Biélorussie

Dans le monde...

Message par Crockette » 30 Juil 2011, 18:20

Voilà ce sujet m'a inspiré lorsque j'ai vu que lors du match de foot france -biélorussie, les médias français s'étaient moqués (avt le match) de la vestusté du stade et surtout de truc rétrogrades comme la statue de lénine...sur des places centrales...


du coup je vois/wikipédia que le pays est gouverné par un dictateur communiste ds le pur jus de l'époque soviétique...mais que ce gouvernement est appuyé par un pc officiel dirigé par une femme.

Que ds l'opposition on trouve un parti communiste qui n'hésite pas à faire des alliances avec des partis capitalistes libéraux voir nationalistes...


alors c'est quoi ce bin's j'y comprends rien, si qqn pouvait m'éclairer sur la situation politique de ce pays et en particulier des orgas communistes voir trotskistes, ça serait super sympa...
Crockette
 

Message par Vania » 30 Juil 2011, 21:22

Je connais mal le paysage politique biélorusse. Je sais par contre que la Biélorussie est sans doute la seule des républiques d'ex-URSS à avoir conservé une économie largement étatisée, et il y existe même encore des kolkhozes et des sovkhozes. Cette agriculture encore étatisée a permis de maintenir des prix alimentaires relativement bas, donc un accès aux aliments de base plus aisé pour la population que dans d'autres républiques d'ex-URSS. Ceci a peut-être joué un rôle dans la stabilité du régime. Cependant, depuis quelques mois, la monnaie biélorusse a perdu beaucoup de sa valeur, entraînant une forte inflation et mettant y compris en danger les finances de l'Etat. Il est question d'une intervention du FMI. La Russie essaie elle aussi de se placer comme éventuel créancier. Avec cette crise financière aigüe, c'est peut-être la fin de l'économie étatisée qui se profile, celle y compris d'une agriculture encore collectivisée, et donc d'un accès aux aliments de base qui jusqu'à hier était plus aisée à un travailleur biélorusse qu'à un travailleur ukrainien, par exemple. Je n'ai pas d'autres éléments pour dresser un portrait du pays. Mais ces questions m'intéressent beaucoup. De l'ex-URSS, bien souvent, nous ne connaissons qu'un peu la Russie, et de l'évolution des autres républiques, il est difficile de se faire une idée.
Vania
 
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Message par Crockette » 02 Août 2011, 11:52

moi aussi ça m'interesse : certes c'est un dictaeur, mais de là à créer un parti communiste qui se joint aux orgas capitalistes libérales voir aux nationalistes, je me dis que c'est incroyable ce genre d'alliance..meme si je sais que le PCF serait capable de faire cela aussi...
je sais aussi quela biélorussie doit achter son gaz à la russie et ça la rend dépendante...malgré ses immenses forets...ça résoud pas le problème des centrales électriques.

mon point de vue est étayé par mon voyage ds les pays de l'est avt la chute du mur, mais le hasard m'influence aussi : la semaine dernière j'ai vu un reportage TV sur un baroudeur-animateur qui faisait une visite de l'hémisphère nord en passant par la russie jusqu'à la norvege,

je précise que le but de son voyage n'était pas politique mais géographique, ethnique et surtout culturel...


l'animateur n'a pas hésité à dire que ds ne nombreux villages ds le nord de la russie, la nostalgie du régime soviétique est grande...des fetes sont encore régulièrement faites pour se rappeler l'époque de l'URSS...
certes cest une population au-delà 50ANS,puisque les jeunes partent tous travailler à des centaines de kilomètres "le capitalisme exige la mobilité" a dit l'animateur..


alors je précise une chose primordiale : la nostalgie ne se fonde pas sur Staline etc. elle se fonde sur une convergence de plusieurs critères les voici :

- une vie du village plus dynamique avec de nombreux emplois publics ds le domaine de la foret ce qui permettait à bcp de jeunes de rester.
- une couverture sociale générale et pour tous (aujourd'hui les anciens doivent aller ds la foret ramasser des plantes pour tenter de se soigner, comme au moyen-age)
- un état d'esprit plus solidaire, conviviale entre les habitants
- un meilleur partage de la terre où tout le monde se sentait l'égal de l'autre grace aux kolkozes (ou aux sovkoze je sais plus)
Crockette
 

Message par Vania » 15 Août 2011, 13:20

Boujour, Crokette. Et désolé de répondre si tard.

Il y plusieurs questions dans ta réponse. Je reprends dans l’ordre :

