a écrit :Washington se réserve le droit d'utiliser la torture
LE MONDE | 07.02.08 | 09h13
Washington Correspondante
Les démocrates ont demandé, mercredi 6 février, l'ouverture d'une enquête criminelle sur l'utilisation du "waterboarding" par la CIA. La veille, le directeur de l'agence, le général Michael Hayden, avait reconnu que cette pratique, qui consiste à amener le détenu au bord de la noyade, a été utilisée lors des interrogatoires de trois militants islamistes après le 11 septembre 2001.
Intervenant devant la commision du renseignement du Sénat, M. Hayden a été le premier responsable américain à reconnaître l'utilisation du "waterboarding". Les détenus concernés sont trois membres présumés d'Al-Qaida : Khaled Sheikh Mohammed, Abu Zubaydah et Abd Al-Rahim Al-Nashiri. Ils ont subi les sévices en 2002-2003, "en raison des circonstances de l'époque", a dit le responsable. "De nouvelles attaques, catastrophiques, paraissaient inévitables. Et nous n'avions qu'une connaissance limitée d'Al-Qaida et de son fonctionnement. Ces deux réalités ont changé."
Le général Hayden a indiqué avoir interdit le waterboarding en 2006, à son arrivée à la tête de l'agence. Mais cette pratique – qui est condamnée par la Convention internationale contre la torture – n'est pas pour autant illégale en toutes circonstances aux Etats-Unis : le directeur national du renseignement, Mike McConnell, a indiqué qu'elle reste dans la panoplie des méthodes que la CIA se réserve la possibilité d'utiliser à condition d'avoir été spécifiquement autorisée par le président et approuvée par le ministre de la justice. Ces révélations expliquent pourquoi l'attorney général (ministre de la justice), Michael Mukasey, refuse depuis des mois de dire s'il considère que le waterboarding est illégal.
Le sénateur de l'Ilinois Richard Durbin a réclamé une enquête pour déterminer si les responsables qui ont autorisé ces sévices ont violé la loi. Une enquête avait déjà été ouverte sur la destruction des cassettes vidéo réalisées par la CIA pendant les interrogatoires. M. McConnell a reconnu que "poussée à l'extrême", cette technique peut entraîner la mort par noyade.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Tony Fratto, a expliqué mercredi le "processus" que l'administration Bush a mis en place avant de prendre la décision d'utiliser ces "techniques poussées" d'interrogatoire, qui selon lui, ne sont pas une torture. "Les programmes ont été passés en revue et le département de la justice a déterminé qu'ils sont légaux", a-t-il dit.
Il faut d'abord que le directeur de la CIA fasse une proposition au ministre de la justice. Celui-ci examine si le plan proposé est "légal et efficace". La proposition arrive ensuite sur le bureau du président qui consulte ses conseillers et prend une décision. S'il donne son feu vert à l'emploi de ces techniques, les instances concernées à la Chambre et au Sénat (commissions du renseignement et des affaires judiciaires) sont avisées. Ce processus revient à légaliser la torture en cas de circonstances exceptionnelles (le fameux scénario de la bombe à retardement prête à exploser).
Corinne lesnes