le procès de Ghislaine Joachim-Arnaud

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Message par Ottokar » 16 Déc 2010, 08:18

Le procès de la secrétaire de la CGTM s'est ouvert à Fort de France. Compte rendu de France Antilles
a écrit :Ghislaine Joachim-Arnaud, secrétaire générale de la CGTM comparaît devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France pour incitation à la haine raciale et provocation à la discrimination suite à une plainte déposée par l'association Respect Dom et Jean-François Hayot.  La justice lui reproche d'avoir écrit sur le livre d'or de l'émission « Le Club » d'ATV : « Matinik sé ta nou, an band béké, profitè, volè, nou ké fouté yo dèwo, komba ta la nou ké kontinyé ». Suivez le procès ici.
14 heures 30 : Ambiance survoltée

Ambiance survoltée devant le palais de justice. Les policiers, en renfort depuis le matin, filtrent les entrées. Face à eux, près de 200 manifestants qui, en reprenant le slogan « Matinik sé ta nou, matinik sé pa ta yo. An band béké profité volé nou ké fouté yo deyo ! », tentent de forcer l'accès à tout prix. Au final, seuls Ghislaine Joachim-Arnaud, le secrétaire général de la CGTM poursuivie pour « provocation et incitation à la haine raciale », une poignée de témoins et une cinquantaine de sympathisants accèdent à la salle d'audience.

14 heures 50 : Visionnage de l'émission « Le Club »

Ghislaine Joachim-Arnaud à la barre. Après avoir décliné son identité, la syndicaliste s'installe sur le banc des prévenus. L'audience démarre le visionnage sur écran géant de l'émission « Le Club » sur ATV du 22 mars 2009 où elle était l'invitée. C'est à la fin de celle-ci qu'elle avait signé le livre d'or de l'émission du slogan : « Matinik sé ta nou, matinik sé pa ta yo. An band béké profitè volè nou ké fouté yo deyo ! ». Cette phrase, précisément, déjà prononcée en fin d'interview et qui lui vaut aujourd'hui d'être poursuivie par la justice.


15 heures 50 : « Je ne me sens nullement coupable »

Ghislaine Joachim Arnaud est appelée à s'expliquer devant ses juges. La présidente a une « quasi unique question » : « Pourquoi avoir formulé ces écrits et, près de deux ans plus tard, que pensez-vous de ces propos? ». La militante syndicaliste, ouvre un dossier et débutera lecture d'un discours minutieusement préparé. Une vraie tribune. Elle voit dans son procès « le prolongement sur le plan judiciaire » de ce qu'a été le conflit social de 2009.
Selon elle, la plainte déposée par Jean-François Hayot au nom de l'association Respect Dom à son encontre est « fallacieuse ».

« Ce n'est pas à moi et à l'ensemble de la masse laborieuse de montrer son non-racisme » mais aux grands patrons. « Oui, c'est parfaitement scandaleux que ceux qui se trouvent dans le camp des dominants accusent ceux qui se rebellent, qui n'acceptent pas, de racisme. Pour eux, un bon salarié, c'est un salarié qui ne fait jamais grève. Mais ça aussi, ça change. Les salariés ne sont plus des victimes consentantes mais ont décidé de se donner les moyens de se battre ».