Sur le PC biélorusse : en effet, ce Parti Communiste de Biélorussie participe à la coalition au pouvoir, autour de Loukachenko. Il est le produit d’une scission qui a vu d’un côté une partie du PC soutenir le pouvoir en place (le PC de Biélorussie), et de l’autre le Parti des Communistes de Biélorussie faire le choix de rester dans l’opposition. Si je connais mal les différences qu’il y a entre les deux, s’il y en a cependant d’importantes, ils sont tous deux les héritiers du PC stalinisé d’URSS. Pourquoi est-ce que ce PC soutient, comme tu le dis, « des orgas capitalistes libérales » ? En fait, il faut remonter pour cela aux dernières années de l’URSS : de larges pans de l’appareil du PC soviétique, de larges cercles de la bureaucratie, ont sous Gorbatchev puis sous Elstine, jeté par-dessus bord ce qu’il restait des acquis d’Octobre et entrepris de rétablir le capitalisme, en démantelant l’appareil industriel et le « privatisant » par tronçons, ont démantelé les structures agraires collectives, le logement social… Je mets « privatisant » entre guillemets car plus d’une réelle appropriation privée, avec les capitaux privés nécessaires à les faire fonctionner, les grands secteurs industriels sont souvent tombés sous la coupe des bureaucrates qui les géraient au nom de l’Etat et se sont déclarés indépendants de cet Etat. Ce qui arrive en ce moment à Khodorkovsky, qui était à la tête d’une grande part du secteur pétrolier russe, et se retrouve en prison tandis que l’Etat, via Poutine, a remis la main sur ce secteur (sans rachat ni indemnités…) montre à quel point les choses ne sont pas aussi simples. Eh bien, en Biélorussie, ce sont les mêmes personnages qui sont au pouvoir, et tant que ce morceau de PC resté dans l’opposition n’a pas rompu avec son stalinien, n’a pas fait l’analyse critique de ce qu’était devenue l’URSS sous Staline, n’est pas devenu révolutionnaire, on peut dire sans se tromper qu’ils sont et restent les héritiers de la bureaucratie stalinienne.
Etant en Ukraine en 2009, durant la campagne présidentielle, j’ai pu voir un peu l’attitude du PC ukrainien. Là-bas, politiquement, son rôle est tout à fait marginal, coincé qu’il entre les nationalistes ukrainophones d’un côté, les nationalistes russophones de l’autre. Le PC tenait un stand dans le centre de Kiev, le long de la grande avenue Kreshchyatik. Mais il se tenait en retrait de cet axe, sur une petite place peu fréquentée et n’allait pas vers la population. La raison de sa présence sur cette petite place ? Il y avait là une statue, emballée dans un plastic noir et l’on ne comprenait qu’il s’agissait de Lénine en s’approchant et en lisant le nom sur le socle. Ces militants auraient peut-être eu des choses à dire à la population, en ces temps de crise, de chômage massif et d’inflation en Ukraine… Mais non… Il fallait rester au pied de la statue, et du coup ne pas aller vers les gens.
Sur la dépendance de la Biélorussie envers la Russie, oui, ce qu’en dit la presse est vrai. Il existe même un projet d’union douanière et monétaire entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, dont l’organe de presse russe officiel (RIA Novosti) se fait régulièrement l’écho. Preuve que l’éclatement de l’URSS a fait aussi éclater une même économie, dont les éclats dispersés ont peine à survivre seuls.
Sur le regret, la nostalgie de la période soviétique, oui, elle est réelle, mais il s’y mêle bien choses, selon les milieux sociaux, selon même les origines géographiques au sein de l’ex-URSS. Parmi la petite bourgeoisie intellectuelle russe, cette nostalgie recouvre parfois celle d’une « grandeur » perdue, et rejoint vite le nationalisme. Elle se mêle à un sentiment de baisse du niveau culturel, au constat d’une moindre maîtrise de la langue, parlée comme écrite, réel par ce que dû à l’abandon d’une politique volontariste en termes d’accès à l’instruction et à la culture.
Dans les classes populaires urbaines, même si le regret de cet accès à la culture existe, c’est surtout de l’accès au logement et aux soins gratuits dont il est question.
Enfin, je parlais d’origine géographique au sein de l’ex-URSS : à plusieurs reprises j’ai entendu de jeunes femmes, biélorusses ou kazakhs, se dire être « des femmes soviétiques ». Derrière cette expression, il y a simplement le refus plus ou moins conscient de se revendiquer d’une nationalité, d’une origine ethnique et de tomber dans le piège des nationalismes, qui, après avoir contribué à faire exploser l’URSS, gangrènent de nombreuse républiques (Ukraine, Caucase, Kirghizistan…).
Un dernier mot. Tu dis, la nostalgie ne se fonde pas sur Staline… C’est sans doute bien plus compliqué que tu ne le penses. Ne serait-ce que par ce que Staline a largement contribué à déformer les idées de Marx et de Lénine, et que lorsque des ressortissants d’ex-URSS parlent de ce pays défunt, en bien ou en mal, tout cela a forcément pour centre de gravité ce que le stalinisme et la bureaucratie ont fait du pays d’Octobre. J’ai découvert récemment, par exemple, qu’au moins depuis les années 30 ou 40, la révolution allemande de 1919 n’était pas enseignée, qu’il n’existait aucun livre sur cette question. Encore aujourd’hui, si l’on cherche sur l’internet russe un article sur cette question, c’est le désert.
Vania
 
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Message par Vania » 15 Août 2011, 14:03

Sur l'URSS, sa bureaucratisation sous Staline, son évolution ensuite jusques à son éclatement à la fin de Gorbatchev puis sous Eltsine, la tentative de restauration du capitalisme, et ce que cela donne dans les premières années sous Poutine (en 2000), tu peux lire cette brochure : "De l’URSS à la Russie de Poutine", Texte intégral de l'exposé n°87 du 12 mai 2000

http://www.lutte-ouvriere.org/documents/ar...ssie-de-poutine

Bien sûr, cela ne concerne pas directement la Biélorussie, mais cela répondra déjà à une partie des questions que l'on peut se poser sur ce petit morceau d'ex-URSS et ce que peuvent être les deux PC concurrents de ce pays.
Vania
 
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Message par Vania » 15 Août 2011, 14:39

Voici un article sur les campagnes biélorusses et les kolkhozes. Il provient d'un site francophone nommé "Le courrier de Biélorussie".

Le Courrier de la Biélorussie

Au pays des « kolkhozes modèles » qui assurent la paix sociale

En Biélorussie, moins de 5% des terres agricoles sont privées. Les kolkhozes assurent toujours l’essentiel de la production agricole. Formellement transformés en sociétés par action, ces kolkhozes font vivre l’immense majorité des populations rurales et sont un des piliers importants de l’encadrement social et politique du pays.
Mise en ligne : mercredi 8 mars 2006

Par Jean-Arnault Dérens

C’est un kolkhoze « moyen », dans l’immédiate périphérie de Minsk. Depuis la cour des installations agricoles, on peut voir la barre des immeubles qui marque la limite de la ville. Un fonctionnaire du ministère de l’Économie, qui tient à préserver un strict anonymat, assure que ce kolkhoze se situe « dans la norme ». Ce n’est pas un kolkhoze modèle pour visites étrangères, mais il y a beaucoup de kolkhozes, éloignés des centres urbains, où les conditions de travail et de vie sont bien plus mauvaises.

