la révolte en Syrie

Dans le monde...

Message par yannalan » 18 Nov 2011, 18:07

oui, c'est très compliqué et beaucoup jouent sur deux tableaux...
yannalan
 
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Message par Oel » 21 Nov 2011, 21:22

Bonsoir,
il a beaucoup d'alaouites en Syrie ? Car le peuple a l'air d'avoir du mal de se débarasser de Bachar, je me disais que peut-être qu'il y avait un fort soutien alaouite..., ou qu'il y avait moins de mécontentement populaire qu'en Tunisie/Egypte, et ca a l'air de moins intéresser les impérialistes en plus (même si quand même, surtout qu'Al-assad fait moins de concessiosn que Kad la dessus).
Oel
 
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Message par yannalan » 22 Nov 2011, 10:31

Pour les alaouites, les stats varient de 10 à 20%, il y a aussi des chrétiens dans des proportions analogues. Tous ne sont pas enchantés, c'est le moins qu'on puisse dire à l'idée de voir arriver les "barbus" et le régime joue de ça. De plus les alaouites sont très présents dans les unités spéciales de l'armée, les services secrets et le Parti.
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Message par abounouwas » 23 Nov 2011, 21:31

un article du Canard d'aujourd'hui parle de la France et de la Grande-Bretagne qui entraîne(raie)nt des soldats Syriens (rebelles). La Turquie pourrait être associée à ce soutien aux partisans d'un renversement du régime d'Asad. on parle d'une zone d'exclusion (aérienne), d'une partie du nord du pays passant sous contrôle étranger (onusien) pour accueillir les réfugiés. cependant, tout n'est pas si simple, car si beaucoup de Syriens sont mobilisés, beaucoup redoutent aussi l'implosion du pays (scénario malheureusement très envisageable).
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Message par abounouwas » 06 Fév 2012, 10:30

bientôt un an que la répression du régime syrien se poursuit, sans venir à bout de la révolte. depuis vendredi, l'artillerie pilonne Homs. Les images font froid dans le dos. Et comme toujours, les amis d'hier sont les ennemis d'aujourd'hui...



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Message par abounouwas » 17 Fév 2012, 15:21

a écrit :L'intégralité du débat avec Jonathan Littell, écrivain de retour d'une série de reportages pour "Le Monde" à Homs, vendredi 17 février 2012
Mehdi B. : Comment se présente la situation humanitaire à Homs? Comment apporter de l'aide ?

Jonathan Littell : La situation humanitaire est catastrophique dans les quartiers de l'opposition, sous attaque depuis treize jours. Il n'y a plus de pain et très peu de nourriture. Il y a deux jours, des militants qui tentaient de livrer des produits de base à Baba Amro ont été tués dans leurs véhicules. Par contre la solution ne passe pas par l'aide humanitaire mais par un arrêt des bombardements pour que les approvisionnements normaux puissent reprendre leur cours.

Bobo : Quel est le moral des rebelles, presque un an après le début du soulèvement ?

Jonathan Littell : D'après ce que j'ai vu, il est plutôt bon. D'un côté, les manifestants sont désespérés par la passivité de l'Occident. Mais de l'autre, la montée en force de l'Armée syrienne libre leur donne espoir de pouvoir faire chuter le régime par leurs propres moyens. Les désertions se multiplient et l'ASL se renforce tous les jours.

Lula : Pensez-vous que les rebelles de Homs puissent résister encore longtemps ?

Jonathan Littell : Je pense qu'ils peuvent résister quasi indéfiniment. Ces bombardements ne semblent pas être le prélude d'une offensive terrestre. Comme en a témoigné le photographe Mani l'autre jour, l'armée semble avoir peur de tenter d'entrer dans les quartiers. Les bombardements tuent énormément de civils, mais ne semblent pas affecter les capacités de l'Armée syrienne libre. En outre, l'ASL pense qu'en cas de combats directs, beaucoup de soldats de l'armée feraient défection. C'est un risque que l'armée ne semble pas pouvoir prendre.

Ludovic :  De l'extérieur, le soulèvement semble très désorganisé. Est-ce une réalité ou y a-t-il une quelconque forme de structure ? L'opposition est-elle plus unie que la perception que l'on en a ?

