Inde : la révolte des ouvriers Suzuki

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Message par Vania » 19 Juil 2012, 13:09

a écrit :Inde: des heurts dans une usine Maruti font un mort et de nombreux blessés

Une révolte d'ouvriers contre des responsables d'une usine du constructeur automobile Maruti Suzuki a fait un mort et des dizaines de blessés près de New Delhi, a-t-on appris jeudi auprès d'un cadre du groupe, qui a suspendu la production de l'usine jusqu'à nouvel ordre.

Un corps, brûlé vif, a été retrouvé dans la salle de conférence de l'usine de Manesar, à environ 50 km de la capitale, après les heurts qui se sont produits mercredi, a indiqué à l'AFP ce responsable, sous le couvert de l'anonymat.

Selon Maruti Suzuki, les troubles ont démarré mercredi matin lorsqu'un salarié a violemment frappé un contremaître. Le groupe accuse le syndicat ouvrier d'avoir refusé que des sanctions soient prises et d'avoir empêché les cadres de sortir de l'usine.

Mais selon le syndicat, c'est le contremaître qui a "maltraité" un ouvrier qui se plaignait et qui a été remercié.

"La production a été totalement suspendue", a déclaré à l'AFP un responsable, précisant ne pas savoir quand le site, d'où sortent 550.000 véhicules par an, rouvrirait.

Le titre du groupe, détenu à majorité par le japonais Suzuki, a plongé à la mi-journée de plus de 8% à la Bourse de Bombay, à 1.124,75 roupies (environ 16 euros), les investisseurs craignant que la fermeture de l'usine se prolonge.

Selon l'un des responsables de Maruti, environ 90 contremaîtres ont été blessés et 50 d'entre eux ont été hospitalisés, notamment pour des fractures et des blessures à la tête. Certains ont été admis en soins intensifs.

La police n'avait pas réussi à identifier la personne décédée, le corps étant complètement calciné, a précisé ce responsable. Un policier, Maheshwar Dayal, a toutefois précisé qu'il s'agissait d'un Indien, sans plus de précisions.

Deux cadres japonais ont été blessés et admis dans un établissement privé, a déclaré à l'AFP un autre responsable, sous le couvert de l'anonymat.

"Tous les employés qualifiés ont dû fuir pour échapper à la foule en colère, certains ont sauté par dessus les murs de l'usine", a témoigné auprès de journalistes Virendra Prasad, un contremaître souffrant de blessures à la tête.

Selon la police, qui a déployé des centaines de membres des forces de l'ordre sur le site jeudi, où le calme était de retour, au moins 88 ouvriers ont été arrêtés pour des charges allant du meurtre au pillage.

Dans un communiqué, le constructeur a indiqué que les ouvriers avaient mis le feu à des bâtiments, saccagé des bureaux et endommagé les installations.

L'usine de Manesar emploie 2.000 personnes. Elle produit jusqu'à 1.200 véhicules par jour, dont la mini A-Star, la Swift et la SX4.

Une suspension prolongée de la production serait un revers majeur pour le groupe, qui a accusé un recul de 29% de son bénéfice annuel 2011-2012 à 16,36 milliards de roupies (environ 320 millions de dollars).

A l'automne 2011, des ouvriers de cette même usine avaient observé une longue grève ayant affecté la production, après le renvoi d'employés accusés d'avoir saboté des voitures sur les lignes d'assemblage.


Le lien : http://fr.news.yahoo.com/inde-mort-40-bles...-060639598.html

Malheureusement, cela ressemble plus à une explosion de colère sans perspective. Vivement qu'une nouvelle génération de militants ouvriers révolutionnaires surgisse en Inde. Visiblement, ce n'est pas la matière explosive qui manque.
Vania
 
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Message par Iena » 20 Juil 2012, 01:05

a écrit :Malheureusement, cela ressemble plus à une explosion de colère sans perspective.