De fait, on ne vit pas si mal que ça au kolkhoze « Belarus », qui s’est autrefois appelé, successivement, « La voie de Staline », puis « La voie vers le communisme ». Les salariés disposent de maisonnettes spacieuses, confortables et bien chauffées.

Les 2700 hectares de terres du kolkhoze sont essentiellement orientées vers l’élevage. Le kolkhoze possède aujourd’hui 930 vaches laitières et 2000 cochons. Il produit aussi du blé et des pommes de terre. La production laitière représente 60% des ressources du kolkhoze. Le lait est immédiatement transporté dans les cinq usines laitières de Minsk, qui assurent sa transformation. En hiver, le kolkhoze produit 15 tonnes de lait par jour, 24 en été. Une salle de traite a été récemment remise à neuf, et possède un matériel italien dernier cri.

Le directeur du kolkhoze, Vassili Tichkov, n’envisage pas d’autre forme de production, même s’il reste muet sur la rentabilité de l’exploitation qu’il dirige. L’État garantit le prix du lait, acheté au kolkhoze pour 375 roubles biélorusses le litre. Vassili Tichkov reconnaît cependant que le kolkhoze n’a pas les moyens d’investir, et que les nouveaux matériels ont été « offerts » par l’État.

Le fonctionnaire anonyme profite d’un trajet en voiture, loin de l’optimiste directeur, pour resituer le kolkhoze dans son contexte général : « près des villes, ce genre d’agriculture industrielle n’est pas aberrant, car il existe un marché immédiat. Par contre, dans les campagnes, la production pourrit sur place, et seules des mesures administratives permettent de maintenir la population sur place, car tous les jeunes veulent fuir ces kolkhozes en crise profonde ».

Dans le système de pouvoir biélorusse, les kolkhozes jouent un rôle important. Ceux qui comptent le plus de salariés disposent même d’un « directeur à l’idéologie », ce qui n’est pas le cas du kolkhoze « Belarus », trop petit. Ces « commissaires politiques » sont chargés d’expliquer et de faire appliquer l’idéologie de l’État biélorusse, alpha et omega du « loukachisme ».

Lors des précédentes élections, on sait aussi que certains directeurs de kolkhozes où les candidats du pouvoir n’avaient pas obtenu plus de 60% des voix ont été licenciés. Les pressions en amont du scrutin se révèlent plus discrètes et bien plus efficaces que la fraude directe. De ce point de vue, les kolkhozes sont un élément essentiel du contrôle politique de la population.

Ils jouent aussi un rôle social majeur. Officiellement, la Biélorussie connaît une situation de quasi plein emploi. En réalité, le chômage caché est massif, et les salariés sont sous-employés. Les kolkhozes contribuent donc à « fixer » une part essentielle de la population rurale, et l’État les finance à perte, grâce aux quelques secteurs rentables de l’économie, essentiellement les activités liées au transit du pétrole et du gaz russe.

Dans ces conditions, le directeur Vassili Tichkov peut se réjouir des améliorations techniques récemment apportées, et garder les yeux fixés sur ses chiffres de production, exactement comme il le faisait il y a 20 ans, à l’époque soviétique.

http://belarus.courriers.info/article0048.html
Vania
 
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Message par Vania » 15 Août 2011, 15:32

Bon, une dernière intervention.

Voici, issu du même site "Courrier de Biélorussie", une interview de Syarheï Kaliakine, secrétaire générale du morceau de PC se situant dans l'opposition. On découvrira au passage que l'alpha et l'omega de sa politique, hormis la fin de Loukachenko, c'est la privatisation des secteurs d'économie étatisé, et qu'au de cette opposition, il a fait alliance avec d'autres formations, libérales elles aussi, mais ne se cachant derrière l'étiquette "communiste" :

Courrier de la Biélorussie
Syarheï Kaliakine, secrétaire général du PC : « Il faut détruire ce système »
Propos recueillis par Alexandre Billette

Membre de la grande coalition réunie autour d’Alyaksandr Milinkievitch, le Parti des Communistes du Bélarus doit lutter contre les pressions exercées par les autorités sur ses militants, et contre une fraction fantoche créée par le pouvoir. Rencontre avec Syarheï Kaliakine, secrétaire général du PC et porte-parole de Milinkevitch.
Mise en ligne : mercredi 15 mars 2006

Ancien cadre du Parti communiste d’URSS ayant occupé des fonctions administratives au sein de la municipalité de Minsk à l’époque soviétique, Syarheï Kaliakine, 54 ans, est aujourd’hui porte-parole du candidat de l’opposition unie. Membre de la présidence du parlement sous la 13e législature, au lendemain de l’indépendance de la Biélorussie, il dirige le PC biélorusse depuis 1994.

Courrier de la Biélorussie (CdBY) : Comment et pourquoi le Parti des communistes du Bélarus (PCB) fait-il partie de la grande coalition d’opposition ?

Syarheï Kaliakine (SK) : Nous sommes, avec d’autres formations, les initiateurs de cette coalition. Aujourd’hui, les querelles politiciennes sur telle ou telle plate-forme électorale n’ont aucun sens. Ce genre de désaccords ne mènent à rien, puisqu’il n’y a maintenant qu’une seule idéologie, le Loukachisme, qu’il faut vaincre. Toutes les institutions de la société civile ont été liquidées, il ne reste plus, en 2006, qu’une façade pseudo-démocratique qui sert de cache-sexe à la dictature d’un seul homme. Il faut détruire ce système, qui est incapable de régler les problèmes de la société et qui freine le développement économique et politique du pays.