Jonathan Littell : Je crois qu'il y a un réel décalage entre l'opposition à l'extérieur et à l'intérieur du pays. A l'extérieur, on assiste au jeu des partis politiques en compétition pour l'après-Bachar. A l'intérieur, par contre, il y a une très forte coordination populaire via les comités, mais cela reste au niveau local. C'est plus apolitique mais cela dépasse rarement le niveau du quartier.

Baris : Des combattants rebelles viennent-ils d'autres pays ?

Jonathan Littell : Je n'en ai pas vu à Homs.

Anais : Pensez-vous que la résolution adoptée par l'ONU aura un réel impact sur les événements à venir ?

Jonathan Littell : Non. Tant que les puissances occidentales et arabes acceptent d'être limitées dans leur réaction par le veto russe et chinois, il n'y aura aucune solution venant de l'international, les Syriens devront se débrouiller seuls.

Mutanabbi : Quelle est la position des chrétiens dans cette terrible répression ?

Jonathan Littell : Dans l'ensemble, neutres et attentifs. Les chrétiens sont inquiets pour l'avenir et la propagande gouvernementale fait tout pour renforcer cette inquiétude en diffusant constamment des sujets sur la violence antichrétienne en Irak ou en Egypte. Par contre, dans la campagne autour de Homs, j'ai vu des villages chrétiens qui soutiennent discrètement le soulèvement en fournissant une aide logistique à l'Armée syrienne libre. Je pense qu'il faut faire une distinction entre les positions des dignitaires chrétiens proches du régime et celles des populations chrétiennes dans les villes et les villages.

Bobo : Vous sentiez-vous en sécurité auprès des rebelles ?

Jonathan Littell : En sécurité par rapport aux rebelles, oui tout à fait. Mais bien sûr pas en sécurité par rapport aux bombardements et aux snipers de la défense gouvernementale.

Guest : Les civils sont-ils armés ?

Jonathan Littell : De plus en plus de civils rejoignent l'Armée syrienne libre mais restent, d'après ce que j'ai vu, une minorité au sein de l'ASL. Il y a aussi des communautés qui ont toujours été traditionnellement armées, comme notamment les Bédouins. Là, on peut voir des groupes incontrôlés qui se rendent coupables d'exactions en dehors du contrôle de l'ASL.

Isabelle :  Comment la population parvient-elle à communiquer ?

Jonathan Littell : Avant le 3 février, les téléphones portables fonctionnaient à Homs, donc cela ne posait aucun problème. Depuis, les communications sont extrêmement limitées. Certains activistes disposent de connexions satellitaires leur permettant de communiquer par Skype ou par mails, mais ils sont peu nombreux.

Guest : Les rebelles reçoivent-ils des armes de l'extérieur ?

Jonathan Littell : Oui, certainement. Par contre, la source est très difficile à préciser. Il est évident que de riches hommes d'affaires syriens soutiennent le soulèvement et sans doute financent les achats d'armes et de munitions. Quant à savoir si des gouvernements étrangers soutiennent militairement le soulèvement, je suis incapable de le dire.

Il faut aussi savoir que l'Armée syrienne libre obtient la majorité de ses armes et de ses munitions directement de l'armée régulière, soit en les achetant, soit en bénéficiant de complicités au sein de l'armée.

Emma : Quel est le rôle des islamistes dans ce mouvement ?

Jonathan Littell : Sur le terrain, je n'en ai vu aucun. Maintenant, il faudrait savoir ce que l'on entend par "islamistes". Les sunnites de Homs sont des gens extrêmement pieux et conservateurs et manifestent ouvertement une foi profonde. Je ne pense pas que cela en fait des islamistes. Ensuite, il y a les Frères musulmans qui dominent le Conseil national syrien et qui proposent une option politique proche de celle de l'AKP turque, et que l'on pourrait qualifier de "démocratie musulmane", de la même manière qu'en Europe, nous avons des démocrates chrétiens. Quant aux djihadistes, certaines sources notamment américaines affirment qu'ils sont déjà présents en Syrie, mais pour ma part, je n'en ai vu aucun signe. Et les officiers de l'ASL avec qui j'étais en contact récusaient tout lien avec eux pour le moment.

Macaron : Faut-il armer les rebelles comme en Libye ?

Jonathan Littell : Je préfère rester dans le domaine factuel et ne pas exprimer d'opinion. Ce que je peux dire, c'est que les officiers de l'Armée syrienne libre, eux, demandent l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en priorité, car cela permettrait la mutinerie de régiments entiers lourdement armés. La menace de l'aviation de Bachar Al-Assad a empêché de telles mutineries. Mais une zone d'exclusion aérienne résoudrait ce problème.

