La Libye, l'autre pays du mirage

Dans le monde...

Message par Doctor No » 05 Sep 2011, 20:56

(Jacquemart @ lundi 5 septembre 2011 à 21:24 a écrit : S'opposer à l'impérialisme (en paroles faute de mieux) je crois que dans cet épisode comme dans les autres, LO l'a fait sans ambiguité.
Tout est dans ce "(en paroles faute de mieux)" que je ne sais si c'est un lapsus ou quelque chose qui dit plus que ce qu'elle voudrait dire et que je ne trouve que dans les déclarations que j'ai posté.

Vu qui si on pouvait "s'opposer plus qu'en paroles" on se serait rangé contre l'impérialisme de fait et par conséquence du coté de Gadahfi. Critiquement naturellement, en lui posant des conditions si on avait la force de pouvoir le faire.

Mais on peut aussi ("en paroles faute de mieux") défendre la tactique historique du prolétariat et des marxistes face à une agression impérialiste contre un pays sous-développé.

Granit qui voit là une "révolution bourgeoise" ("du pogrom" il a oublié d'écrire) vient de confirmer que la Libye avait le standard de vie plus haut d'Afrique après avoir été exactement le contraire avant le coup d'état de Gadahfi...

Le nationalisme bourgeois n’empêche pas la dictature ni certains accords avec les impérialistes, mais on va bien voir quel sera le destin du peuple libyen dans las mais de la racaille CNT et ses maitres impérialistes.
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Message par abounouwas » 06 Sep 2011, 10:41

a écrit :
LIBYE : « EN TEMPS DE GUERRE, ON NE FAIT PAS D’INFORMATION
MAIS DE LA PROPAGANDE »
Interview de Patrick Haimzadeh*
(réalisée le 13 avril 2011 par Béatrice Hibou et Martine Jouneau)

Comment qualifier ce qui se déroule actuellement en Libye ?
Patrick Haimzadeh : L’insurrection populaire a commencé en Cyrénaïque et s’est propagée à d’autres villes en Tripolitaine. Très vite, le régime a perdu le contrôle de la Cyrénaïque. Après quelques jours en état de choc, le colonel Kadhafi a prononcé son discours de combat le 21 février 2011 dans lequel il s’engageait à « traquer les manifestants et à nettoyer le pays pouce par pouce, maison par maison, pièce par pièce… ». Par ce discours d’une grande violence, il a signifié aux Libyens qu’il ne quitterait pas le pays comme les vieux dictateurs tunisien et égyptien mais qu’il se battrait jusqu’au bout. Ce discours a ainsi donné le signal de la reprise en main de la situation à l’ouest (Tajoura, Zawiya, Sabratha, Zwara). Dans le même temps, les villes libérées de l’est nommaient des représentants qui eux-mêmes mirent rapidement en place un Conseil National de Transition (CNT) à Benghazi, chargé de la direction politique militaire du mouvement de libération en attendant la « libération » complète du pays à l’issue de laquelle devrait être instauré un nouvel Etat libyen sur une base constitutionnelle. D’une insurrection populaire, nous sommes passés début mars à une guerre civile entre deux entités politiques combattant chacune pour le pouvoir. C’est dans ce contexte de guerre civile que la « coalition » occidentale est intervenue le 19 mars, puis l’OTAN avec mandat de « protéger les populations civiles ». L’objectif de plus en plus explicite des bombardements est devenu le départ ou la mort du colonel Kadhafi. Nous sommes donc bien dans un scénario de guerre civile avec intervention militaire directe de puissances extérieures, qui si elle a pu au départ apparaître comme l’expression d’idéaux généreux et parée des vertus d’une guerre « juste » n’en demeure pas moins porteuse des risques consubstantiels à ce type d’engagement guerrier : morts « collatéraux », escalade militaire, difficulté à stopper la logique des bombardements tant que le régime n’est pas tombé, alliance de l’insurrection avec « l’étranger » qui ne facilitera pas la nécessaire réconciliation, indispensable dans une perspective de reconstruction d’un « vivre ensemble » libyen.