CdBY : Que pensez-vous de ceux qui, notamment à l’Ouest, disent que le régime de Loukachenko est un régime « social », que les gens vivent bien sous sa direction en Biélorussie ?

SK : On dit que les gens mangent à leur faim, que personne ne vit dans la rue. C’est très bien, mais en prison aussi, personne ne souffre de famine ! Nous sommes dans une prison sociale, il n’y a aucun développement, il n’y a aucune forme de concurrence entre les forces sociales, entre les acteurs de la société... Avant, la Biélorussie était devant tous ses voisins au niveau économique, devant la Pologne, les Pays baltes, même la Russie. Aujourd’hui, le pays ne dépend que du gaz russe. Sans aucun doute, ce régime va s’effondrer, et le Bélarus aura perdu plusieurs années de développement.

CdBY : Justement, comment voyez-vous la Biélorussie de l’après-Loukachenko ?

SK : Il faudra mettre en place un régime parlementaire et démocratique, et définir une stricte division des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire... Le PCB est pour un gouvernement fort, doté d’une économie mixte où l’État a sa place mais avec la présence d’un secteur privé efficace et une économie de marché réelle. Nous voulons abolir les monopoles et mettre en place tous les éléments pour la naissance d’une société libre et ouverte, avec des médias indépendants du pouvoir, etc. Au niveau international, nous souhaitons que la Biélorussie se pose comme un État neutre, ouvert à l’étranger. Regardez notre position géographique : le Bélarus pourrait parfaitement se définir comme État-tampon entre les pays membres de l’OTAN et les anciennes républiques soviétiques, et pourrait développer des relations d’amitiés avec les deux blocs sans en faire partie.

CdBY : Et que pensez-vous de l’intégration européenne de la Biélorussie ?

SK : A l’heure actuelle, c’est absolument irréel et impossible. La Biélorussie n’est pas prête, et de toute façon l’UE n’est pas prête non plus pour un nouvel élargissement. Il y a des problèmes plus urgents à régler. Par rapport à Bruxelles, il faudra simplement établir des relations normales avec tous les États-membres et avec l’UE, pour enfin détruire ce mur dressé entre l’Europe et la Biélorussie de Loukachenko.

CdBY : Quelle est l’histoire du PCB d’après l’indépendance, quelle est la situation du parti aujourd’hui ?

SK : Le PCB est né en 1991, lors de l’indépendance. Il ne s’agit donc pas d’une branche locale du PC soviétique de l’époque. Jusqu’en 1996, le PCB était le parti qui avait le plus d’influence dans le pays, nous avons déjà eu jusqu’au quart des sièges de l’assemblée. Aujourd’hui, nous avons des représentants dans plus de 80% des villes et régions du pays, alors qu’il y a deux ans à peine, nous couvrions tout le territoire. Il faut savoir qu’en 1996, Loukachenko a organisé la création d’un second parti communiste, pour contrecarrer notre influence. Mais ce faux parti ne fait rien, rien d’autre que de lutter contre nos actions et d’applaudir le Président.

CdBY : Et quel est le profil des membres de votre parti ?

SK : Au début des années 90, nos membres étaient plus âgés, et faisaient majoritairement partie de la génération de la guerre [1939-1945], alors qu’aujourd’hui notre membership est beaucoup plus diversifié, plus jeune aussi. Mais nous avons cinq fois moins de membres qu’auparavant, depuis que le parti n’est plus reconnu par les autorités, et que le pouvoir exerce des pressions sur nos militants, notamment sur les lieux de travail, ce qui a causé le départ de certains militants... Géographiquement, le parti est mieux représenté à l’est, dans la région de Gomel par exemple.

CdBY : Comment voyez-vous la Biélorussie dans cinq ans ?

SK : Je la vois libérée de Loukachenko, je vois une Biélorussie libre et démocratique. Je suis persuadé que dans cinq ans, le pays aura déjà un gouvernement démocratiquement élu sera en place pour remettre le Bélarus dans la voie de la prospérité.

http://belarus.courriers.info/article0053.html

Cet autre article, aussi, tout aussi révélateur des forces politiques et sociales qui se cachent derrière l'"opposition" biélorusse :

Le Courrier de la Biélorussie
« Le pouvoir a fait de tous les entrepreneurs des opposants »
Par Jean-Arnault Dérens

En Biélorussie, les entrepreneurs privés sont soumis à un harcèlement permanent du régime de Loukachenko. Pourtant, dans la région frontalière de Hrodna, la population a appris à vivre sans compter sur l’État. Les trafics sont légion avec la Pologne voisine : les denrées de base coûtent moins cher dans l’Union européenne qu’en Biélorussie.
Mise en ligne : mardi 14 mars 2006

La carte de visite d’Aleksandr Vasiliev porte fièrement sa qualité : « ancien prisonnier politique, détenu du 7 septembre 2004 au 7 juillet 2005 ». Russe d’origine, ancien officier de l’Armée rouge basé en Allemagne, Aleksandr Vasiliev s’est installé un peu par hasard en 1990 à Hrodna, dans l’ouest de la Biélorussie.

Dès 1991, il se lance dans l’aventure des affaires et du commerce privé. « J’ai fait de l’import-export, racheté des titres d’entreprises, ensuite je me suis surtout occupé de vendre des meubles en direction de la Russie. Ensuite, j’ai vendu des produits thaïlandais en Pologne. D’abord, j’avais une entreprise, puis le simple statut d’entrepreneur libre, avec une licence. Cependant, depuis 1996, les tracasseries du pouvoir n’ont pas cessé de rendre les affaires plus difficiles », explique-t-il.