Hélène : Dans quel cadre et sous quelle protection vous êtes-vous rendu à Homs ?

Jonathan Littell : Je m'y suis rendu avec le photographe Mani en tant qu'envoyé spécial du Monde. A cause du refus des autorités syriennes d'admettre des journalistes librement sur leur territoire, nous avons dû entrer en Syrie clandestinement. Pour cela, nous avons été aidés et protégés par l'Armée syrienne libre.

Baris : Des alaouites figurent-ils parmi les rebelles ?

Jonathan Littell : Oui. L'exemple le plus connu est l'actrice allaouite Fadwa Souleimane, qui a rejoint les rebelles à Homs. J'ai aussi rencontré quelques soldats de l'Armée syrienne libre qui sont alaouites. Mais c'est vrai qu'ils sont peu nombreux. Néanmoins, leur présence est importante symboliquement.

Mathilde : Quelle est la situation dans les hôpitaux de Homs ?

Jonathan Littell : Les hôpitaux publics sont occupés par les forces de sécurité et ont été transformés en centres de torture. Les opposants blessés ne peuvent y attendre aucun soin. Il y a ensuite des cliniques privées mais celles-ci sont constamment soumises à la pression des forces de sécurité et les blessés qui y sont soignés risquent en permanence d'être arrêtés et torturés. J'ai recueilli un grand nombre de témoignages catégoriques à ce sujet. Y compris de médecins forcés de participer à des exactions, avant de faire défection.

Roger : Existe-t-il à moyen terme des risques d'éclatement en interne au sein des rebelles et de la population face aux problèmes d'approvisionnement et d'accès aux soins ?

Jonathan Littell : Ce que j'ai pu constater, c'est que la population dans les quartiers d'opposition est remarquablement soudée et motivée. Maintenant, il est évident que le régime joue la carte de l'affrontement interconfessionnel. Plus la répression durera, plus le risque d'un embrasement sectaire deviendra important. Le régime espère pouvoir sauver sa peau ainsi, mais cela pourrait être au prix de la destruction du pays.

Jean-François : Le renversement de Bachar Al-Assad vous semble-t-il inévitable ?

Jonathan Littell : Oui, sous une forme ou sous une autre. La communauté internationale continue de tendre des perches pour assurer une transition plus ou moins pacifique, mais Bachar Al-Assad semble catégoriquement refuser toutes ces offres. Je pense néanmoins que le régime est condamné, car même une dictature, aussi féroce soit-elle, a besoin de l'assentiment d'une majorité de sa population.

En Syrie, le régime n'est plus réellement soutenu que par la communauté alaouite. Les autres communautés sont soit ouvertement en révolte soit dans une position d'attente. Bachar Al-Assad ne pourra jamais remettre le couvercle sur la marmite.

Guest : Les rebelles sont-ils désormais majoritaires dans la population ?

Jonathan Littell : C'est très difficile à dire, car le soulèvement suit des dynamiques différentes selon les régions. A Homs, qui est une ville extrêmement mélangée ethniquement, je dirai que plus de la moitié de la population est soulevée. Dans une bourgade comme Qusayr, à trente kilomètres de Homs, c'est la population entière qui est en révolte. Cela dépend donc vraiment des régions.
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Message par Oel » 17 Fév 2012, 18:32

Il faudra que je me procure vite le bouquin de Michel Collon, au moins avant l'intervention occidentale
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Message par abounouwas » 02 Mars 2012, 15:37

a écrit :A propos de la Syrie


jeudi 23 février 2012, par Alain Gresh

Dans une conversation téléphonique entre le président russe et le roi saoudien, ce dernier a affirmé à son interlocuteur que tout dialogue sur la Syrie était « maintenant futile » (agence de presse saoudienne, 22 février 2012). Qu’est-ce à dire ? Que la seule voie possible est celle de l’intervention militaire ? Qu’il faut armer l’opposition ? Il semble bien que c’est dans cette direction que s’oriente la réunion des amis de la Syrie qui se tient vendredi 24 février à Tunis.