Les Occidentaux, en lançant leur offensive contre Kadhafi, n’imaginaient pas une telle « résistance ». Comment l’expliquez-vous ?
P. H. : Tout simplement parce qu’ils ont à la fois sous-estimé la capacité de mobilisation et de résistance du régime libyen et surestimé la capacité de l’insurrection à l’emporter militairement et à entraîner l’ouest et le sud dans le mouvement. Sous-estimation aussi de la dimension stratégique du grand sud libyen et de l’atout qu’il constitue pour le système Kadhafi. [...]
La grande caractéristique de la Libye, c’est son absence de structure étatique. Depuis 1969, on assiste à des recompositions permanentes ; c’est un système qui n’est absolument pas rigide. En cela, Kadhafi sait jouer et s’appuyer sur une tradition de non construction de l’Etat, qui s’explique notamment par l’histoire coloniale italienne totalement différente de l’histoire coloniale française en Tunisie.
Alors que l’Empire ottoman avait intégré les élites tribales locales dans ses structures administratives – servant essentiellement à lever l’impôt, pour la conscription et la sécurité – les Italiens ne les ont pas associées. Ne parlant pas l’arabe, plutôt incompétents en matière de gestion des colonies, les Italiens mettent en place un système d’apartheid qui détruit l’embryon de structures administratives locales existantes. On passe d’un système tribal traditionnel de patronage et de clientélisme, d’où l’on commençait à sortir avec la cooptation d’élites administratives, à un système où la population libyenne totalement écartée se replie sur ses solidarités traditionnelles et se détourne des relations avec l’Etat colonial en place.
A l’indépendance, notamment dans la deuxième partie de la période monarchique (1963-1969), le pouvoir est concentré en Cyrénaïque entre les mains du roi Idriss (Chef de la confrérie des Sanoussiya qui a combattu les Italiens et aux côtés des Britanniques) dont la légitimité était forte ; il y a alors eu à nouveau quelques velléités de construction d’Etat. Notamment avec la découverte et l’exploitation du pétrole, la nécessité et la volonté de sortir du schéma traditionnel de clientélisme sur les bases tribales se sont affirmées en essayant de faire émerger une certaine élite pour occuper des fonctions administratives dans le gouvernement et l’administration de la monarchie. Mais là encore, la période a été très courte et l’expérience s’est au final révélée infructueuse.
Quand Kadhafi prend le pouvoir en 1969, il arrive avec une direction collégiale assez bien répartie géographiquement entre une douzaine d’officiers de l’ouest et de l’est. Durant cette première période (1969-1973), il s’appuie sur les « nouvelles élites » placées à un certain nombre de postes clés. Rapidement cette direction collégiale éclate. Kadhafi élimine toute opposition à l’intérieur du Conseil du Commandement de la Révolution (CCR) et met en place un système très autoritaire et personnel. A partir de 1973, il fait de la tribu un acteur de plus en plus important. Il noue de nouvelles alliances avec les grandes tribus de l’est et renforce celles de l’ouest notamment avec les tribus traditionnellement alliées des Qadadfa (dont l’influente tribu des Magariha) ou nouvellement ralliées comme celles de Misrata. En 1975, l’alliance naissante à l’ouest avec les tribus de Misrata vole en éclat et laisse la place à une nouvelle alliance avec les Zintan et les Warfalla qui durera jusqu’à la tentative de coup d’état d’un officier de cette tribu en 1993 qui entraînera l’éviction de ces deux tribus des gardes prétoriennes du régime. Le système se caractérise donc par une grande souplesse et une capacité de recomposition permanente. [...]
C’est à cette époque que commence l’injustice entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. De façon très symbolique et politique, Kadhafi a répudié sa première femme originaire de Tripolitaine pour épouser en 1971 une femme d’al-Bayda, originaire de la grande tribu des Bara’issa (tribu du roi Idriss) et sceller ainsi une alliance avec l’est. Cette alliance a fonctionné un moment, mais là encore, elle n’a eu qu’un temps. A partir de 1975, le recentrage vers l’ouest va s’opérer avec le renforcement des alliances avec les Warfalla, les Zintan et les Ouled Slimane. Cette dynamique perdure jusqu’à aujourd’hui, entraînant le mécontentement croissant de la partie orientale du pays. Mais on doit évidemment nuancer cette analyse, car tout n’est pas binaire : la force du système, qui a permis à Kadhafi de rester au pouvoir aussi longtemps, c’est que certains postes clés étaient aussi occupés par des gens de l’est, avec des alliances tournantes et l’attribution tournante des postes. Ce jeu des chaises musicales a consolidé le système politique, mais simultanément, il a empêché que les responsables mettent en place des réformes et des structures administratives pérennes et efficaces ; ils étaient mutés avant qu’elles ne produisent leurs effets. Donc, oui des gens de l’est étaient impliqués dans la redistribution de la rente, via le système de clientélisme, mais de manière très inégale. [...]
