
Les américains assènent dans leur propagandes le "respect des droits de la guerre" quand ce sont leurs soldats qui sont prisonniers Mais qu'en est il quand c'est eux qui sont les geoliers
Sinon, l'afghanistan est elle devenue une démocratie ??????
Deux détenus témoignent sur la prison américaine de Bagram, en Afghanistan
LE MONDE | 14.03.03 | 15h25
Peshawar de notre envoyée spéciale
Sinon, l'afghanistan est elle devenue une démocratie ??????
Deux détenus témoignent sur la prison américaine de Bagram, en Afghanistan
LE MONDE | 14.03.03 | 15h25
Peshawar de notre envoyée spéciale
a écrit :"Par la lumière de la porte à l'autre bout du hangar, nous déterminions à peu près l'heure des prières." Récemment libéré de la prison de Bagram après un séjour de deux mois et cinq jours, Mohammed (un nom d'emprunt, par crainte des représailles) avoue n'avoir vu le ciel qu'une seule fois quand il fut réquisitionné pour vider les latrines.
Alors que l'armée américaine enquête sur la mort suspecte de deux détenus à Bagram et que les défenseurs des droits de l'homme dénoncent les conditions de détention et d'interrogatoire des personnes arrêtées, Mohammed et Saïf-ur-Rahman - un autre détenu récemment libéré - livrent leurs témoignages.
La prison de Bagram, établie sur une ancienne base aérienne construite par les Soviétiques et aujourd'hui occupée par l'armée américaine et les troupes de la coalition antiterroriste, est proche de Kaboul. Elle renferme une centaine de détenus, selon le colonel Roger King, porte-parole américain à Bagram. Ils sont apparemment séparés entre le "menu fretin" et ce que les Américains pensent être "de gros poissons".
Saïf-ur-Rahman, frère du chef de guerre Malik Zahrin, qui collabore avec les Etats-Unis, a été l'un de ces "gros poissons" avant que les Américains ne s'aperçoivent de leur erreur. Arrêté par des soldats américains sur une route de la province de Kunar, alors qu'il revenait à Asadabad après avoir été nommé par le gouvernement responsable de la reconstruction, Saïf-ur-Rahman a d'abord été emmené sur la base d'Asadabad. Après un très sommaire interrogatoire, il a été transporté par hélicoptère sur la base de Jalalabad (est de Kaboul). "Ils m'ont mis, nu, dans une pièce avec deux soldats et deux chiens, dit-il. Un soldat versait de l'eau glacée sur moi. Comme je leurs disais que j'étais un ancien moudjahidin, que j'avais combattu les Russes, l'un d'eux m'a dit de faire attention, que les chiens étaient russes. Je suis resté une demi-heure comme cela. Après, les deux soldats sont partis et sont entrés un étranger en civil et deux interprètes afghans. Ils m'ont donné une couverture et des cigarettes et ont commencé à m'interroger." Pendant les 24 heures passées à Jalalabad, Saïf-ur-Rahman a été interrogé deux fois. Le reste du temps, "à part une vingtaine de minutes où j'étais allongé avec des chaînes aux mains et aux pieds, j'ai dû rester debout sans pouvoir dormir", raconte-t-il.
Emmené ensuite à Bagram, par hélicoptère, Saïf-ur-Rahman a été installé au premier étage du centre de détention, où sont placés les prisonniers de première importance. "Ils m'ont d'abord coupé les cheveux, donné un uniforme rouge. Pendant 24 jours, j'ai été seul dans une petite pièce, les mains menottées devant, avec l'autorisation de m'allonger seulement deux heures par jour. Il y avait des gens qui parlaient tout le temps, de la lumière en permanence et quand j'étais fatigué, ils venaient pour me dire debout, tenez-vous." Saïf-ur-Rahman affirme alors avoir subi 230 interrogatoires.
"ASSIS, DEBOUT"
Il a ensuite rejoint le "menu fretin" au rez-de-chaussée. Les détenus y sont gardés dans des box séparés par des grillages, par groupes de huit à dix, avec interdiction de se parler. "Si vous dites un mot, vous êtes punis", affirme Mohammed. Ce hall est en permanence éclairé par deux rangées de puissantes lampes. "Les soldats vous regardent en permanence. La nuit, ce sont souvent des femmes et elles parlent très fort pour nous empêcher de dormir", ajoute-t-il en précisant que, même allongés, les prisonniers n'ont pas le droit de se couvrir la face. Outre la privation de sommeil, le rationnement semble faire partie des méthodes d'interrogatoires. "Un petit biscuit, un petit paquet de raisins secs, des légumes en paquets, toujours froid et seulement deux fois par semaine une moitié de rôti -un pain plat-", explique Mohammed.
"Avant les interrogatoires, ils vous conditionnent, note Mohammed. Ils vous disent sans arrêt : "Assis, debout". Ils vous empêchent de dormir." L'une des menaces favorites paraît être l'envoi sur la base américaine de Guantanamo (Cuba). "Un jour, ils m'ont apporté des cailloux et m'ont dit de les compter. J'ai compté 50 et ils m'ont dit : c'est le nombre d'années que vous passerez à Guantanamo si vous refusez de parler", confie Saïf-ur-Rahman.
Ces deux prisonniers n'ont jamais été battus. Mais Mohammed affirme avoir été interrogé presque quotidiennement (55 jours sur 65 de détention) et ajoute : "Nous avons entendu quelques fois des gens battus et il y a des cellules spéciales pour les prisonniers spéciaux." Après le 1er mars, au Pakistan, Khaled Cheikh Mohammed, considéré comme le numéro trois d'Al-Qaida, aurait été conduit à Bagram.
Françoise Chipaux