« Tous les entrepreneurs privés, les commerçants du marché, les chauffeurs de taxi, sont considérés comme des ennemis par le pouvoir. Loukachenko a réussi à faire des opposants de tous les entrepreneurs. Le régime essaie d’établir un nouveau communisme modernisé, sans parti, sans programme et sans idéologie. Toute initiative privée lui est insupportable. »

Le 1er mai 2004, l’Association des entrepreneurs privés organise une manifestation à Hrodna, parallèlement aux célébrations officielles de la Fête du Travail. 5000 à 6000 entrepreneurs de l’ouest du pays se rassemblent en exigeant la démission de Loukachenko. « La police était venue arrêter notre dirigeant Valeri Levonievski à son domicile dès 9 heures du matin, alors que le rassemblement était convoqué pour 10H30 ». Levonievski et Vasiliev ont été accusés de chercher à « déstabiliser la situation politique à Hrodna ».

Les deux hommes ont été entendus dès le 7 mai, assignés à résidence et obligés de se présenter chaque jour aux bureaux du KGB. Le 7 septembre, ils ont été condamnés à deux années de prison en colonie pénitentiaire. Vasiliev a bénéficié d’une mesure d’amnistie, mais Levonievski est toujours en prison.

« J’ai passé deux mois à la prison de Hrodna. Nous étions près de 40 détenus dans une cellule de 35 mètres carrés. Ensuite, j’ai été envoyé dans la colonie pénitentiaire d’Orsha, près de la frontière russe. On m’obligeait à travailler aux besognes les plus dures, sous la menace du cachot, alors que beaucoup de détenus ne travaillent pas. Le régime des politiques est le plus sévère. Il y a près de 35O0 détenus à Orsha, beaucoup souffrent de la tuberculose. J’ai rencontré un Français d’origine arabe, qui avait aussi essayé de faire des affaires en Biélorussie, et un professeur du Nicaragua installé dans notre pays et qui avait eu la mauvaise idée de parler publiquement de sa vision économique de la Biélorussie »...

Au total, la Biélorussie compte près de 45000 détenus, un des plus fort taux d’incarcération en Europe. Les entrepreneurs privés sont souvent arrêtés pour des « délits économiques », qui se limitent souvent à des détournements de quelques dizaines d’euros... Économiquement, le régime ne compte que sur la poignée de grandes entreprises qui assurent les rentrées de devises nécessaires au pays, et les entrepreneurs, tous soupçonnés de sympathie pour l’opposition, sont massivement criminalisés.

Pourtant, explique une journaliste de Hrodna, la population a appris à vivre hors de la sphère étatique et sans compter sur l’État, particulièrement dans cette région frontalière avec la Pologne et la Lituanie.

« Tous les jours, explique-t-elle, les trains qui partent vers Bialystok, en Pologne, sont remplis de petits contrebandiers. En 40 minutes, on est en Pologne. Les douaniers sont payés par les chefs du trafic et ferment les yeux. Les Biélorusses vendent essentiellement de l’alcool et des cigarettes, avec des gains possibles de l’ordre de 3 dollars pour une cartouche ou une bouteille de vodka. Dans l’autre sens, ils achètent toute sorte de produits, notamment alimentaires, car tout est moins cher en Pologne que chez nous ».

Paradoxe du « modèle social » biélorusse vanté par le régime, les prix de la nourriture et des produits de base deviennent inaccessibles pour la population. Le taux artificiellement maintenu du rouble biélorusse favorise également une inflation qui dévalorise les salaires. En conséquences, la destination la plus prisée des habitants de Hrodna n’est autre que l’hypermarché Auchamp de Bialystok !

Le régime n’a pas d’autre choix que de tolérer ces petits trafics qui assurent la survie de milliers de personnes, mais il continue de voir de dangereux opposants dans les entrepreneurs qui veulent prendre une licence et mener des affaires normales. Surtout s’il leur prend l’idée de s’organiser en association...


http://belarus.courriers.info/article0052.html
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Message par Vania » 26 Sep 2011, 21:45

Crise de la dette biélorusse sur fond d'inflation galopante.


a écrit :Biélorussie: l'inflation au plus haut depuis dix ans (officiel)

MINSK, 14 juillet - RIA Novosti

Au cours des six premiers mois de 2011, la Biélorussie a connu son taux d'inflation le plus fort depuis dix ans, a fait savoir jeudi la vice-présidente du Service biélorusse des statistiques, Irina Kangro, au cours d'une conférence de presse à Minsk.

"En 2011, la hausse de l'indice des prix à la consommation a été la plus importante depuis 10 ans", a déclaré Mme Kangro. Selon elle, cet indice a progressé de 136,2% par rapport au niveau enregistré en décembre 2010.

Auparavant, le ministère biélorusse des Finances a indiqué que l'inflation en Biélorussie devrait se stabiliser autour de 37-39% à la fin de 2011.

Dirigé depuis 16 ans d'une main de fer par le président Alexandre Loukachenko, la Biélorussie est confrontée à une crise économique et financière majeure, qui alimente le mécontentement populaire dans le pays. Le 4 juin dernier, le Fonds anticrise de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) a approuvé l'octroi à la Biélorussie d'un crédit de 3 milliards de dollars.


a écrit :La Biélorussie proche du dépôt de paiement

L'agence de notation Standard and Poor's a dégradé la note du pays, dont les comptes publics sont dans un état préoccupant.

L'agence de notation financière Standard and Poor's a annoncé lundi avoir abaissé d'un cran, à B- contre B, la note souveraine de la Biélorussie, s'inquiétant un peu plus des risques de défaut de cette ex-république soviétique confrontée à une grave crise économique.

