
Depuis quelques semaines, des centaines (des milliers ?) d'immigrés africains tentent de pénétrer massivement dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, porte de l'Europe sur le continent africain.
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il a pris récemment une ampleur inconnue jusqu'à présent, provoquant la réaction du gouvernement marocain, qui organise de véritables "chasses à l'homme" dans la région, certainement aussi à la demande des gouvernements européens.
Dans Libération :
Quelle barbarie !
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il a pris récemment une ampleur inconnue jusqu'à présent, provoquant la réaction du gouvernement marocain, qui organise de véritables "chasses à l'homme" dans la région, certainement aussi à la demande des gouvernements européens.
Dans Libération :
a écrit :L'armée marocaine traque les immigrants qui tentent de passer à Ceuta et à Melilla.
Chasse à l'homme autour des enclaves espagnoles du Maroc
Par François MUSSEAU
mercredi 05 octobre 2005 (Liberation - 06:00) - Ben Younech envoyé spécial
«Je peux vous assurer qu'il n'y a plus un seul Noir par ici. La zone est totalement nettoyée», clame l'officier de l'armée marocaine. Depuis quatre jours, mitraillette en bandoulière, à pied ou en jeep, lui et ses hommes ratissent au peigne fin ce terrain montagneux, couvert d'une dense végétation de broussailles, de chênes-lièges et de pins. Le long de la route qui serpente dans la forêt, tous les cent mètres, des gendarmes marocains sont sur le qui-vive, au cas où un immigré subsaharien sortirait des fourrés. Dans le lointain, à une poignée de kilomètres, se dressent les immeubles clinquants de l'enclave espagnole de Ceuta, laquelle, vue d'ici, apparaît comme une langue de terre richissime aux allures de forteresse.
Au terme d'un chemin sablonneux, l'officier désigne un feu qui achève de consumer ce qui fut, il y a encore quelques jours, un campement d'immigrés. On aperçoit des branchages et des bâches de plastique calcinées qui servaient d'abris et, éparses sur le sol, des lambeaux de vêtements, des boîtes de conserve ou des canettes de Pepsi. Dans un coin, s'amoncellent des échelles de bois ficelées avec des chambres à air. Inachevées, elles devaient servir à escalader le grillage séparant le Maroc de l'eldorado espagnol.
Cinq morts. Au lendemain de la demi-douzaine d'assauts massifs d'immigrés sur les frontières de Ceuta (5 morts lors d'une avalanche d'un demi-millier de Subsahariens, le jeudi 29 septembre) et de Melilla (l'autre enclave espagnole), les autorités marocaines sont passées à l'action. Alors qu'en Espagne l'opposition conservatrice accuse le pays voisin de «complaisance» vis-à-vis de l'immigration clandestine, le royaume chérifien entend prouver le contraire. Ce week-end, Rabat a dit avoir interpellé 130 Noirs africains ayant tenté d'escalader la frontière hispano-marocaine, et mobiliserait plus de 8 500 agents de sécurité dans le voisinage de Ceuta et de Melilla.
«Il faut bien appeler cela une chasse à l'homme, dit un gendarme marocain. Personnellement je ne m'en réjouis pas, mais ce sont les ordres !» Depuis des années, après un périple infernal, via le Sahara, de nombreux immigrés (maliens, sénégalais, guinéens, sierra-léonais...) se réfugient dans cette forêt de Ben Younech, comme ultime étape avant l'entreprise décisive : le saut vers Ceuta, un des postes avancés vers l'espace Schengen. Regroupés selon la nationalité, la religion ou la langue (anglophone ou francophone), ils étaient ici des centaines il y a seulement une semaine.
Mendiants. «Avec l'arrivée des militaires ils se sont tous évaporés comme par miracle», dit en souriant Ahmed, qui traîne son ennui dans le village côtier de Ben Younech, collé à Ceuta où les immigrés viennent se ravitailler. «Au début, ils peuvent s'acheter à manger. Puis, au bout d'un ou deux ans, ils n'ont plus d'argent et viennent mendier, morts de faim et les habits déchirés. Alors on leur donne des patates, du pain, du sucre et des vêtements, chacun selon ses possibilités.» Ahmed ne cache pas son amertume à leur égard : «Par leur faute, les Espagnols ont fermé ce poste frontière il y a deux ans. Désormais on ne peut plus faire de contrebande avec Ceuta, et cela rapportait facilement 400 à 500 dirhams par jour (40 à 50 euros)».
A Ben Younech, on est persuadé que les Noirs africains ne sont pas loin de là. La plupart affirment que des centaines d'entre eux se cachent dans les montagnes très escarpées, là où gendarmes et meahaznis (force auxiliaire marocaine) ne peuvent ou ne veulent pas les suivre. «Certains immigrants ont peut-être rebroussé chemin vers Tanger ou Tetouan, mais la majorité est là-haut, il n'y a aucun doute», assure Abdelhamid. Joignant le geste à la parole, il pointe du doigt le djebel Moussa, que les Espagnols dénomment la «montagne de la femme morte».
Prêts à tout. «A chaque fois qu'il y a des embrouilles à la frontière, poursuit-t-il, c'est le même scénario : les militaires occupent le terrain en quelques jours, puis, dès qu'ils ont fiché le camp, les Noirs descendent de nouveau dans la forêt et, chaque nuit, tentent de passer la frontière.» Un autre villageois ajoute : «Ces gens ont quitté leurs familles, fait des milliers de kilomètres dans des conditions impossibles. Pour eux, il est hors de question de repartir. Beaucoup d'entre eux ont été rapatriés plusieurs fois vers Oujda et la frontière algérienne. A chaque fois, ils réapparaissent ici ou autour de Melilla. Ils sont prêts à tout pour arriver en Espagne et n'ont pas peur de mourir.»
Quelle barbarie !