Berlin allège la pression fiscale sur les entreprises
LE MONDE. BERLIN CORRESPONDANCE
C'est l'un des grands chantiers du gouvernement d'Angela Merkel. Après plusieurs mois de négociations, les deux partis au pouvoir, SPD et CDU-CSU, ont pu se mettre d'accord, jeudi 2 novembre, sur les derniers détails d'une réforme de la fiscalité des entreprises, dont les grandes lignes avaient été esquissées en juillet. En janvier 2007, le ministère des finances présentera un projet de loi qui devrait être adopté avant l'été et entrer en vigueur en 2008.
Selon les éléments présentés par le ministre des finances, Peer Steinbrück (SPD), et le ministre-président de la Hesse, Roland Koch (CDU), qui ont présidé les groupes de travail sur ce projet, la charge fiscale qui atteint en moyenne un taux de 38,6 % outre-Rhin, soit l'un des plus élevés en Europe, doit redescendre sous la barre des 30 %, à 29,83 %, un taux inférieur à la plupart des grandes économies européennes.
Le gouvernement espère ainsi améliorer la compétitivité des entreprises allemandes et les inciter à investir. Cet accord devrait notamment profiter aux sociétés de personnes, qui représentent 85 % des entreprises allemandes et sont soumises à l'impôt sur le revenu.
A partir de 2008, l'impôt sur les bénéfices des sociétés auxquels sont soumises les AG et les GMBH - l'équivalent des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée - doit passer de 25 % à 15 %. En contrepartie, une nouvelle base de calcul du bénéfice est créée avec l'introduction d'une limite dans la déduction des intérêts. Avec cette mesure, le SPD et la CDU-CSU veulent éviter que des multinationales utilisent leurs filiales pour déclarer leurs bénéfices dans des pays à faible taux d'imposition et amortir leurs pertes dans des pays où les impôts sont élevés.
L'indice de calcul de la taxe professionnelle doit baisser de 5 % à 3,5 %. A l'avenir, cette taxe ne pourra plus être déduite de la charge fiscale en qualité de frais d'exploitation. En contrepartie, les sociétés de personnes pourront prendre en compte une importante part de la taxe professionnelle dans le calcul de leur impôt sur le revenu.
Par ailleurs, les sociétés de personnes continueront à payer l'impôt sur le revenu, selon un barème compris entre 15 % et 42 %. L'un des objectifs de la réforme était pourtant d'aménager un système de taxation unique pour les sociétés de personnes et les groupes. Un taux d'imposition unique doit néanmoins s'appliquer en ce qui concerne les bénéfices prélevés.
L'ensemble des allégements fiscaux devrait coûter 29 milliards d'euros à l'Etat. Les premières années, les pertes fiscales ne devraient pas excéder 5 milliards d'euros par an.
Pour compenser cette baisse, d'autres réglementations seront renforcées ou créées, pour permettre à l'Etat de récupérer 25 milliards d'euros. C'est sur ce point qu'ont notamment porté les négociations des derniers mois. A partir de 2009, un impôt à taux unique de 25 % s'appliquera aux revenus du capital. De même, l'amortissement dégressif est transformé en amortissement linéaire, ce qui signifie que les entreprises pourront toujours faire valoir auprès du fisc une part identique de leurs coûts d'investissement.
CLIMAT ASSEZ SEREIN
A plus long terme, l'Etat espère pouvoir engranger plus de recettes fiscales en incitant les entreprises à faire davantage taxer leurs bénéfices en Allemagne plutôt qu'à l'étranger.
A la différence de la réforme de la santé qui a suscité une vaste polémique, l'accord sur la fiscalité des entreprises est intervenu dans un climat assez serein. "Nous sommes convaincus de ce projet", a souligné M. Steinbrück. "Les deux partenaires de la coalition n'ont pas à avoir mauvaise conscience vis-à-vis de cet accord", a renchéri M. Koch.
Quant aux entreprises, elles semblent y trouver leur compte. Jürgen Thumann, président de la puissante Fédération allemande des industries (BDI), approuve les grandes lignes de la réforme.
En revanche, la directrice de l'Institut du droit fiscal de Cologne, Johanna Hey, s'est montrée déçue par le projet de réforme. Faisant référence aux recettes fiscales records attendues pour 2006 et 2007, l'experte plaide pour un allégement fiscal plus important en faveur des entreprises.
De même, une étude publiée en début de semaine par deux instituts, IFO et ZEW, affirme que le projet de réforme fiscale risque de provoquer une baisse des investissements. Ces experts critiquent notamment les restrictions en matière de déduction d'intérêts.
Cécile Calla
Article paru dans l'édition du 04.11.06