La notation a été abaissée "en raison d'incertitudes sur les capacités de financement" du pays, précise SP dans un communiqué, ajoutant que la perspective était "négative". B- est la note attribuée à des émetteurs ne présentant qu'une assez faible sécurité de remboursement sur le long terme.
S&P's «très dubitatif» sur la réponse du gouvernement

La note de la Biélorussie se trouve désormais à un cran du statut d'émetteur de qualité médiocre présentant un vrai risque de non-remboursement, et non loin de celle des émetteurs en défaut de paiement (D).

L'agence se dit inquiète de "la dépendance actuelle de la Biélorussie aux financements extérieurs due aux importants déficits des comptes courants et au niveau très faible des réserves disponibles". "Nous restons très dubitatifs sur la capacité de la Biélorussie à assurer de tels financements et nous pensons que le gouvernement a fait peu d'efforts" pour remédier à cette situation, ajoute-t-elle.

La Biélorussie qui est dirigé par l'autoritaire président Alexandre Loukachenko, est confronté à un déficit commercial abyssal, à une pénurie de devises et à une inflation galopante.

(Source AFP)


http://fr.rian.ru/economic_news/20110714/190145902.html
http://www.liberation.fr/economie/01012362...pot-de-paiement
Vania
 
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Re: Biélorussie

Message par Vania » 21 Déc 2014, 15:08

ECONOMIE Le rouble bélarusse a perdu environ la moitié de sa valeur depuis le début de l'année, subissant de plein fouet la dépréciation du rouble russe, l'économie du pays étant fortement dépendante de son géant voisin...

Bélarus: Blocage de sites Internet et de boutiques en ligne pour endiguer la panique autour du rouble

Le Bélarus a bloqué ce dimanche des boutiques en ligne et des sites internet d'information, une mesure destinée à empêcher la ruée vers les banques et les magasins de personnes cherchant à sécuriser leur épargne.
L'agence privée de presse, BelaPAN, qui gère les sites internet d'information indépendants Belapan.by et Naviny.by, a déclaré que les sites ont été bloqués samedi sans aucune mise en garde. «De tout évidence, la décision de bloquer les adresses IP n'a pu provenir que des autorités, car au Belarus, le gouvernement a le monopole de la délivrance d'adresses IP», a-t-elle indiqué.
D'autres sites, comme Charter97.by, BelarusPartisan.org, Udf.by, et d'autres sites d'information indépendante, ont été bloqués ce dimanche. Ces mesures ont été appliquées le 19 décembre, lorsque le gouvernement a annoncé que les achats de devises étrangères seraient taxés à 30% et qu'il a donné l'ordre aux exportateurs de convertir la moitié de leurs recettes en devises étrangères en monnaie locale.
«Folie de décembre»
«On dirait que les autorités veulent transformer une petite panique autour du rouble bélarusse en vraie panique générale», écrit le site web BelarusPartisan, qualifiant le blocage de «folie de décembre». Les boutiques en ligne ont également été bloquées en masse.
Le gouvernement a annoncé un moratoire sur la hausse des prix pour les biens de consommation et donné l'ordre aux producteurs locaux d'appareils électriques d'«augmenter les livraisons» et de maintenir les prix en l'état, au risque de faire faillite.
Les bélarusses ont fait la queue pendant des heures pour vider leurs comptes en banque, et ont dévalisé les magasins pour sécuriser leur épargne, s'approvisionnant en appareils électriques fabriqués à l'étranger et en articles ménagers. Le rouble bélarusse a perdu environ la moitié de sa valeur depuis le début de l'année, subissant de plein fouet la dépréciation du rouble russe, l'économie du pays étant fortement dépendante de son géant voisin.


Ce qui était il y a quelques mois encore une crise localisée en Ukraine, est en train de se transformer en crise régionale majeure, menaçant de déstabiliser les pays d'ex-URSS.

Le lien : http://www.20minutes.fr/monde/1505215-2 ... or=RSS-176
Vania
 
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Re: Biélorussie

Message par Doctor No » 22 Déc 2014, 11:31

Vania a pris la contagion journalistique et nous offre un article sans commentaires.
De l'article il ressort que "la Crise du Rouble" est un événement neutre, sans aucun rapport avec l'offensive impérialiste en Ukraine contre la Russie.
Pourtant, The Economist a écrit noir sur blanc que "les problèmes économiques de la Russie continueront tant qu'elle ne change pas de politique en Ukraine". CQFD.

En tout cas les chinois, publient un libre et le pcf fait un article que je publie à la suite montrant la nature de l'agression économique contre la Russie sous des considérations "militaires".
Bien que l'article est plus large, le fond est là.
Il s'agit bien d'une agression impérialiste US contre la Russie par l'Ukraine interposée.
La Biélorussie subit et est mise devant le choix cornélien de "choisir" entre la Russie et les US.
La Kazakhstan et autres ex-républiques soviétiques subissent et/ou subiront le même "traitement". Une fois bien dépecé le front occidentale de l'Eurasie, l'impérialisme US se tournera contre la Chine, en passant par l'Iran s'ils n'arrivent pas autrement, étant la Chine leur véritable objectif majeur.

Bien sur, on peut faire comme l'autruche et ne regarder que "la réalité perceptible" ou "du moment".
Les Dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre, non?

"La guerre hors limites", auteurs Qiao Liang et Wang Xiangsui

Dimanche 21 décembre 2014,
Ce livre, rédigé par deux militaires chinois de haut rang, est passionnant du début jusqu’à la fin. Je l’ai lu et annoté il y a quelques années, et l’ai presque intégralement relu pour cette longue note. Que les lecteurs des quelques lignes qui suivent n’imaginent pas qu’elles permettent de se dispenser de la lecture de ce passionnant ouvrage – il est trop riche pour être résumé.

