a écrit :GAZA (Reuters) - Les islamistes palestiniens du Hamas se sont lancés jeudi dans une chasse aux dirigeants du Fatah dans la bande de Gaza, dont ils ont presque intégralement pris le contrôle, six jours après le début de combats qui ont fait une centaine de morts.
En Cisjordanie, le président Mahmoud Abbas a annoncé dans la soirée qu'il limogeait le gouvernement d'union dirigé depuis trois mois par le Hamas, et qu'il décrétait l'état d'urgence. Il a laissé entendre que des élections anticipées pourraient être organisées si la situation se calmait, une perspective qui paraissait très lointaine à Gaza.
MAHMOUD ABBAS DISSOUT LE GOUVERNEMENT PALESTINIEN D'UNION
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Les activistes du Hamas y ont notamment "exécuté" un "collaborateur" du Fatah et fait défiler sa dépouille dans les rues. Les chefs du mouvement islamiste ont par ailleurs élaboré une liste de dirigeants du Fatah dont ils souhaitent la mort.
Ils ont en outre rejeté le décret d'Abbas, émis en Cisjordanie, territoire aux mains du Fatah, et affirmé qu'Ismaïl Haniyeh, un des chefs du Hamas, demeurait à la tête du gouvernement.
De jeunes activistes du Hamas ont hissé le drapeau vert de l'organisation au sommet des bâtiments conquis, tandis qu'ils continuaient de pilonner le complexe présidentiel à Gaza, seul bâtiment de la bande encore tenu par des partisans d'Abbas.
EXECUTIONS SOMMAIRES?
La Maison blanche a qualifié les violences de Gaza d'"actes de terrorisme" et la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a appelé Abbas pour lui redire son soutien aux palestiniens modérés. Elle a toutefois admis qu'il serait difficile de trouver des soldats pour garnir une hypothétique force de paix internationale dans la bande de Gaza.
Les combats de la journée ont fait au moins 29 morts à Gaza, dont 18 membres du Fatah tués lors de la prise du QG de la Force de sécurité préventive d'Abbas. La chute de ce bastion du président a amené le Hamas à proclamer sa victoire ainsi que la "libération" de la bande de Gaza.
Depuis samedi, ces affrontements fratricides ont fait près de 110 morts et laissent la population de Gaza, qui se chiffre environ à 1,5 million d'habitants, seule aux mains du Hamas, qui est prêt à défier l'embargo imposé par les puissances occidentales. Ces combats ont déjà entraîné une suspension des livraisons de l'aide israélienne.
Le bilan humain de ces violences demeurait incertain. On ignorait notamment le sort de dizaines de combattants du Fatah faits prisonniers et qu'on a vu quitter torse nu, les bras en l'air, les bâtiments pris par le Hamas. Des témoignages non confirmés faisaient état d'exécutions sommaires.
Un responsable du Fatah à Gaza a dit avoir échappé à la mort par "miracle", mais avoir vu huit de ses collègues se faire abattre.
Les brigades Ezzedine al Kassam, branche armée du Hamas, ont annoncé l'exécution du "collaborateur Samih al Madhoun", un dirigeant des Brigades des martyrs d'Al Aksa, groupe armé issu du Fatah.
Madhoun, un proche de Mohamed Dahlan, responsable de la sécurité auprès d'Abbas, était un des chefs de la résistance opposée au Hamas à Gaza. Des habitants ont affirmé avoir vu des combattants du Hamas défiler avec la dépouille du défunt.
"LA DEUXIEME LIBERATION DE GAZA"
Pour fêter leur victoire, les islamistes ont tiré des coups de feu en l'air et offert des chocolats à la population. Sur le toit du siège des services de renseignement d'Abbas, également tombé, un activiste scandait des "Allahou akbar" (Dieu est grand) à l'aide d'un mégaphone.
"Ce qui s'est passé aujourd'hui au quartier général de la Force de sécurité préventive, c'est la deuxième libération de la bande de Gaza", a dit à Reuters le dirigeant du Hamas Sami Abou Zouhri, faisant allusion à la première "libération" - le retrait du territoire des colons et de l'armée de l'Etat juif en 2005.
"Cette fois-ci, Gaza a été libéré de la horde des collaborateurs", a-t-il ajouté à propos des membres du Fatah.
Des diplomates ont confié à Reuters qu'un conseiller d'Abbas avait admis que des centaines des combattants du Fatah avaient déserté ou étaient venus à court de munition dans la journée et que ceux retranchés dans le complexe présidentiel de Gaza étaient parmi les derniers à résister dans toute la bande.
Le Hamas a également revendiqué d'importantes victoires stratégiques dans la bande de Gaza. Des radios favorables au Fatah ont été fermées et la station connue sous le nom de Voix de Palestine a même été incendiée.
Ces succès du Hamas à Gaza ont entraîné des représailles du Fatah en Cisjordanie, où un membre du mouvement islamiste a été blessé par balle près de Ramallah et plusieurs autres ont été arrêtés à Djénine et Naplouse. Des bureaux du Hamas ont été saccagés dans cette dernière ville.
L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a également fait savoir qu'elle ne voyait pas l'utilité d'une telle force.
A Bruxelles, la Commission européenne a suspendu son aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza en raison des combats "suicidaires" entre factions et ne la rétablira que lorsque les violences auront cessé, a annoncé le commissaire européen à l'Aide et au Développement, Louis Michel.
"La situation humanitaire est catastrophique, nous avons dû retirer nos employés", a déclaré Michel à Reuters. "C'est dramatique et c'est inacceptable." Le commissaire belge a ajouté que "les belligérants comprendre que c'est suicidaire".