En Côte d’Ivoire, depuis un mois, les populations urbaines subissent les délestages. Chaque jour, les coupures d’électricité se succèdent, de plus en plus longues. C'est le signe d’une dégradation économique profonde qui nourrit l'exaspération sociale.
Car si les gens descendent dans la rue, c'est bien plus à cause de la misère et des difficultés de la vie, simplement pour trouver à manger, que pour des raisons liées à l'organisation de la prochaine élection présidentielle.
La fourniture de l'électricité pourrait être perturbée sur l'ensemble du territoire de février à mai 2010, dit-on. Mais rien ne garantit que la panne ne pourrait pas se prolonger plus longtemps.
La raison officielle qui est donnée par les autorités serait " une avarie survenue sur un groupe important du parc de production du réseau électrique ivoirien ". En réalité, les vraies raisons ne sont pas à aller chercher bien loin: la rouille, le délabrement, la vétusteté des infrastructures, la corruption, le détournement des financements. Et voilà comment un pays présenté il y a encore une dizaine d'année comme un modèle de réussite pour la gestion de l'électricité en Afrique en est arrivé à s'éclairer à la bougie...
Mais voila qu'à préent, Abidjan manque d'eau !
a écrit :L'inter - 08 mar 2010
L'eau se fait rare à Abidjan
La misère des Abidjanais n’est pas prête de s’estomper ces dernier temps.
En plus des coupures intempestives de l’électricité, du fait du délestage qu’ils subissent amèrement, c’est l’interruption prolongée de la fourniture en eau, qui s’ajoute actuellement à leurs déboires. Les populations de la capitale économique ivoirienne sont privées d’eau dans plusieurs communes où les habitants peinent à trouver de quoi se rincer même les dents.
Dans la grande et chiche commune de Cocody, cela dure déjà 3 semaines que l’eau est devenue une denrée rare dans des quartiers comme Angré, la Djibi, Star 9. La situation est devenue si dramatique que des riverains n’hésitent plus à violer des règles de sécurité pour s’approvisionner en cette source de vie à travers les bouches d’incendies installées pour les sapeurs-pompiers en cas de danger.
Pour ceux qui en ont les moyens, la solution reste des futs de dizaines de litres qu’ils utilisent pour aller se ravitailler chez des parents dans d’autres communes pour les besoins minimums. Malgré tous ces efforts, l’eau recueillie ne suffit toujours pas, en effet, pour tous les besoins des ménages, dont certains sont contraints à se tourner vers les supermarchés pour s’approvisionner en bouteilles d’eau minérale pour éviter toute contamination.
Dans la commune de Yopougon, la situation est également intenable aux quartiers. Notamment dans les quartiers Maroc, GESCO et Ananeraie où aucune goutte d’eau n’a coulé des robinets depuis bientôt un mois.
Idem dans la commune de Marcory où les populations murmurent de colère, ne sachant où aller se ravitailler en eau, depuis 5 jours aujourd’hui. A Yopougon, cette pénurie est saisie comme une aubaine par des jeunes qui profitent de la situation pour ravitailler des domiciles par des charrettes, mais à des prix exorbitants. A ce jour, la barrique d’eau est vendue par ces jeunes à 1000 F CFA. Un coût que sont obligés de subir les travailleurs, s’ils ne veulent se rendre à leur service sans s’être lavés.
