dans l'huma :
a écrit :Sharon profite de la guerre en Irak pour accélérer l'absorption d'une grande partie des territoires palestiniens, en ne réservant, au mieux, à un éventuel futur Etat palestinien que le statut d'un " bantoustan ".
Jérusalem,
envoyée spéciale.
Le journal israélien Haaretz a publié dimanche en première page, juste au-dessous d'une grande photo de Bagdad fumant sous les bombes, le plan du nouveau " mur de séparation " que le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, entend voir ériger entre Israël et les territoires palestiniens. " Ce nouveau tracé, explique le journal, dans une description qui semble relever de la chirurgie, s'enfonce plus profondément à l'intérieur de la Cisjordanie de telle sorte que 40 000 colons et 3 000 Palestiniens se retrouveront du côté israélien du mur. " Selon les schémas publiés par Haaretz, ce nouveau mur permettrait d'englober cinq colonies, dont deux très importantes (Ariel et Emmanuel) à l'intérieur du territoire israélien, en annexant au passage un certain nombre de villages arabes et en enclavant totalement la ville palestinienne de Qalkilya qui serait totalement coupée du reste de la Cisjordanie.
Ce plan, présenté comme " nouveau " par le journal, devrait être soumis dans les prochains jours à Ariel Sharon. Et nul ne doute qu'il rencontrera son assentiment : le premier ministre israélien, qui a effectué la semaine dernière une inspection le long de la ligne de démarcation, a fait savoir qu'il était pressé de voir le mur achevé, dont l'érection avait commencé il y a bientôt un an (le 5 avril 2002), en précisant que son tracé devrait figurer la ligne des " frontières provisoires " du futur Etat palestinien, dont le président américain George W. Bush vient encore de répéter qu'il entendait le voir prendre forme d'ici 2005.
En accélérant la construction du mur de séparation selon un tracé choisi par lui seul, Ariel Sharon, une fois de plus, entend forcer le destin par la politique du fait accompli. Tel qu'il a été rendu public, le nouveau tracé, combiné avec l'annexion de la vallée du Jourdain, laisserait aux Palestiniens 40 % seulement de la Cisjordanie. Encore ce territoire ne serait-il pas d'un seul tenant, plusieurs villes et villages étant coupés les uns des autres par des colonies juives et des " routes de contournement " réservées aux colons. C'est ainsi qu'Ariel Sharon envisage l'Etat palestinien auquel il lui est arrivé de consentir en se donnant des airs de grand seigneur.
Mais en réalité, les soi-disant " nouveaux plans " révélés hier n'ont rien de nouveau. Ils sont même en cours de réalisation sur le terrain, à grand renfort de destructions de maisons et de marchés publics, de confiscations de terres et de destructions des cultures. C'est ce que dénoncent depuis plusieurs semaines déjà les militants palestiniens et israéliens réunis dans les Comités d'urgence populaires qui tentent de s'opposer à ce mauvais coup. Gadi Alghazi, dirigeant de longue date de Tayyoush (Vivre ensemble) et l'un des promoteurs de ces comités explique : " Depuis une semaine nous nous rendons tous les jours dans six des villages qui sont dans la zone qui doit être annexée pour tenter de les sauver, dit-il. Ce n'est pas un plan de séparation mais un plan d'annexion qui donne une idée de ce que Sharon a dans la tête : réduire la Cisjordanie à quelques "bantoustans". Le pire, c'est que personne n'en parle et que la communauté internationale ne réagit pas, alors que pour Sharon tout doit être terminé dans moins d'un an. Et il profite de la guerre en Irak pour accélérer le mouvement. Nous avons donc exigé un débat public sur ce projet, et dès maintenant, nous aidons les paysans palestiniens à accéder à leurs champs qui sont de l'autre côté du mur, car selon la loi des champs non cultivés pendant quatre ans sont automatiquement expropriés. "
Déjà, selon Me Wiham Shbeta, l'un des avocats qui défend les intérêts de villageois palestiniens menacés, 23,8 % de la Cisjordanie aurait été annexée par Israël le long du tracé du mur de séparation. " C'est d'autant plus grave, souligne Gadi Alghazi, qu'il s'agit des meilleures terres agricoles qui constituent le coeur même de la Cisjordanie. "
Françoise Germain-Robin