Ce n'est peut-être en effet qu'une explosion de colère, mais elle s'inscrit dans le contexte des trois vagues de grève menées pendant l'été et l'automne dernier par les ouvriers de Manesar pour faire reconnaître leur syndicat. Et je me souviens qu'à l'époque déjà, il y avait eu des heurts très violents entre les milices patronales et les grévistes, puis l'occupation de l'usine par la police.

a écrit :Vivement qu'une nouvelle génération de militants ouvriers révolutionnaires surgisse en Inde


C'est précisément le problème qui se posait à Manesar. Les ouvriers du site de Manesar sont très majoritairement des jeunes, sortis des instituts techniques il y a quelques années, et sans aucune expérience de luttes qui ont du tout apprendre en route, et souvent en chutant. Par exemple, à l'issu de la troisième vague de grève, les leaders du syndicat, Sonu Gujjar et Shivkumar, et les 30 membres du comité de grève ont été piégés et ont accepté (sous très fortes pressions) d'être "démissionnés" en échange d'un règlement du conflit sous l'arbitrage de l'Etat et de quelques indemnités pour eux-mêmes. Ce qui évidemment avait décapité le mouvement...
Iena
 
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Message par Vania » 20 Juil 2012, 13:04

Merci pour ces précisions, Iena. L'article du Monde qui suit évoque un peu les grèves précédentes dans l'usine, dont tu parles. Il raconte aussi le recrutement de la main d'oeuvre, beaucoup d'intérimaires, et leur origine sociale, souvent issus de la caste des intouchables.
Tu parles aussi d'instituts techniques. Qui y a vraiment accès?

L'article :

a écrit :Flambée de violence dans une usine Maruti Suzuki de New Delhi

Des heurts d'une rare violence ont éclaté entre des ouvriers et leur personnel d'encadrement dans une usine indienne du constructeur automobile Maruti Suzuki, près de New Delhi, blessant près d'une centaine de manageurs et provoquant la mort du responsable des ressources humaines. Son corps a été retrouvé calciné, dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19 juillet, après qu'une partie de l'usine a été ravagée par les flammes. Dans la foulée, 91 ouvriers soupçonnés de meurtre ou de pillage ont été arrêtés par la police.

Les incidents auraient démarré mercredi matin par une altercation entre un ouvrier et son contremaître. Ce dernier l'aurait maltraité et insulté sa caste – les intouchables – à en croire le syndicat. Un autre ouvrier aurait réagi en le frappant au visage, ce qui lui aurait valu sa suspension immédiate. Des collègues en colère auraient ensuite fermé les portes de l'usine, saccagé les bureaux et battu à coups de barre de fer les manageurs.

Cette flambée de violence met en lumière un aspect moins connu du développement rapide de l'industrie automobile en Inde : les conditions de travail y sont difficiles et le dialogue social tendu. A l'usine de Manesar, où les incidents se sont produits, les ouvriers travaillent huit à douze heures par jour, six jours par semaine. "Pendant notre pause-déjeuner de trente minutes, on a juste le temps de faire la queue à la cantine située à 500 mètres de l'usine, et de manger sur le chemin du retour, et on n'a droit qu'à deux autres pauses de sept minutes et demie chacune", explique l'un d'entre eux qui préfère rester anonyme.

Si tous les employés sont soumis au même rythme de travail et assurent les mêmes tâches, tous ne bénéficient pas du même statut. Plus de la moitié des effectifs de l'usine de Manesar sont intérimaires. Un ouvrier employé par Maruti Suzuki touche un salaire fixe mensuel de 150 euros (10 000 roupies indiennes) auquel s'ajoutent des primes allant jusqu'à 120 euros. Un intérimaire ne perçoit que la moitié de ces revenus, même après des années d'expérience.

Les entreprises indiennes recourent à l'intérim pour contourner un code du travail jugé trop rigide. Par exemple, une usine de plus de 100 employés ne peut pas licencier sans l'autorisation du gouvernement. Les industriels ne font pas que sous-traiter le recrutement de leur personnel à des tiers. Ils leur délèguent surtout la gestion délicate de la relation avec les inspecteurs du travail. Cette tâche est devenue un métier à part entière, complexe et risqué, étant donné les réglementations souvent ambiguës.

"LES INÉGALITÉS SE CREUSENT"

Les ouvriers de l'usine de Manesar avaient déjà réclamé l'intégration des intérimaires lors de trois grèves qu'ils avaient déclenchées l'année dernière. "La tension augmentait ces derniers mois car le management n'avait pas tenu toutes ses promesses", estime Satyam Varna, de l'organisation Bigul Mazdoor Dasta, basée à Delhi, qui défend les droits des ouvriers.

