par Vania » 25 Août 2011, 01:19
Bonsoir, Granit, bien qu’il soit déjà nuit.
Je parlerai d’abord de ta première réponse, où il est question du paysannat. Tu dis tout d’abord que la « révolution » agraire n’est plus aussi importante aujourd’hui. Sur ce postulat, je suis en désaccord. Des luttes de paysans sans terres, il y en a tout les jours de par le monde, en Amérique latine, sur le continent africain, en Asie, dans les Caraïbes… Ces paysans sans terres peuvent avoir affaire à la police, à l’armée, quand ce n’est à des milices locales, dûment subventionnées par les propriétaires terriens. Ce qui se règle souvent par des morts, du côté paysan sans terres, bien sûr. Si cet affrontement existe, c’est sans doute que la question agraire existe. Et du coup survit aujourd’hui, dans bien des pays du Tiers Monde, une paysannerie sans terres, aux côtés aussi d’un petit paysannat, ne disposant pas de terres, ou alors de faibles surfaces de terres, et les plus pauvres, face à de gros propriétaires terriens. Si de tels affrontements existent, c’est qu’il y a lutte autour de cette question. Une lutte de classe, qui semble vue d’ici, de France, du pays de 1789 et de 1793, bien surannée, mais qui est toujours bien réelle dans une grande partie du monde, où les conquêtes élémentaires de la révolution bourgeoise n’ont jamais été atteintes, ce malgré la période des « indépendances » et du rôle qui eût la bourgeoisie locale… qui ne s’attaquât jamais aux structures féodales des sociétés dont elle prenait la tête.
Dans ta seconde réponse, tu abordes la question de la classe ouvrière libyenne, pour l’éluder de suite, en affirmant que cette classe ouvrière n’est pas d’origine nationale. Tout d’abord, quelque soit le pays considéré, le prolétariat est la plupart du temps, aujourd’hui, international. Pour la bourgeoisie du pays donné, cela dépend souvent de la main d’œuvre disponible localement. Pour la France, par exemple, le poids du paysannat au sein de la population active, très important, a longtemps été un handicap. Et sa main d’œuvre ouvrière, il lui a fallu la chercher hors de ses frontières. Cela ne veut certainement pas dire en tout cas que la classe ouvrière libyenne n’a aucun poids en Libye… sous le prétexte qu’elle n’est pas « libyenne » ! Et puis, cela veut dire quoi « libyen » ou « libyenne », pour un prolétaire ? D’où que soit originaire ce prolétariat, c’est lui qui produit les richesses en Libye, dont profite (un peu) la bourgeoisie libyenne, et surtout (beaucoup) la bourgeoisie des métropoles impérialistes. Cette classe ouvrière de Libye, bien réelle et bien vivante, même si les conditions de la guerre civile l’ont sans doute affaiblie physiquement, ce dont nous témoignèrent la longue litanie des ouvriers de Libye fuyant les combats et tentant de regagner leurs terres natales et leurs proches, qui en Tunisie, qui en Algérie, qui en Egypte, qui au Maroc… Cette classe ouvrière, tu l’annules, pour nous parler… de la bourgeoisie libyenne. Et de nous chanter ces louanges, et son merveilleux programme, nommé « feuille de route »… Même pas de programme… « Feuille », par ce que cela est léger, sans doute, et « route », pour ne pas trop se perdre…
Depuis le début du XXe siècle, en fait depuis 1905, la bourgeoisie a fait, en Russie et pour le reste du monde, la démonstration qu’elle n’était plus capable de révolutionner quelque société que ce soit. Déjà, la route lui est barrée par la grande bourgeoisie des métropoles impérialistes, qui dominent le monde, ses marchés, ses ressources, quand ce ne sont pas ses Etats. Depuis, aussi, la bourgeoisie de ces pays n’ayant pu se développer, est trop faible, plus faible encore que le prolétariat, qui lui, se développe. Ce prolétariat, elle le craint. Il est nombreux, concentré, et tient en ces mains l’appareil de production. En 1905, en Russie, lorsque commence la première révolution, le prolétariat est largement minoritaire, mais concentré, et déjà fort. La bourgeoisie frappe alors à la porte du pouvoir, oui, mais le prolétariat aussi. La bourgeoisie se réfugie alors dans les bras des féodaux, et appuie la répression. Elle a renoncé à sa révolution… Encore enfant et faible, elle est déjà sénile… Il en est de même en Libye, où le prolétariat est infiniment plus nombreux et plus fort, même s’il n’est pas estampillé « libyen ».
Une dernière remarque, à ton endroit, celle-là. Par tes deux réponses, tu éludes la paysannerie, puis le prolétariat. Te reste… la bourgeoisie… dont tu attends tout, et surtout sa révolution… Trop tard pour cela, de plus d’un siècle… En fait, tu n’as pas la moindre confiance dans les classes populaires. Le paysannat, tous ses problèmes sont réglés ! La classe ouvrière : elle n’est pas libyenne ! Reste la bourgeoisie…
Finalement, mon ton ironique ne fut pas inutile : il t’a contraint à nous en dire plus.