Le soulèvement en Syrie, qui va bientôt entrer dans sa seconde année, pose des questions dramatiques auxquelles il n’existe pas de réponses simplistes — à moins de jouer la politique du pire. Il faut rappeler ce que le renversement de Saddam Hussein par les Etats-Unis a coûté, coûte et continuera de coûter aux Irakiens dans les prochaines décennies.
Les causes de la révolte

La révolte en Syrie est née des trois mêmes causes qui ont provoqué, du Maroc à l’Irak, des mouvements de contestation :
— le refus d’un régime autoritaire, de l’arbitraire total de l’Etat et de ses services de répression, de la banalisation de la torture ;
— l’ampleur de la corruption – l’ouverture économique (largement encouragée par l’Occident) ayant abouti à l’accaparement des richesses nationales par une mafia autour du chef de l’Etat –, la richesse ostentatoire d’une petite caste contrastant avec une pauvreté qui accompagne le désengagement de l’Etat (voulu aussi par les conseillers occidentaux) ;
— le poids de la jeunesse. La génération la plus nombreuse de l’histoire qui arrive à l’âge adulte dans les pays arabes et qui, bien que mieux éduquée, ne dispose pas des moyens d’une insertion sociale – du travail, mais pas seulement, également l’exercice des responsabilités – à la hauteur de ses aspirations.

Ces trois facteurs ont permis une victoire rapide des mouvements en Tunisie et en Egypte, plus difficile au Yémen. Il a fallu l’intervention des forces militaires de l’OTAN, qui ont largement brisé le cadre du mandat de la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU, pour venir à bout du colonel Mouammar Kadhafi. A Bahreïn, le mouvement a été contenu par une intervention des chars saoudiens, mais continue à s’exprimer avec force. Ailleurs, un mélange de concessions politiques (Maroc) et de largesses financières (Algérie, Arabie saoudite) a permis — mais pour combien de temps ? — de contenir la contestation.

Qu’en est-il de la Syrie ? Le président Bachar Al-Assad, qui disposait au départ d’un certain capital de popularité, a cru que la politique régionale menée par son pays (son opposition à Israël et aux politiques des Etats-Unis) le mettrait à l’abri. Il s’est totalement trompé et, au fil des mois, il a tenté de présenter la contestation pacifique comme militarisée, manipulée de l’étranger, dont le but serait de faire disparaître un régime qui s’oppose aux ambitions israéliennes et américaines. Par son refus de s’engager dans des réformes sérieuses et un dialogue avec l’opposition, par son usage indiscriminé de la violence contre des manifestations qui, pour l’essentiel, restaient pacifiques, par un usage généralisé de la torture, il a contribué à la montée de la violence, au passage d’une partie de l’opposition à la lutte armée ; il a, d’un même mouvement, favorisé les ingérences qu’il prétendait vouloir combattre (lire « Jours de tourmente en Syrie », Le Monde diplomatique, août 2011).

Par-là même, il a aidé les desseins de ceux qui ne visent pas à la réforme (ni évidemment à l’instauration d’un régime démocratique), mais préparent une offensive contre l’Iran et espèrent faire tomber avant son principal allié arabe.

Qui peut croire une seconde, en effet, que le régime saoudien cherche à instaurer la démocratie à Damas, lui qui ne reconnaît aucune assemblée élue ? Lui dont le ministère de l’intérieur vient de déclarer que les manifestations dans l’est du pays étaient « une nouvelle forme de terrorisme » ?

Qui peut penser que les libertés sont le motif des déclarations des Etats-Unis, eux qui n’hésitaient pas à envoyer des « terroristes » arrêtés par eux se faire interroger en Syrie (pratique connue sous le nom anglais de rendition), parce que ce pays utilisait la torture ?

Qui peut croire que la démocratie est le souci de Nicolas Sarkozy, lui qui recevait Bachar Al-Assad à Paris en juillet 2008 et lui rendait visite en septembre, soutenait les dictateurs tunisien et égyptien et ne disait mot du massacre de Gaza lors de l’invasion israélienne de décembre 2008 ? Une petite anecdote significative : en ce temps-là, les journalistes du Figaro avaient reçu pour instruction de leur direction de ne plus évoquer dans leurs articles les prisonniers politiques en Syrie.

Pour tous ces pays, et pour Israël (lire ci-dessous), l’objectif est de renverser un régime allié de l’Iran, dans le cadre de la préparation d’une offensive contre ce pays.

