a écrit :Contre la guerre en Irak
Dans l'urgence
Peut-on encore empêcher une guerre contre l'Irak ? A l'approche des réunions fatidiques du Conseil de sécurité de l'ONU, l'opinion internationale s'interroge. N'hésitons toutefois pas à répondre par l'affirmative.
D'évidence, aval de l'ONU ou pas, George W. Bush veut fondre sur l'Irak, y renverser Saddam Hussein, s'accaparer son pactole pétrolier et redistribuer à chaud les cartes d'une nouvelle donne planétaire. Ari Fleischer, son porte-parole, vient encore de le confirmer en indiquant qu'une approbation du Conseil de sécurité était, à ses yeux, "souhaitable mais pas obligatoire". D'ailleurs, c'est par dizaines de milliers que de nouveaux contingents de l'US Army viennent s'installer dans le Golfe : près de 300 000 soldats se trouvent ainsi prépositionnés aux frontières irakiennes. Les préparatifs d'une invasion s'accélèrent dans le même temps : balisage des sites irakiens en vue de futurs bombardements, mises au point des plans d'occupation des champs pétrolifères dont la CIA redoute qu'ils aient été piégés par le pouvoir de Bagdad, déploiement de bombardiers sur des bases mises à disposition par la Grande-Bretagne ou certains pays de l'Est européen...
Le poids des pro-paix
Reste que la levée en masse des partisans d'un monde de justice et de paix est venue bouleverser les calculs des stratèges. A preuve, pièce-maîtresse du dispositif de guerre impériale, la Grande-Bretagne affronte une crise politique sans précédent : la fronde d'une grande partie des députés travaillistes pourrait maintenant conduite Tony Blair à sa perte. A preuve encore, dans le monde arabo-musulman, les manifestations atteignent désormais une ampleur sans précédent, comme en témoignent les 100 000 personnes récemment rassemblées dans un stade du Caire. Cela n'a pas été pour rien dans la résolution finale de la Ligue arabe, monument d'hypocrisie diplomatique, qui ne condamne pas l'opération fomentée par Bush mais préconise tout de même la poursuite des inspections onusiennes en Irak. Dans le même temps, en Turquie, sous la pression de la rue, le Parlement a dû s'opposer au stationnement de 62 000 GI's sur son sol, contraignant le Pentagone à revoir en catastrophe son dispositif d'attaque de l'Irak.
Aux Etats-Unis même, les marges de manoeuvre de l'administration présidentielle ne cessent de se réduire. Sondage après sondage, l'opinion se révèle profondément divisée, seul un tiers des citoyens d'outre-Atlantique déclarant son approbation sans réserve de la politique belliqueuse de Bush. Les manifestations d'opposition à la guerre se multiplient, à l'image de la journée de protestation prévue sur les campus le 5 mars ou de l'immense concentration annoncée le 15 mars devant la Maison Blanche.
Raison de plus pour mobiliser toutes les énergies, dans les jours qui viennent, pour tenter d'arrêter la machine infernale. On le sait, Washington mettra tout en oeuvre pour parvenir à arracher l'accord des Nations unies. A quelques jours du rapport d'étape d'Hans Blix, le chef des inspecteurs de l'ONU en Irak, les pressions étasuniennes s'organisaient sur les Etats membres du Conseil de sécurité, afin d'obtenir au moins une date-butoir permettant aux Etats-Unis de passer à l'offensive, d'ici à la fin du mois de mars, avec un semblant de caution onusienne.
De ce point de vue, nos responsabilités ne sont nullement amoindries par la posture adoptée par Jacques Chirac. Au contraire. S'ils veulent traduire en actes leurs déclarations d'intention, nos gouvernants doivent le prouver. Ils n'ont qu'un moyen à leur disposition pour ce faire : faire usage, si nécessaire, de leur droit de veto au Conseil de sécurité. Chacun le voit bien, ils ne le feront que contraints et forcés par la pression populaire. D'ailleurs, répondant à l'activsme forcené du lobby atlantiste de l'UMP, Villepin vient de déclarer : "Utiliser le veto serait tirer une balle dans le dos des Américains." Sans doute, même en cas d'accord de l'ONU, il faudra s'opposer par tous les moyens à cette guerre rejetée par les peuples. Mais il n'est pas indifférent, si Bush et ses comparses passent à l'action, qu'ils le fassent au coût politique le plus élevé pour eux.
L'échéancier retenu par les représentants des coalitions antiguerre de 25 pays (voir ci-dessous) nous offre la possibilité de faire entrer toutes les initiatives en synergie. Si, malheureusement, le foisonnement des initiatives dans les divers cadres nationaux n'a pas permis de trouver une nouvelle date unique de convergence pour les mobilisations, le 15 mars apparaît néanmoins comme un temps fort incontournable. En France, ce sera donc l'occasion de nouvelles et puissantes démonstrations de force dans toutes les villes. Il n'y a plus un instant à perdre...
Christian Picquet.