P. H. : On peut dénombrer trois légitimités principales : tribale ou familiale, révolutionnaire, militaire et une dernière que je nommerais historique puisqu’elle concerne les personnes qui ont participé à des degrés divers au coup d’Etat de 1969. Si la légitimité tribale est très forte pour l’accession aux postes clés de l’appareil militaro-sécuritaire et aux comités révolutionnaires, elle n’est pas exclusive et bien évidemment des cadres dont la fidélité au Guide est ancienne et rétribuée en retour par une promotion sociale rapide pourront occuper de hautes fonctions. A partir de là, le système clientéliste touche tous les champs de la société et le système possède tous les moyens de rétribuer ses fidèles, que ce soit par la nomination à des postes au fort capital symbolique qui rapporteront indirectement à leur titulaire d’importants profits économiques ou par l’octroi de « niches » dans des secteurs d’activités fortement rémunérateurs. A l’époque de l’économie « dirigée », les rétributions pouvaient se faire en nommant des fidèles à la tête d’entreprises étatiques dont les subventions étaient détournées au profit de leurs dirigeants. A l’époque de « l’ouverture économique » (engagée depuis le début des années 2000), la rétribution des fidèles passait par l’octroi de marchés captifs ou de monopoles dans des secteurs déterminés. Bien évidemment, l’appartenance tribale, la légitimité révolutionnaire, militaire ou historique, - qualités non exclusives les unes des autres- jouent un rôle dans l’accès à ces rétributions directes ou indirectes que j’ai décrites en détail dans mon ouvrage.
Il existe bien évidemment une petite classe de technocrates compétents qui demeurent en général cantonnés dans des postes de « gestionnaires ». Les personnels originaires des villes de Benghazi et de Misrata sont fortement représentés dans ces fonctions, compensant ainsi leur faible présence dans les fonctions révolutionnaires et militaro-sécuritaires. Enfin, il y a tout le système d’accès aux réseaux de commerce transfrontalier et de contrôle des flux migratoires. [...]
[...] Ces personnes agissaient surtout dans leur propre intérêt, selon les logiques de survie, d’enrichissement et de redistribution aux proches, à la famille. C’est cela la vraie clé pour comprendre l’ampleur de ce trafic mais aussi pour comprendre concrètement le système de rétribution et donc le fonctionnement concret des alliances, des compromis, des négociations. Et donc la légitimité relative du régime. Quelle que soit la nature du régime qui se mettra en place par la suite, on peut s’attendre à ce que ce soit la même chose. Ça changera demain, ce sera plus ouvert, la répartition sera peut-être meilleure – on peut l’espérer – mais il y aura toujours un système de prédation consubstantiel au système rentier fondé sur les ressources pétrolières.
[...] Il faut avoir une autre vision des logiques tribales, une vision qui ne soit pas celle du passé, de l’archaïsme. Les réseaux de solidarité peuvent continuer à structurer le champ social à côté d’un passage à une forme de modernité, une modernité qui ne se fera pas selon des modèles préconçus, avec un mode de représentation telle qu’on l’attendrait en Occident par exemple. Pour moi le passage à la modernité, c’est obtenir un minimum de sécurité quand on entreprend quelque chose et une reconnaissance des compétences. Il existe de bons technocrates en Libye et ils peuvent acquérir plus de poids. Mais dans la logique tribale, même modernisée, ils n’auront pas accès aux principaux postes, ceux où se prennent les décisions. Ils seront juste en dessous…[...]
P. H. : Il existe une grande souplesse dans ce système où tout est prétexte à rétribution envers les tribus comme envers les Comités révolutionnaires, avec parfois des coïncidences. Tantôt s’applique une légitimité révolutionnaire, tantôt une légitimité familiale ou tribale, tantôt une légitimité historique (pour les proches de Kadhafi au moment du coup d’Etat), sans oublier la légitimité militaire (bien que moins affirmée, l’armée n’ayant jamais constitué un corps important, à l’inverse de leur positionnement en Egypte ou en Algérie). Kadhafi joue en permanence sur ces différents piliers et ça fonctionne assez bien. Par exemple, Moussa Koussa (Chef du service de Sécurité et du renseignement extérieur de 1994 à 2009, puis ministre des Affaires étrangères jusqu’à sa démission le 28 mars 2011), qui vient d’une famille d’origine ottomane (que l’on nomme les Koulougli) de la banlieue de Tripoli, remarqué dans les Comités révolutionnaires, n’a pas de véritable légitimité tribale ni d’ancrage profond dans le tissu libyen, c’est pourquoi sa défection n’est pas extrêmement significative. Si demain Abdallah Senoussi s’en va, ce serait plus problématique pour Kadhafi. Moussa Koussa est un orateur hors pair, coopté parce que dans les Universités, les Comités savaient repérer des