal). La première est impensable dans une ‘démocratie’ et la seconde est loin d’être souhaitable pour le futur du Népal car les visées du MJF sont séparatistes. D’ailleurs le Madhes n’est pas uniforme et plusieurs des groupes ethniques le composant sont hostiles à la demande d’ « Un Madhes, Un Etat ».
Le Congrès Népalais quant à lui continue sa route en total decalage de la réalité et défie les maoïstes de réunir deux tiers de l’Assemblée afin de changer le gouvernement et revendiquent le poste exécutif de premier ministre. L’Ambassadrice des USA, Nancy Powell soutient fermement cette ligne. Ce mouvement du Congrès Népalais avec le soutien des USA affirme clairement le caractère anti-démocratique de ce parti. Ils n’acceptent même pas le résultat d’élections dont ils ont eux-mêmes fixé les règles ! En agissant ainsi, le NC et les USA exposent eux-mêmes de quel côté ils se placent. Cela ne fait que les aliéner encore plus aux yeux de la population. C’est pourquoi cette ligne ultraréactionnaire tend à s’adoucir.
Que faut il de plus aux maoïstes pour gagner le pouvoir d’état ? Apres avoir développé leur force militaire jusqu’au sein de Katmandou, après avoir permis la chute de la monarchie et la tenue d’élections d’une Assemblée Constituante et après avoir remporté la victoire de ces dernières, une opposition de cette envergure à leur arrivée au pouvoir de manière démocratique leur donne une légitimité absolue de lancer un nouveau Mouvement Populaire. Et il est clair que ce mouvement sera suivi par la population qui désir un réel changement. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire mais le cas échéant, le Parti a averti qu’il était prêt.
A part les Etats-Unis qui dévoilent clairement leur jeu (encore qu’aucune grande déclaration officielle n’ait été faite), le reste des forces internationales a diplomatiquement bien accueilli la victoire des maoïstes. Même l’Inde se déclare prête à réviser les traités inégaux datant pour certains de presque 60 ans. La Chine a assuré qu’elle n’accepterait pas une invasion du Népal et qu’elle était prête à lui venir en aide rapidement le cas échéant. Mais il faut regarder ces développements plus profondément.
Alors que la Chine semble sincère dans leur collaboration avec le PCN-m, l’Inde est plus mystérieuse. Il est reconnu que le MJF est appuyé par l’Inde. Le MJF est un facteur potentiel de déstabilisation car il peut mobiliser et déclencher un mouvement ethnique a visée séparatiste. Cette stratégie est communément utilisée pour contrer une révolution car en premier lieu elle divise les populations d’une même classe sociale. Pour l’Inde, l’intérêt est double car si le Madhes se sépare du Népal, il tombera naturellement entre ses griffes. Le NC et l’UML sont également très proches de la classe dirigeante Indienne. L’Inde peut donc se permettre d’être tactiquement flexible car ses intérêts sont protéges par des forces politiques internes. Si la situation se dégrade vraiment alors le Népal pourra être isolé et maintenu sous grande pression par un blocus économique (ce que l’Inde a déjà fait).
Les USA soutiennent directement les forces royalistes et les plus réactionnaires au sein du NC, de l’UML et certainement le MJF. En réalité, les USA soutiennent quelconque force capable de déstabiliser le PCN-m. Grâce à l’arrivée au pouvoir du PCN-m de manière légitime, les USA ne peuvent cependant pas attaquer trop ouvertement ce dernier. Pour l’instant, les maoïstes ont réussi à éviter les embûches politiques dressées sur leur chemin par ces différentes forces impérialistes et leurs laquais.
Un autre problème se dresse devant le PCN-m, ou pour être précis en son sein même. Depuis le processus de paix, de nombreuses personnes ont rejoint le mouvement. Le Parti doit ainsi gérer l’afflux de nouveaux membres. Certains d’entre eux adhèrent à l’idéal révolutionnaire, d’autres le font par opportunisme.
La majorité des opportunistes appartiennent à la classe moyenne ou petite bourgeoise. De par son caractère, cette classe a toujours oscillé entre révolution et contre-révolution. Le challenge est de la mener vers la voie révolutionnaire. La bourgeoisie nationale doit l’être également. Cette classe revêt un caractère révolutionnaire quand il s’agit de renverser la féodalité car ce système entrave le développement capitaliste et donc de leur propre intérêt. Quand il s’agit de passer au socialisme, cette classe revêt un caractère contre-révolutionnaire. Le challenge est donc de construire une alliance entre le prolétariat, la paysannerie, la classe petite bourgeoise et la bourgeoisie nationale – le leadership devant être assume par le prolétariat. Cela permet dans un premier temps de développer l’économie, principalement l’industrie via une réforme agraire qui rallie l’ensemble de la petite et moyenne paysannerie à la révolution. La base économique capitaliste permet alors le développement du socialisme, phase de transition vers le communisme.
Eclaircissons ce point qui sème la confusion chez les sympathisants et amis de la révolution Népalaise. Il faut tout d’abord faire un point sur le contexte national et international dans lequel elle prend place.
L’économie Népalaise est basée sur l’agriculture (80% de la population en dépend pour survivre). Et quand bien même, le pays n’arrive pas à l’autosuffisance alimentaire. C’est dire si les forces de production sont faibles au Népal : l’industrie est quasi inexistante. De surcroît, le Népal importe 3 fois plus qu’il n’exporte et est donc largement dépendant du marché international, régit par la loi capitaliste de l’offre et de la demande. L’économie nationale est au bord de la faillite.