Il est évident désormais que nombre de forces, y compris au sein du Conseil national syrien (CNS), poussent à l’intervention militaire, appuyée sur une formidable campagne médiatique.

La bataille pour la Syrie est aussi une bataille de propagande. Le régime l’a perdue depuis longtemps, tant ses affirmations sont souvent grotesques, ses mensonges patents et ses pratiques barbares. Pour autant, les informations qui déferlent 24 heures sur 24 sur toutes les chaînes de radio et de télévision, et qui n’ont souvent qu’une seule source, l’opposition à l’extérieur du pays, sont-elles vraies ? Longtemps les médias ont rejeté les informations sur la mort d’officiers et de policiers, elles sont aujourd’hui avérées ; depuis un an, régulièrement, les médias annoncent que la contestation a atteint Damas. On ne peut que regretter la mort de deux journalistes à Homs et rappeler que le régime, en interdisant la plupart du temps aux journalistes de venir ou de se déplacer, contribue à ce qu’il prétend dénoncer.

On trouvera ici un rapport qui, certes, peut être contesté sur tel ou tel de ses points, mais offre une enquête sur le terrain qui aurait mérité un peu plus d’attention : « Syrie, une libanisation fabriquée », CIRET-AVT et CF2R, 11 février 2012.

Militarisation

A Homs, le comportement des troupes du régime est inacceptable ; elles visent à réduire, non la ville tout entière, mais les quartiers sunnites qui se sont rebellés. Car l’armée fait face à des combattants souvent dévoués et prêts à se battre jusqu’au bout, avec le soutien d’une partie de la population. Si cela explique la violence des combats, la situation ne justifie évidemment pas les exactions du régime. Il est toutefois intéressant de noter que les arguments utilisés contre le Hamas en décembre 2008-janvier 2009 (« ils prennent en otage la population en se cachant parmi elle ») ne sont pas repris dans le cas syrien ; espérons qu’ils seront aussi abandonnés lors de la prochaine attaque israélienne...

Une des dimensions les plus dangereuses de ce conflit tient aux risques de sa transformation en affrontements « confessionnels ». Il serait faux de dire que tout se réduit, en Syrie, à une appartenance religieuse ou communautaire : il existe des alaouites qui soutiennent l’opposition, et des sunnites qui préfèrent le régime aux insurgés. Mais le pouvoir, s’appuyant sur sa base alaouite, a incontestablement avivé les tensions. De son côté, l’opposition — ou certaines de ses composantes, notamment le CNS — n’est pas en reste et se montre incapable d’offrir des garanties sérieuses pour l’avenir. Personne ne semble remarquer comment les Kurdes, par exemple, qui furent parmi les premiers à manifester (notamment pour obtenir des documents d’identité) se tiennent désormais à l’écart, choqués par le refus du conseil national syrien de reconnaître leurs droits (Dogu Ergil, « Syrian Kurds », Zaman, 21 février). Pour sa part, le régime semble vouloir relancer les activités du PKK, un parti qu’il avait utilisé dans son affrontement avec la Turquie dans les années 1990 et qui reste très populaire parmi les Kurdes de Syrie.

Par ailleurs, le CNS est contesté par nombre d’opposants, qui l’accusent d’être dominé par les islamistes, avec quelques figures pro-occidentales pour parler aux médias. Ainsi, un nouveau groupe vient de se créer, le Mouvement national pour le changement (MNC), dirigé par le Dr Ommar Qurabi, ancien président de l’organisation syrienne pour la défense des droits humains (İpek Yezdani, « Syrian dissidents establish new bloc », Daily News, 21 février). Il reproche au CNS de refuser des militants alaouites ou turkmènes.

D’autres communautés, notamment les communautés chrétiennes mais aussi druze (lire Phil Sands, « Syria’s Druze community : A silent minority in no rush to take sides », The National, 22 février) hésitent, non par sympathie pour le régime, mais par crainte du chaos qui résulterait de sa chute sans négociations.

Car la militarisation du conflit est en marche, et porte avec elle les germes d’une guerre civile (peut-être la seule voie de sortie pour le régime). Un reportage du quotidien libanais Daily Star (23 février) sur l’Armée syrienne libre (ASL) confirme deux éléments que la presse occulte souvent : cette armée a des bases au Liban (et d’ailleurs aussi en Turquie) ; elle n’hésite pas aux représailles confessionnelles, en tuant des alaouites par vengeance (« FSA soldier in Lebanon discloses tactics »). De même, des combattants irakiens se sont joints aux insurgés syriens (lire Tim Arango et Duraid Adnan, « For Iraqis, Aid to Rebels in Syria Repays a Debt », The New York Times, 12 février 2012), y compris des membres d’Al-Qaida, ce qu’a confirmé le département d’Etat américain.