L'augmentation des salaires faisait aussi partie des revendications. L'inflation a atteint les 10 % cette année et frappe les plus bas revenus. Or, les ouvriers de Manesar vivent entre New Delhi, où la classe moyenne éduquée tire profit de la croissance, et des villages, dont certains habitants sont devenus millionnaires en vendant leurs terres à des promoteurs immobiliers ou des industriels. "Les inégalités se creusent, il faut s'attendre à une recrudescence des conflits sociaux", estime R. Jagannathan, le rédacteur en chef du site d'information Firstpost.com.

Le problème de la représentativité des syndicats ne favorise pas le dialogue social. En Inde, les ouvriers sont méfiants vis-à-vis des leaders syndicaux, soupçonnés de corruption et de collusion avec le management, mais aussi vis-à-vis des grandes centrales syndicales affiliées à des partis politiques.

Avec 95 % de la population active indienne qui travaille dans le secteur informel, et ne bénéficie donc pas de protection sociale ni de retraite, une grande réforme du travail s'impose dans le pays, comme l'a reconnu en février le premier ministre indien, Manmohan Singh. Mais le gouvernement hésite à présenter un projet de loi devant le Parlement, par crainte de perdre des alliés au sein de la coalition au pouvoir.

Vendredi matin, l'usine de Maruti Suzuki, qui assemble 550 000 véhicules par an, était toujours à l'arrêt. Cette dernière assurant près de 15 % de la production de voitures du pays, la Société des constructeurs automobiles indiens a aussitôt revu à la baisse les prévisions de croissance du secteur pour l'année 2011-2012. La tragédie de Manesar ne va pas encourager les investissements étrangers, à l'heure où l'Inde, dont le rythme de croissance a ralenti à 5,3 % au premier trimestre, cherche à les attirer pour développer son industrie.


Le lien : http://www.lemonde.fr/economie/article/201...36287_3234.html
Vania
 
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Message par Iena » 20 Juil 2012, 23:29

En effet, plupart des ouvriers de Manesar sont des jeunes (moins de vingt-cinq ans), ce qui leur avaient justement permis de mener la lutte pendant plusieurs mois puisqu'ils n'avaient pas de familles à charge. La plupart d'entre eux sont entrés comme "stagiaires" en 2007 mais seule une partie d'entre eux ont été titularisés en 2010... ce qui a été l'une des causes de la grève de 2011.
Sur les instituts techniques, théoriquement on y entre par concours. Dans les faits, la pratique des quotas de caste a rendu cela très compliqué, d'autant plus que la corruption joue là aussi comme ailleurs.

Ceci-dit à la lecture de la presse indienne et française, on a l'impression qu'il ne s'agit peut-être pas d'une "explosion de colère" des ouvriers, mais plutôt d'une provocation patronale, avec la complicité de la police:

http://tehelka.com/story_main53.asp?filena...90712Maruti.asp

http://blog.lefigaro.fr/inde/2012/07/inde-...es-dans-un.html
Iena
 
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Message par azadi » 22 Juil 2012, 10:20

Il semblerait que ces explosions de violence ne soient que des "aspects" d'une lutte de classe plus large, la manifestation d'une conscience de classe dans l'industrie indienne qui prend la forme de grèves, manifestations ou violences.
En vidéo :
http://al-rouge.blogspot.fr/2012/07/inde-v...ments-dans.html

Ce n'est pas un événement isolé et montre que la classe ouvrière indienne n'est pas muselé par les bureaucraties syndicales ou les professionnels de la révolution pour qui il faut attendre sagement que "les conditions soit mûres".
Il s'agit de mouvements isolés les uns des autres, mais la conscience de classe étant très forte il est souhaitable que ces mouvements diffus aboutissent à l'auto-organisation des ouvriers et une critique plus générale du capitalisme.
azadi
 
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Message par quijote » 22 Juil 2012, 13:12

D'où la nécessité du parti , le plus possible implanté dans la classe ouvrière et qui pourra offrir des perspectives de luttes sans attendre platoniquement que "la situation soit mûre"...
quijote
 
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