Plus tard, la pasionaria de la lutte ouvrière indique : « Nous faisons une distinction de classes et non de races ».
Sur le terme béké, elle estime qu'il désigne les exploitants. « Il n'y a pas de race, pas d'ethnie béké mais c'est la position sociale que nous désignons », se défend-elle.
Elle réfute les accusations de racisme dont elle fait l'objet mais veut renverser les rôles. « Qui est raciste ou ne l'est pas à la Martinique ? Qui a son ghetto de blanc au Cap-Est ? Qui a dit qu'il fallait préserver sa race ? Non, tous les békés ne sont pas des voleurs et des exploiteurs », concède-t-elle pourtant.
Mais pour la secrétaire générale de la CGTM, ceux qui se sont sentis concernés sont « les exploiteurs ». « Certains békés ont soif de revanche et voudraient, au moins sur le plan judiciaire, nous faire passer un mauvais moment », estime-t-elle.
Aux magistrats, elle indique ceci : « Vous ne pouvez pas juger en faisant abstraction du contexte historique et social de la Martinique. Entre la masse salariale et ceux qui dirigent, il existe un contentieux bien loin d'être apuré ». Loin de se considérer coupable de ce dont on l'accuse, elle considère au contraire représenter « le fond de la pensée de l'écrasante majorité de la population martiniquaise quant à leurs relations avec les moyens et gros patrons qu'ils désignent sous le terme béké ».
« Non, je ne me sens nullement coupable de ce procès mais je suis désignée pour porter la seule accusation juste contre ces patrons qui entendent disposer des salariés comme des accessoires jetables ».
Fin de la lecture.

16 heures 25 : « Pourquoi béké et pas patron ? »

Christphe Niel, le procureur de la République s'interroge. « Puisque, selon vous , le terme béké désigne les patrons, pourquoi ne pas utiliser le terme patron ? ».

- Elle répond : « C'est toute l'histoire de la Martinique. Pendant longtemps, le pouvoir économique a été détenu par cette classe sociale ».

- « Mais n'y a-t-il pas un risque de confusion dans l'esprit des gens lorsque l'on parle de békés pour évoquer les capitalistes ? ».

- « Non, je fais la différence. Il y a les békés patrons voleurs, exploiteurs. Et les békés comme ma collègue, par exemple. Dans la rue, quand les gens parlent entre eux et veulent désigner le patron, ils parlent du béké ».

- « Est-ce que vous ne pensez pas que ce discours a pu entraîner des excès? Vous n'êtes pas poursuivi pour racisme mais pour incitation à la haine ? », insiste le procureur.

- « Non, parce que toute l'analyse que je fais de la société, c'est d'amener les gens à être responsable », se justifie-t-elle.


16 heures 37 : « Un slogan repris par des milliers de manifestants

Le bâtonnier Constant, à la défense, lui demande, presqu'avec ironie si elle est à l'origine du slogan. Tout en posant ses questions à sa cliente, il rappelle que celui-ci a été proféré par des milliers de manifestants. « Pouvez-vous me dire combien de békés ont été tués ou assassinés suite à ça ? », poursuit-il. Elle rappelle, comme depuis le début d'audience, que lorsqu'elle scandait les slogans des gens de la rue, elle pensait « patrons » en parlant des « békés ».


16 heures 45 : « Tenir compte du contexte »

Le tribunal fait venir les premiers témoins cités par la défense de Ghislaine Joachim Arnaud. Un militant syndicaliste de la CGT de l'hexagone se présente en premier. « Pour la connaître, je sais qu'elle est l'inverse de ce qui lui est reproché. C'est comme si, pour vous, femme de justice, on vous disait que Robert Badinter est un coupeur de têtes », indique-t-il à la présidente du tribunal, au nom de toute la CGT de France.
Vient Michel Monrose, le président du collectif du 5 février au moment des événements. « J'ai envie de vous dire mon étonnement. Ce sont des propos que la population martiniquaise scandait dans la rue. Les propos identiques ont été tenus en Guadeloupe. Quand Monsieur Besancenot ou Madame Laguiller parlent des banquiers ou des capitalistes, ils disent à peu près la même chose que nous sauf que nous le disons en créole. Notre langue est née dans l'adversité. Les paroles our lesquelles ma camarade est poursuivie viennent de l'expression profonde du peuple. J'ai eu à scander des propos identiques. Il faut tenir compte du contexte très particulier de l'endroit où l'on juge ».

17h45 : Suspension des débats et reprise à 19 heures avec les deux derniers témoins : Philippe Pierre-Charles et Daniel Gromat.
Ottokar
 
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