Pour le résumer à la hache cependant, deux points :

Bonne nouvelle : les prochaines guerres feront peu de morts.
Mauvaise nouvelle : la guerre est permanente.

Les auteurs redéfinissent la guerre tout au long de cet ouvrage. La guerre n’est plus « l’usage de la force armée pour obliger un ennemi à se plier à sa propre volonté », mais l’utilisation de « tous les moyens, dont la force armée ou non armée, militaire ou non militaire et des moyens létaux ou non létaux pour obliger l’ennemi à se soumettre à ses propres intérêts ».

Contrôler l’opinion publique est par exemple une arme à la disposition du faible :

« Si l’on en juge par la performance de l’armée américaine en Somalie, où elle se trouva désemparée face aux forces d’Aïdid, on peut conclure que la force militaire la plus moderne n’a pas la capacité de contrôler la clameur publique, ni d’affronter un opposant qui opère de manière non conventionnelle. »

Toute la difficulté des guerres nouvelles est de savoir combiner armes classiques et armes nouvelles, et les auteurs appellent les états-majors, et principalement et paradoxalement l’état-major américain, à ne pas surestimer le pouvoir des armes militaires traditionnelles.

Ainsi, la recherche de la prouesse technologique dans la fabrication d’armes peut être un moyen ruineux. Les auteurs donnent l’exemple du bombardier furtif B-2, dont chaque exemplaire a coûté deux ou trois fois son poids d’or – même si la hausse du prix de l’or a dû, depuis rabaisser ce prix. C’est même cette conception militaire périmée qui a entraîné, selon eux, la chute de l’URSS, perdue dans des dépenses militaires incontrôlées. Pour les auteurs, « un empire colossal s’effondra sans qu’un seul coup de feu fût tiré, corroborant de manière éclatante les vers du célèbre poème de Kipling : Quand périssent les empires, ce n’est pas dans un grondement mais avec un simple "pouf" ».

Les raisons économiques ne sont pas les seules à orienter vers des guerres moins sanglantes. La perspective de guerres nucléaires et la possibilité de conflits provoquant des centaines de millions de morts, voir l’anéantissement de l’humanité, ont conduit à l’emploi d’armes "adoucies". Les militaires ne cherchent plus forcément à infliger un maximum de pertes chez l’ennemi, mais à obtenir les pertes suffisantes dans les limites de ce qui est tolérable par l’opinion.

Troisième point, après le coût des armes classiques et la crainte de la guerre ultime, dans le même temps où s’épuisent les armes de conception nouvelle, de nouveaux concepts d’armes émergent. De fait « il n’est rien au monde aujourd’hui qui ne puisse devenir une arme ». Pour les auteurs, « un seul krach boursier provoqué par l’homme, une seule invasion par un virus informatique, une simple rumeur ou un simple scandale provoquant une fluctuation du taux de change du pays ennemi […], toutes ces actions peuvent être rangées dans la catégorie des armements de conception nouvelle. […] Nous croyons qu’un beau matin les hommes découvriront avec surprise que des objets aimables et pacifiques ont acquis des propriétés offensives et meurtrières ».

La tendance n’est pas complètement nouvelle, et les auteurs rappellent ainsi que c’est par le trafic de l’opium mené à grande échelle que les britanniques eurent raison de la Chine au XIXème siècle – même si ce trafic fût in fine imposé deux fois par des moyens militaires. On peut penser en effet que quand la moitié des entreprises auront basculé leurs messageries et leurs flottes de téléphones sur des systèmes Google, elles seront à la merci de quiconque déciderait de mettre Google à son service.

Une autre chose est sûre, le souci de l’opinion conduit aujourd’hui à rendre opaque le jeu des conflits d’intérêts : « ce qui différencie principalement les guerres contemporaines des guerres du passé, c’est que, dans les premières, l’objectif affiché et l’objectif caché sont souvent deux choses différentes ». C’est ainsi que, pour les auteurs, la première intervention américaine contre l’Irak était sans doute avant tout motivée par des intérêts pétroliers, même si ce n’en était pas l’unique raison. La complexité des guerres nouvelles, leurs modalités multiples, conduit à rendre celles-ci bien moins visibles, et lisibles.

Retour sur l’évolution du champ de bataille.

L’avion ajouta une dimension nouvelle à l’espace de la guerre. Il fît évoluer la guerre d’un combat "plat", retraçable sur des cartes, à des mouvements en trois dimensions. Aujourd’hui de nouvelles dimensions se sont ajoutées : l’espace des télécommunications, celui de l’opinion, la profondeur des mers, Internet, autant de lieux ou de champs, dont le contrôle devient stratégique.

De longs développements suivent sur la guerre moderne, qui peut être menée par un hacker comme par un magnat de la finance ou des médias. Conclusion des auteurs : « qui pourrait dire que Georges Soros n’est pas un terroriste financier ? ».

Face à ces menaces nouvelles, les armées traditionnelles sont bien démunies et comparables à des dinosaures affrontant des souris. Ce que les américains ont appelé les opérations militaires autres que la guerre (Military Opérations Other Than War, MOOTW), prend une importance croissante. Pourtant, pour les auteurs, cette notion est encore trop limitée. Il s’agit, dans l’acception américaine, de poursuivre la guerre en utilisant au besoin des moyens civils. Pour les auteurs, c’est la guerre toute entière qui est devenue civile autant sinon plus que militaire. Ils opposent ainsi la notion d’opération de guerre non militaire, déjà datée, à celle d’opérations militaires autres que la guerre. Le lecteur est bien obligé de reconnaître que la modernité conceptuelle se trouve ici indéniablement du côté chinois.