gens brillants qui en imposaient par la parole ou l’action violente et qui finalement se retrouvaient assez vite dans des postes de responsabilité. En ce sens, Moussa Koussa a bousculé le schéma tribal traditionnel : pas d’ancrage et il ne vient pas d’une grande tribu. Finalement il y a beaucoup d’exemples de ce type. Pour autant, les Comités révolutionnaires, les congrès populaires de base ne peuvent être balayés d’un revers de main. Ils sont aussi un levier important, une caisse de résonnance. [...] c’était une manière de sentir la base, de connaître le pays, de faire remonter les informations. Ce système des Comités populaires de base s’avère d’ailleurs bien utile et adapté à une société sans Etat. La rhétorique sur le pouvoir des masses, traditionnellement méfiantes à l’égard de l’Etat, « ça parlait » et a fonctionné pendant 42 ans avec des recompositions permanentes. [...] Ce système de négociation avec les tribus comme avec les comités révolutionnaires n’exclut pas l’exercice de la violence. Par exemple avec les Warfala, les gens de Misrata, il y a toujours eu des recompositions et des renégociations simultanément à l’existence de violences. [...] Ce n’est qu’en 1929 que l’on a commencé à appeler la Libye, « Libye » ; pour la première fois en 1929 les trois provinces (Cyrénaïque, Tripolitaine, Fezzan) ont été administrées par un même gouverneur. [...] Dans une situation de violence comme dans celle dans laquelle nous sommes, même s’il y a des différends entre ces grandes tribus ou entre groupes, c’est le régime « libyen » qui est remis en cause, pas ces solidarités tribales et régionales.[...] Le drapeau des insurgés, c’est celui de la monarchie dont le siège était à al-Bayda ou à Benghazi. Les leaders de Cyrénaïque ont changé le drapeau sans consulter le reste de la population, qui représente pourtant les deux-tiers du pays. Pourtant, la situation est plus complexe que cette seule dynamique tribale et régionale. Je n’ai pas entendu dire que le chef d’état-major de la marine, l’amiral Sweïhli, ait fait défection. Il fait partie d’une grande famille de Misrata, il est le petit-fils de Ramadan al-Sweïhli, grande figure de la République de Misrata proclamée en 1918 et qui a duré deux ans. Il y a donc dans cette ville une forte tradition locale, qui va au-delà des grands clivages entre les trois provinces et qui complexifie la situation. Misrata est une ville étendue comme Benghazi : il doit y avoir entre 20 à 30 km entre le port et le centre-ville. Quand on entend dire aujourd’hui que les forces de Kadhafi sont entrées, ou pas, dans Misrata, cela ne veut rien dire car il n’y a pas de ligne de front. Il y a certainement des quartiers qui sont sous contrôle des rebelles, d’autres non… [...]
Cela a donc pour conséquence d’accroître les clivages régionaux et les clivages entre familles et tribus ?
P. H. : Oui, et c’est plus particulièrement vrai de l’ouest, région où les tribus sont plus petites, plus nombreuses et moins « structurantes » du tissu social ; une région aussi caractérisée par un sentiment d’appartenance régionale moins fort que dans l’est, et sans doute pour cela, plus facile à diriger. Dans mon livre, j’ai appelé Tripoli la « ville de toutes les ambitions », car les gens sont tous plus ou moins proches du pouvoir et, en tout cas, ont accès aux rétributions, comme par exemple dans le commerce avec la Tunisie, l’Egypte ou l’Afrique mentionné plus haut. [...]
J’étais le premier à me réjouir d’un mouvement d’émancipation des peuples dans la région, même s’il y a eu des morts en Tunisie et en Egypte. Mais très tôt j’ai pensé qu’en Libye cela se passerait autrement. Lors d’une conférence le 4 mars, j’ai dit : « Kadhafi n’est pas terminé, il a des ressources, ses soldats ne sont pas que des mercenaires, ne reprenez pas toute la propagande, il a des gens aussi autour et avec lui ». J’ai suivi les évènements sur al-Jazira qui s’est impliqué très fort du côté de la rébellion, c’était passionnant et séduisant mais on n’entendait que ce son de cloche. Maintenant, on voit bien que le Qatar est le seul pays qui est dans la coalition ! En l’absence d’une bonne connaissance du terrain et d’une forte capacité de résistance à cette propagande généralisée, on est entraîné dans cette interprétation : c’est ainsi que la majorité des médias a véhiculé l’idée que le système allait tomber très vite. Il faut rappeler qu’en temps de guerre, on ne fait pas d’information mais de la propagande. En 1991, la décision des frappes aériennes a été argumentée par l’affirmation que l’armée irakienne était la « troisième armée du monde » ; en 2003, Saddam Hussein « possédait des armes de destruction massive » ; et aujourd’hui, on nous dit que BHL a sauvé Benghazi d’un « génocide »… Génocide, massacres, bains de sang, on n’est plus dans l’analyse, on est dans l’idéologie. [...]
