L’état d’exception étant toujours en vigueur, les grèves et mouvements sociaux sont interdits. Malgré cela, des mouvements se produisent. Dans l’industrie de la chaussure, notamment, où 50 000 travailleurs sont employés dans diverses villes, presque toujours dans de petites usines. Leur lutte porte sur les conditions de travail mais aussi sur les salaires qui n’ont pas été augmentés depuis presque dix ans. Ils ont réussi à se coordonner et à mener des actions plusieurs semaines durant, en entraînant des travailleurs immigrés syriens. Après plusieurs semaines de lutte, ils ont obtenu en moyenne 50 % d’augmentation.
Dans les mines de charbon de Zonguldak, sur la côte de la mer Noire, les 4 000 travailleurs sont entrés en mouvement début novembre malgré l’opposition de la direction de leur syndicat et les menaces du gouvernement. Celui-ci veut privatiser ces mines comme il l’a déjà fait pour d’autres, mais les mineurs s’y opposent car ils prévoient les conséquences, notamment les accidents comme, en 2014, à la mine de Soma, où 301 mineurs sont morts.
À Zonguldak l’équipe de nuit n’est pas remontée et a occupé la mine, l’équipe de jour restant en surface et entrant à son tour dans le mouvement. Ce mouvement était illégal, mais le gouvernement s’est bien gardé d’intervenir de crainte de déclencher un mouvement général. Il a renoncé à la privatisation après seulement deux jours de grève.
Dans l’industrie d’État du verre, à Lüleburgaz, dans la partie européenne de la Turquie, la direction avait décidé de limiter la production et a licencié 90 travailleurs. Mais au bout de vingt jours de mobilisation, la direction générale a été obligée de les réintégrer dans une autre usine, à Eskişehir. Là aussi les travailleurs ont mené leur lutte eux-mêmes, sans le soutien de la direction de leur syndicat.
Enfin, dans la métallurgie, les conventions collectives auraient déjà dû être renouvelées depuis septembre, entre les patrons et la direction syndicale, mais à ce jour rien n’est encore en discussion. Le patronat voudrait imposer des augmentations très inférieures au coût de la vie. Les syndicats, notamment le plus puissant, Türk-İş, ont déjà eu des problèmes au printemps 2015 lors du renouvellement de la convention, notamment chez Renault à Bursa. Lors de réunions préparatoires avant l’été, les travailleurs les ont prévenus que, s’ils signaient des conventions collectives sans leur consentement, ils ne les accepteraient pas.
Visiblement, malgré l’atmosphère répressive, le gouvernement et le patronat craignent toujours les réactions de la classe ouvrière. Et après le référendum d’avril, lorsque le gouvernement a tenté de diminuer les indemnités de licenciement, le patronat lui-même a réagi en expliquant que ce n’était vraiment pas le moment.
L’état d’exception n’a pas paralysé la classe ouvrière. Quant aux gesticulations d’Erdogan, face au mécontentement général, il n’est pas sûr qu’elles fassent impression encore longtemps.
Retour vers Actualités internationales
Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 25 invité(s)