Nous sommes dans une impasse. L’opposition — ou plutôt les oppositions — est incapable de renverser le régime, et le régime est incapable de venir à bout de l’opposition. On peut même dire que l’avenir du régime est scellé et qu’il n’en a plus que pour quelques mois. La question est donc de savoir si le pays va s’enfoncer dans la guerre civile ou connaître une forme de transition politique qui nécessite, que l’on le veuille ou non, un dialogue.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le veto des dirigeants russes et chinois à la résolution du conseil de sécurité des Nations unies du 4 février. Le texte avait été amendé pour tenir compte d’un certain nombre de leurs objections mais il continuait à demander le retrait des troupes gouvernementales des villes sans parler de l’opposition armée, et à faire référence au plan de la Ligue arabe, imposé par l’Arabie saoudite, qui impliquait la mise à l’écart de Bachar Al-Assad. Cette résolution pouvait-elle servir de couverture à une intervention militaire ? De toute évidence, c’est ce qu’ont craint Moscou et Pékin, échaudés par le précédent de la résolution 1973 sur la Libye. On peut comprendre leurs soupçons, tant les déclarations françaises et autres laissent entrevoir une action armée sous prétexte de protéger les populations.
La voie de la négociation

Alors, faut-il ne rien faire ? Non. Mais les possibilités ne se réduisent pas à la seule option militaire. D’une part, les pressions sur la Syrie, notamment dans le domaine économique, existent (elles peuvent être renforcées à condition de cibler les dirigeants, pas la population) et amènent déjà une partie de la bourgeoisie qui soutient le régime à s’interroger. D’autre part, les premières missions de la Ligue arabe, malgré les difficultés, avaient servi à limiter la violence ; c’est l’Arabie saoudite qui a obtenu leur retrait (il faut lire le rapport qu’elles ont publié ; il n’a rien à voir avec ce qu’on en a dit dans les médias, à tel point que ce texte a été longtemps caché) ; il faudrait, au contraire, obtenir que ces missions reprennent et s’étendent. Enfin, contrairement à ce qui s’écrit, ni les Russes ni les Chinois n’ont donné un feu vert à Assad, mais tentent de faire pression sur lui. Comme le rapporte un journal libanais bien informé, les autorités syriennes se sont abstenues, sous la pression des Russes, d’utiliser l’aviation et d’autres armes de guerre à sa disposition, dans leur actuelle répression – de ce point de vue, on n’est pas dans la situation de Hama en 1982 (Al-Akhbar, 22 février 2012).

La voie de la négociation est étroite et prendra du temps. En attendant, des gens meurent… Mais une intervention militaire ferait encore plus de victimes.

De plus, mentionnons un intéressant article de Efraim Halevy, ancien directeur du Mossad et ancien conseiller national à la sécurité, paru dans le International Herald Tribune du 7 février sous le titre « Iran’s Achilles’ Heel ». Il explique, en substance, que le renversement du régime de Damas permettrait d’éviter l’alternative désastreuse : bombarder l’Iran ou intensifier les sanctions, ce qui pourrait pousser le prix du baril au-delà du supportable. En privant Téhéran de son allié syrien, en revanche, on l’affaiblirait considérablement.
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Message par abounouwas » 03 Mars 2012, 23:12

pour l'essentiel, s'il y a vraiment un truc à reprocher au papier de Gresh, c'est la conclusion, mais il n'y a rien d'étonnant à cela.
en ce qui concerne les "révolutionnaires", là encore, on ferait peut-être mieux de pas tout mélanger. qui a des armes ? qui est dans la rue ? quelles sont les organisations militantes ?
des interrogations légitimes qui ne remettent pas en cause les évidentes raisons qu'a la population de haïr ce régime et de vouloir s'en débarrasser. le problème c'est comment ? sur quelles bases politiques ? si c'est pour se récolter une dictature barbue à la place d'une dictature Assad, je vois pas ce qu'elle y aura(it) gagné.
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