Le système capitaliste est à son plus haut stade : l’impérialisme. La globalisation a permis au capitalisme de pénétrer jusque dans les endroits les plus reculés. Aucun pays ne peut être coupé du reste du monde. Hors à l’heure actuelle il n’existe pas de bloc socialiste, ni de système d’échange international parallèle.
Dans ces conditions, le Népal doit impérativement redresser son économie et industrialiser le pays. La première phase est ainsi un capitalisme sous contrôle. Les investissements étrangers seront permis mais soumis à des règles. Seront privilégiés des partenariats public-privé. Mais surtout, priorité sera donnée au développement de l’agriculture via une révolution agraire. Ainsi, la terre sera distribuée selon le slogan « la terre à celui/celle qui la cultive » et le développement de coopératives fortement encouragé.
Comme l’a démontré Mao Tse-Tung, le passage au socialisme pour un pays semi-colonial (dans lequel il existe une classe particulière qui agit au niveau national au service des grandes puissances internationales pour leur faciliter l’exploitation du pays) et semi-féodal (le capitalisme est dans sa phase initiale de développement mais le système féodal de grands propriétaires terriens dont dépendent les paysans est toujours en place) doit passer par une phase de transition qui s’appelle l’étape de Nouvelle Démocratie. Cette étape se définit par l’alliance de classe entre la paysannerie, le prolétariat et la bourgeoisie nationale, sous le leadership du prolétariat. L’inclusion de la bourgeoisie nationale est essentielle au processus car c’est elle qui détient le capital (argent et moyens de production) nécessaire au développement de l’industrie, base du socialisme.
Sans cela, le Népal restera dans le cercle infernal de dépendance de ses importations et les premiers à en souffrir seront les exploitéEs et oppriméEs. C’est pourquoi le Népal a besoin de passer par une phase capitaliste de 2 à 5 ans, comme la Chine de Mao a dû le faire après 1949. Une des particularités de cette phase est qu’elle prépare le développement du socialisme et non la continuité du capitalisme. Ainsi, il ne s’agit pas d’un développement de capitalisme ‘pur’ mais d’un développement d’un capitalisme sous contrôle et le développement en parallèle du socialisme –notamment au travers des coopératives.
La grande question qui se pose alors est celle du pouvoir d’État. Elle est fondamentale lorsque l’on parle de Révolution. Dans la dernière édition de ‘The Red Star’, le journal anglophone publié par le PCN-m, un membre du Comité Central et le Président de l’Association des Journalistes Révolutionnaires indiquent clairement que la structure d’État telle qu’elle existe actuellement ne permet pas de servir les sections les plus opprimées de la population, ni ne permet aux maoïstes de conduire une restructuration radicale du pays.
L’arrivée au pouvoir par les élections revêt donc deux aspects. Le positif est que cela donne une légitimité absolue au PCN-m et leur permet de garder le pouvoir entre leurs mains. Le négatif est que le parti arrive au pouvoir sans avoir détruit l’ancien État. L’arrivée au pouvoir par les armes inverse tout : l’aspect positif aurait alors été que la transformation de l’Etat pour servir les franges les plus opprimées de la population aurait été plus facile mais l’aspect négatif aurait alors été qu’internationalement, le PCN-m n’aurait aucune légitimité. La conservation du pouvoir aurait alors été très difficile et soumise à d’énormes sacrifices de la part de la population. La question du pouvoir d’État dans le cas du Népal se pose donc ainsi : Comment le PCN-m va-t-il pouvoir restructurer l’État de l’intérieur afin d’en faire un outil au service de la majorité opprimée ?
Les forces politiques internes et externes qui ont leur intérêt au statu quo ne vont assurément pas laisser les mains libres aux maoïstes lorsqu’il s’agira de restructurer l’État et notamment l’intégration de l’Armée Populaire de Libération qui induit une démocratisation de l’Armée Népalaise – en d’autres termes la fin de la structure féodale de l’armée, et de ses généraux et autres officiers, représentants de l’ancien régime. La redistribution des terres, un point important du programme maoïste, rencontrera également une grande opposition de la part des propriétaires terriens.
Le Parti peut cependant compter sur le soutien et la mobilisation des masses. Ce n'est qu'une minorité au Népal, comme partout ailleurs, qui oppresse le reste de la population. Ces campagnes de restructuration ne pourront etre menées avec succès sans le soutien et la mobilisation des masses. Tout comme le développement du pays. Dès à présent, le PCN-m au niveau local mobilise la population pour participer à la construction de routes, d'écoles, d'hopitaux, etc. L'armée et la YCL devraient être également mobilisées pour les travaux de développement.
Le PCN-m fait donc face à de grands challenges pour mener la révolution au prochain stade. Le parti est toujours déterminé à aller de l’avant et bâtir le socialisme au Népal. Les maoïstes Népalais se tournent vers l’international afin d’y puiser un soutien contre l’impérialisme qui domine la planète et réduit à l’état de pauvreté extrême des millions d’êtres humains. L’objectif final des maoïstes Népalais, comme celui des exploitéEs et oppriméEs du monde entier, est la fin de ce système de pillage au nom du profit, au nom d’un système soi-disant inéluctable. Ces hommes et femmes qui ont osé se lever et se rebeller nous prouvent, après dix longues années de lutte armée, que ceci n’est qu’un grossier mensonge destiné à détruire tout espoir en une société égalitaire, sans classes sociales, dans laquelle l’exploitation de l’homme par l’homme sera abolie. Oui, le changement est possible. Oui, la révolution est possible. Mais sans lutte, sans organisation, sans idéologie, sans sacrifices, sans pouvoir, elle ne restera qu’une chimère, un doux rêve inaccessible.