P. H. : Au départ, j’ai une expertise militaire, et je pense pouvoir parler plus précisément de ce point. On nous a dit que les frappes aériennes avaient détruit 40 chars. J’ai recoupé mes sources, les informations données notamment par le journaliste Christophe Ayad qui était sur place et a rédigé d’excellents papiers, mais aussi celles du ministère de la Défense et… toutes ces sources fiables donnent un nombre de 4 ou 5 chars détruits ! Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Depuis une semaine avant les frappes, les forces de Kadhafi étaient à vingt kilomètres de Benghazi. Je pense qu’ils n’avaient ni l’intention ni la capacité de rentrer dans Benghazi avec leur bataillon, composé de 20 chars uniquement. En réalité, ils avaient toutes les chances de se faire laminer. Là aussi, on nous a reconstruit une histoire. Peut-être même que d’un point de vue tactique, il aurait fallu qu’ils rentrent dans Benghazi et qu’ils soient défaits par les rebelles eux-mêmes, plutôt que de lancer cette grosse opération occidentale, à des fins politiques. L’insurrection serait ainsi restée maîtresse de sa victoire et n’aurait pas risqué d’apparaître une fois de plus comme le sous-produit d’une intervention militaire occidentale. Cela aura de graves conséquences pour la suite et compliquera la reconstruction d’un éventuel futur Etat libyen unifié.
[...] Le côté spectaculaire d’avions ultramodernes (qui étaient encore proposés à la vente à la Libye il y a moins de deux ans) procédant à des « frappes ciblées » de jour comme de nuit est très fort au plan médiatique. Il permet au pouvoir politique de montrer que, quelques heures après avoir pris sa décision, il y a des résultats sur le terrain. Nous sommes là dans le temps court et dans la posture.
Comme je l’ai dit au début de l’entretien et l’ai analysé précédemment pour ce qui est de Benghazi, l’efficacité militaire de ces bombardements de l’OTAN est faible dans l’évolution des rapports de forces sur le terrain. Elle a néanmoins été unanimement saluée par la quasitotalité de la classe politique et médiatique. Au plan politique intérieur, cette opération est donc un succès même s’il est avéré que la politique étrangère a peu d’influence sur les enjeux de politique intérieure. [...]
Dans les faits, le CNT ne représente en effet que la Cyrénaïque, soit un tiers de la population libyenne. Les deux tiers de la population libyenne en payent le prix et se retrouvent coupés du monde [papier paru en mai 2011] comme aux heures les plus sombres de l’embargo, terrorisés tant par les bombardements que par la dictature de Kadhafi et plus préoccupés de ce fait par leur survie quotidienne que par la mobilisation politique et militaire contre le régime. [...]
En 2003, quand le régime de Saddam Hussein est tombé, j’étais en Libye chez des amis, on regardait al-Jazira et ils me disaient : « tu vois, nous on n’aime pas Kadhafi. Mais tu as vu Fallujah, tu vois le chaos ? Nous on a peur, ça pourrait être pareil chez nous ». Donc, on n’aime pas Kadhafi mais on a plus à perdre qu’à gagner. Beaucoup de Libyens m’ont dit cela et ce sont ceux qui restent chez eux, pour l’instant du moins, parce qu’ils ont peur de l’après, parce que, bon an mal an, ils sont quand même rétribués, tous ces emplois de fonctionnaires, tous ces avantages en nature depuis des années ce n’est pas rien, ces prêts non-remboursables et puis le problème de la violence. [...]
P. H. : C’est difficile à dire. Il faut bien distinguer les premiers jours de l’insurrection où beaucoup de gens y ont cru et sont descendus dans les rues, y compris à Tripoli avec la situation actuelle. Le pouvoir a été sous le choc pendant 2 ou 3 jours avant de se ressaisir, notamment à la suite du discours guerrier de Kadhafi du 21 février. Les répressions ont été brèves et violentes et ont dissuadé la majorité des manifestants non armés des premiers jours de descendre dans les rues. Le soulèvement s’est poursuivi dans certains quartiers de Tripoli et dans des villes de vieille tradition frondeuse, comme à Zawiya où en septembre 2000 des exactions avaient été commises contre les Africains. Officiellement, il y avait eu une dizaine de morts et en réalité une centaine. Cette irruption de la violence était en réalité un signal envoyé à Kadhafi qui quelques semaines avant avait fait raser le mémorial d’Omar al Mokhtar de Benghazi. De nombreux observateurs avaient à l’époque lié les deux évènements ; les liens étant forts pour des raisons historiques entre les habitants de Benghazi et ceux de Zawiya (comme ils le sont entre ceux de Benghazi et de Misrata). Des connections existent aussi entre Zwara, ville à fort peuplement berbère, et les régions berbères rebelles du djebel Nefoussa. [...] En ce moment, on est dans une phase violente et le contrôle du territoire est désormais sous-traité en partie aux tribus ou clans restés fidèles (pour des raisons diverses) ou achetées par le régime. Les brigades de sécurité comptent environ 10 000 hommes, mais le régime a armé de nombreux jeunes supplétifs libyens (y compris au sein des tribus arabes du djebel Nefussa). Nous sommes donc bien dans un schéma de guerre civile.
[...]