Si les raisons du délestage sont connues, c’est pour le moment un silence total sur ces coupures d’eau. Ces deux faits sont-ils liés ? Toujours est-il que pour l’électricité, le chef de l’Etat est en train de s’attaquer au délestage. Selon des informations émanant de son entourage proche, le président de la République a pris des mesures vigoureuses, qui vont être rendues publique dans les jours à venir sur ce sujet. (Hahahahaha !, ndlr)
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RFI - 02 mar 2010
Les coupures électriques paralysent l'activité économique à Abidjan
Jamais les vendeurs de bougies et de lampes torches ne se sont aussi bien portés à Abidjan. Pour le reste, toute la population de la capitale économique ivoirienne est affectée par les coupures de courant. Adama raconte le quotidien d’un habitant de Treichville:
« On peut nous couper l’électricité quatre fois par jour. Nous qui avons des appareils électroménagers on prend un coup, car les appareils tombent en panne. Et pour ceux qui travaillent avec l’électricité, comme les réparateurs de téléphones cellulaires, les réparateurs de postes audio, les couturiers, tous ceux qui ne peuvent pas travailler sans électricité, leur rendement baisse… Surtout, les tenanciers de maquis [café typique ivoirien] ne peuvent plus jouer de la musique pour attirer les clients. Ils ne font pas leur recette et voilà, ils prennent un coup. »
Ces délestages résultent principalement du manque d’entretien des centrales et de l’absence d’investissement pour construire de nouvelles infrastructures électriques. Dans une ville où l’on était habitué à l’eau courante et à la lumière, cette situation témoigne d’une dégradation économique qui touche aussi les fonctionnaires comme Tantie Thérèse :
« Dans ce pays, on a des problèmes, on n'arrive pas à manger, certains ne peuvent même pas payer un petit peu pour leurs enfants. Notre niveau de vie a baissé à Abidjan. C’est pas moi, c’est tout le monde ! »
Tantie Thérèse veut encore croire à une amélioration mais chez certains jeunes comme Aboubacar, l’espoir a cédé la place à la colère:
« Pas de travail ! On arrive même pas à manger, alors pour ce qui est du travail… Nous on veut manger d’abord. Il n’y a pas de travail, il n’y a rien, de jour en jour tout augmente sur le marché donc vraiment, c’est pas facile. Moi je suis ébeniste, quand j’arrive à faire deux ou trois coups de marteau, que je gagne deux cents francs je sais que ma journée est gagnée. Parce que un vaut mieux que zéro.»
Jadis, l’expression convenue d’un Abidjanais pour exprimer son optimisme était « ça va aller ». Aujourd’hui dans les quartiers populaires, plus personne ne l’emploie.
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Sous le manguier - 16 fev 2010
Les Ivoiriens redécouvrent la lumière des bougies
La Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE) l'avait annoncé. C'est effectif. La Côte d'Ivoire vit, depuis quelques jours et pour quatre mois, au rythme du délestage. Des coupures du courant électrique qui obligent les Abidjanais, quotidiennement plongés dans le noir, à s'éclairer à la bougie ou à la lampe sans compter les conséquences au plan économique et social.
C'est pas possible !", peste un habitant du quartier de Yopougon. Ses paroles de colère sont couvertes par un brouhaha de désolation et de désapprobation qu'on entend de loin. La fourniture du courant électrique vient d'être interrompue. Comme presque tous les soirs, à partir de 19h, ce quartier populaire d'Abidjan vient d'être plongé dans l'obscurité totale.
La galère dans les foyers
Dans ce grand noir, quelques petites lueurs sont perceptibles dans les appartements.
"J'ai dû m'acheter une lampe à pile de fabrication chinoise peu coûteuse parce qu'avec les bougies, un moment d'inattention et un drame peut survenir", indique Pierre Koré, enseignant des lycées et collèges de son état.
Avec sa femme, il a rejoint, au bas de l'immeuble qu'ils habitent, trois autres voisins sortis spontanément prendre de l'air dès la coupure du courant.
"Moi, je suis encore à la bonne vieille bougie. Je n'ai pas encore rencontré les vendeurs de ces produits et ça me revient plus cher parce que les bougies de maintenant fondent comme beurre au soleil. Mais comment faire?", se résigne quelqu'un d'autre dans le groupe.
Cet autre habitant de l'immeuble, Abdoulyae Ouattara, ne décolère pas contre les interruptions de courant. "On ne peut plus regarder tranquillement la télévision le soir venu et il est difficile de dormir sans ventilateur à cause de la grande chaleur qu'il fait en cette période", lance-t-il dépité.
"Moi, j'ai trouvé la parade, je dors au balcon, les portes de l'appartement entrouvertes, et c'est au petit matin que je rejoins ma chambre", indique Pierre Koré.
Les trois hommes et la dame continuent de deviser et apprécient à leur façon la situation.
"En tant qu'enseignant, je n'arrive pas à préparer mes cours normalement mais je plains surtout les enfants contraints d'étudier à la lueur d'une bougie ou d'une lampe", déplore M. Koré.