Il ne faut pas croire pour autant à un aveuglement américain. Sans que le concept en soit explicite, les manœuvres commerciales américaines sont dénoncées par les chinois comme de véritables armes de guerre, l’exemple le plus direct étant l’embargo meurtrier mené, dans le silence des opinions, contre l’Irak.

Même dans la conduite des opérations militaires classiques, des évolutions sont encore possibles. Les auteurs mentionnent ainsi la réforme du commandement militaire américain en période de combat : un seul chef commande l’ensemble des moyens engagés, quel que soit leur arme de rattachement, aviation, terre ou marine. Sur le terrain, selon les auteurs, l’hélicoptère a fait la preuve de sa supériorité sur les chars. Pour un lecteur ignorant tout de stratégie et de tactique militaire, le débat ne reste pas technique et les auteurs savent user de rappels historiques pour arriver à intéresser même le profane. On constate en tout cas que pas grand-chose des débats stratégiques au sein de l’armée américaine n’échappe aux auteurs.

La guerre hors-limites, ou généralisée, découle donc de ce constat : « souvent, les menaces militaires ne sont plus les principaux facteurs influant sur la sécurité nationale ». Les financiers, les hackers, les Oussama Ben Laden, les sectes telles Aum, les trafiquants de drogue peuvent être plus dangereux que des armées ennemies. Face à cela, on ne peut plus, selon les auteurs, faire reposer la sécurité nationale sur les seules forces militaires.

Alors notamment que la plupart des guerres imaginées aujourd’hui par les armées qui souhaitent rester préparées, ressemblent à des combats de char dans les forêts, la prochaine guerre pourrait plutôt ressemble à quelque chose de très différent.

« Par exemple : alors que l’ennemi ne s’y attend pas du tout, l’assaillant mobilisera secrètement une masse de capitaux et lancera une attaque surprise contre ses marchés financiers ; après avoir provoqué une crise financière, il opèrera une attaque de ses réseaux grâce à des virus implantés à l’avance dans les systèmes informatiques de l’adversaire et à l’intervention d’équipes de pirates informatiques. Il provoquera ainsi l’effondrement total du réseau électrique civil, du réseau de régulation des transports, du réseau de transactions boursières, des réseaux de télécommunications et des réseaux médiatiques, déclenchant une panique sociale, des troubles civils et une crise gouvernementale. Pour finir, une puissante armée massée aux frontières augmentera progressivement l’emploi des moyens militaires jusqu’à acculer l’ennemi à signer un traité sous la contrainte. »

Le nouvel art de la guerre deviendra celui de la combinaison de tous les moyens, militaires et non-militaires, pour arriver à ses fins.

Ceci dans un contexte rendu plus complexe encore par l’internationalisation croissante des problématiques, où l’état et son territoire ne sont plus les acteurs premiers – « seul un simple d’esprit comme Saddam Hussein a pu vouloir assouvir ses ambitions en occupant carrément un territoire ». Il ne faut pas croire que le phénomène est nouveau et les auteurs rappellent que depuis la guerre du Péloponnèse, la mise en commun des forces entre nations est la règle. La seule différence est qu’aujourd’hui les combinaisons et alliances s’effectuent à plusieurs niveaux simultanément : pluri-étatique – comme avant, supra-étatique, et hors-état (par le jeu des ONG). Un très bon exemple de bataille ultra-moderne, selon les auteurs, est la crise financière asiatique de 1997. Lorsque la crise éclata, le Japon proposa la création d’un fonds monétaire asiatique. Les États-Unis imposèrent l’action du FMI et posèrent leurs conditions au renflouement de la Corée. Ce détail, parmi de nombreux autres compose un paysage qui pourrait laisser croire que si les États-Unis n’ont pas sciemment provoqué cette crise, le déroulement des événements ressemble à ce que pourrait être une crise provoquée dans le cadre des guerres ultra-modernes.

Parvenus à ce point, les auteurs jusque là suprêmement rationnels, entrent dans de longs développements d’abord peu convaincants : en effet, ils souhaitent convaincre que pour doser les moyens de la guerre, il convient de se référer au nombre d’or. Par exemple, ils avancent que les mongols ont envahi l’Occident grâce à des formations de deux cavaliers lourds pour trois légers (ratio de 2/3, proche du nombre d’or). On a du mal à les suivre sur ce terrain si on les prend au pied de la lettre. Mais ils redéfinissent ce principe du nombre d’or en un autre, plus compréhensible. A travers les exemples historiques qu’ils donnent, on comprend en quelques mots qu’il s’agit de faire d’un point faible une force (ou principe latéral-frontal, dans lequel l’aspect secondaire, latéral, devient essentiel). Pour l’Allemagne en 1940, cela consistait à attaquer les armées alliées à partir d’un terrain défavorable : les Ardennes. En 1914, toujours pour l’Allemagne, le plan Schlieffen prenait le risque énorme d’engager 59 divisions sur 68 en un seul point, n’en laissant que 9 en réserve.

Malgré ce principe latéral-frontal, adossé au nombre d’or, l’art de la guerre reste une œuvre incertaine, sans garantie de victoire. L’essentiel est de rester… machiavéliens, selon les auteurs, c’est-à-dire de subordonner les moyens à la fin que l’on s’est donnée.

En conclusion, ils synthétisent en une dizaine de principes la révolution qu’ils perçoivent dans les affaires militaires, survenue depuis à peine une vingtaine d’années. On en ressort convaincu que les intellectuels férus de modernité devraient se pencher avec plus d’attention sur les questions militaires. Un livre hautement recommandable.


Le lien http://lepcf.fr/La-guerre-hors-limites-Qiao-Liang
Doctor No
 
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