http://www.ceri-sciencespo.com/cerifr/kiosque.php?do=2
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- Libye : « En temps de guerre, on ne fait pas d'information mais de la propagande », interview de Patrick Haimzadeh
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Message par abounouwas » 06 Sep 2011, 12:29

Les puissances impérialistes n'ont pas téléguidé l'insurrection.
Londres était au mieux avec Kadhafi. Sarkozy a surtout vu un coup de politique intérieure (au fond du trou, gagner une guerre pour être dans la course présidentielle) et - après avoir consulté Total - il s'est décidé à intervenir escomptant rafler au passage un morceau des parts de marché italiennes et chinoises. Les deux impérialismes sont intervenus de manière opportuniste mais au départ, il y a un soulèvement populaire.
Les autres éléments de cette synthèse battent en brèche l'idée erronée qu'il s'agissait de sauver Benghazi et les opposants au régime.
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Message par abounouwas » 06 Sep 2011, 15:25

le même intervenant sur là-bas si j'y suis,

http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2239
15:49:41 (10/12)

avec D. Mermet.
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Message par Doctor No » 06 Sep 2011, 15:29

a écrit :Les deux impérialismes sont intervenus de manière opportuniste mais au départ, il y a un soulèvement populaire.


Depuis quand les impérialistes interviennent pour soutenir un "soulèvement populaire"?
Qui peut avaler un tel os? Un marxiste? Un communiste?

Quel déclaration, quel acte, quel geste marque ce "soulèvement populaire" d'autre chose que des pires idées et actes réactionnaires?

Où se trouvent les appels progressistes ou autres que la soumission la plus abjecte aux objectifs des impérialistes?

Où se trouvent d'autres actes que les crimes et le rôle des troupes supplétives des impérialistes?

Les puissances impérialistes avaient travaillé depuis longtemps a préparer une insurrection contre Gadahfi par le biais de leurs services et ont dirigée derrière les coulisses les premières manifestations.