"Ce qui est grave", selon M. Ouattara, "c'est que les coupures peuvent endommager nos appareils électroménagers avec le retour brutal de l'électricité". "Et pour être remboursé, ce sont de longues procédures qui ne sont même pas sures d'aboutir", intervient l'autre membre du quatuor, coupant la parole à M. Ouattara avant de poursuivre : " Moi, ce qui m'énerve le plus dans tout ça, c'est qu'à la fin du mois, ils vont nous envoyer des factures élevées comme d'habitude".
Pour M. Ouattara qui travaille dans un supermarché de la capitale économique ivoirienne, le délestage rime avec insécurité. "C'est le temps des voleurs et des bandits qui profitent de l'obscurité et du sommeil des honnêtes gens pour sévir", relève-t- il.
"Ça fait près de 30 ans qu'on a pas vécu ce genre de situation ", note songeur M. Koré qui se souvient du dernier délestage en Côte d'Ivoire en 1983. "C'est inimaginable aujourd'hui ! Dans un pays qui vend l'électricité aux pays voisins", rétorque M. Ouattara qui dénonce le manque de prévision et la mauvaise gestion au sommet de l'Etat.
Mme Koré qui sent la causerie virée à la politique recentre le sujet avec ses préoccupations liées à la conservation des aliments. "J'ai l'habitude d'acheter le poisson et la viande pour tout le mois et je crains que ces produits ne pourrissent au frigo", s'inquiète-t-elle avant de se résoudre à faire le marché au quotidien ce qui va lui revenir plus cher.
C'est un bien moindre mal. Les petits artisans et les opérateurs économiques connaissent, eux, une paralysie presque totale de leurs activités et ne savent plus à quel saint se vouer.
Des conséquences économiques dommageables
Adekunlé Bola est vulcanisateur. Il ne peut pas travailler sans électricité. Quand vient la coupure, il reste oisif au milieu de ses pneumatiques et ces heures "creuses" n'arrangent pas ses affaires. Tout comme Rougeot, un coiffeur pour hommes basé dans la commune de Yopougon, qui voit dans le délestage un frein à ses activités.
"On a même pas le temps de prendre deux à trois têtes et le courant se coupe ; quand c'est comme ça, on croise les bras et on attend parfois de longues heures, parfois la demi journée", se lamente Rougeot.
"C'est avec ça que je me débrouille un peu en attendant de trouver mieux et si ça continue vraiment je ne sais pas comment je vais faire", ajoute-t-il revendiquant un brevet de technicien supérieur (BTS) en communication.
"Les affaires ne marchent plus. Avec les coupures, on ne peut pas utiliser la photocopieuse, les clients ne peuvent pas naviguer et on est obligé de fermer. On ne peut même plus faire 5000 francs CFA de recette par jour", se plaint ce gérant de cybercafé.
Mme Antoinette Laga, tenancière de bar à la Rue Princesse, le "coin le plus chaud" de Yopougon, n'estime pas non plus heureuse sa situation actuelle.
"Vraiment, le délestage va nous tuer. Les clients ne viennent plus comme avant. En cette période de grande chaleur, ils recherchent des boissons très fraîches. Avec les coupures, je suis obligée d'acheter de la glace et ils se plaignent que mes boissons ne sont pas fraîches comme il faut et ils se tirent", raconte-t- elle.
Elle indique que des concurrents ont acheté des groupes électrogènes pour alimenter leur réseau électrique quand il y a interruption du courant.
"Un petit groupe électrogène aujourd'hui, c'est pas moins de 300 000 FCFA. Rien ne marche; où je vais enlever l'argent pour faire cet investissement?", s'interroge Mme Laga.
De fait les opérateurs économiques d'un certain calibre ont trouvé la parade qui consiste à s'équiper d'un groupe électrogène quitte à augmenter le chapitre des dépenses.
Mais ce n'est pas une panacée et ce gérant d'hôtel raconte son calvaire. "Le groupe électrogène ne résout pas à 100% le problème. Celui que nous avons ne peut pas faire tourner tous les climatiseurs et on est obligé de rationner sans compter que l'entretien du groupe nous revient cher", indique-t-il.
Les associations de consommateurs sont montés au créneau et interpelle l'Etat. "Avec l'augmentation du prix du carburant à la pompe, le délestage en cette situation sociopolitique critique est un cocktail molotov. La population ne supportera pas longtemps et il faut craindre des manifestations de rue", prévient un responsable d'association.