Il y a eu des gens pour se faire surprendre, d'autres à visées régionalistes, mais, tel que le dit l'article "les rebelles" ne comptaient qu'avec un tiers (régionaliste) de la population qui les soutient.

Comment peut-on parler de soulèvement populaire si les deux tiers du peuple sont contre ?

Tout ce que l'on peut dire est qu'il y a eu un soulèvement régionaliste réactionnaire dont les impérialistes ont profité de suite et dont les soi-disant "rebelles" se sont fait leurs larbins consentants et heureux de l'être.

Comme au Nicaragua la Contra a servie de même les intérêts des impérialistes. Qui oserait dire que ce réactionnaires étaient des rebelles à rejeter au même titre que le gouvernement en place?

Qui ne voit pas que soutenir le pays agressé et leur leader tant qu'il se défend est notre devoir sacré anti-impérialiste?

Qui n'a pas lu et compris ce que tous les grands marxistes ont dit sur la question?
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Message par abounouwas » 06 Sep 2011, 15:39

La population qui descend dès le deuxième jour en masse dans Tripoli ? Et à Misrata ? Les impérialistes ne sont pas intervenus de suite. Ils ont attendu d'avoir un interlocuteur politique, en l'occurrence le CNT, qui leur garantisse que les affaires continueraient comme par le passé. La direction politique des rebelles n'effraie pas les capitalistes, loin s'en faut. Pourquoi refuses-tu de reconnaître qu'il y a eu un soulèvement massif contre le régime ? Cela ne signifie pas pour autant que cette même population a été armée. Au lieu de cela, tu nous as bombardés d'articles de gauchistes qui n'avaient pas la moindre idée de ce qui pouvait se passer en Libye, mais qui étaient prêts à soutenir la Révolution de Kadhafi. Faut quand même pas raconter n'importe quoi.
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Message par Doctor No » 06 Sep 2011, 17:11

Et la direction du CNT est sortie d'où?

Par œuvre et grâce du saint esprit?

Tout d'un coup une bande des réactionnaires (ex partisans de Gadahfi, ex partisans du roi, intégristes de tous poils, agents directs des impérialistes) s'empare de la direction d'une révolte régionaliste qui implique un tiers du peuple (ton article) se met à la solde des impérialistes et tout cela on doit l'accepter comme "soulèvement populaire"?

Où se trouve le coté populaire la-dedans? Dans les masses qui se laissent abuser par les impérialistes et la réaction?

Kronstadt était aussi un "soulèvement populaire"?

Il faudrait peut-être ajouter "réactionnaire" à ce type des "soulèvements" télécommandés par l'argent des impérialistes.

Personne, jamais a soutenu Gadahfi autrement que critiquement comme leader d'un petit pays qui se bat contre une coalition impérialistes et cela est la position de Trotski en Abyssinie, en Chine lors de l'invasion japonaise et au Brésil (cas hypothétique).

D'ailleurs lui ne fait que suivre les résolutions sur la question nationale des seconde et quatrième congrès de l'Internationale Communiste.

Et cela n'est pas du "gauchisme" sauf par ceux qui pratiquent une ligne de droite "ni-ni" sur la question libyenne.
Doctor No
 
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Message par Zorglub » 06 Sep 2011, 20:10

Bon alors là je suis paumé, la révolution (bourgeoise), elle est de quel côté ?
Parce que granit, Doctor No, granit, Doctor No... ce balancement me donne mal au cœur. :wacko:
Zorglub
 
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Message par Doctor No » 06 Sep 2011, 20:23

(Zorglub @ mardi 6 septembre 2011 à 21:10 a écrit : Bon alors là je suis paumé, la révolution (bourgeoise), elle est de quel côté ?
Parce que granit, Doctor No, granit, Doctor No... ce balancement me donne mal au cœur. :wacko:

S'il te plait ne me mélange pas avec Granit.

Je n'ai jamais parlé d'une absurdité pareille (une révolution bourgeoise) autrement que pour m'en moquer et tes propos n'ont d'autre fin que de amalgamer tout manque d'arguments.

Ce sont des procédés absolument malhonnêtes. (Ne dit-on pas "staliniens" chez certains?)

Que tu sois "paumé" cela ne m'étonne pas vu la position entre un âne et un cheval qui te fait chevaucher la "politique du ni-ni" mais n'en profite pas de ta situation ridicule pour essayer de jeter de l'encre sur la question.
Doctor No
 
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