Quel carnaval !

Dans le monde...

Quel carnaval !

Message par com_71 » 27 Fév 2017, 03:30


Haïti: le carnaval n'est pas du goût des sinistrés de l'ouragan Matthew
Amelie BARON AFP 26 février 2017


Les Cayes (Haïti) (AFP) - Les dépenses réalisées pour l'organisation du carnaval national dans la ville des Cayes exaspèrent les familles frappées il y a cinq mois par l'ouragan Matthew et qui vivent encore dans des conditions inhumaines.

Assis dans les ruines d'une maison située en bord de falaise, Starjuin Régent confectionne des nasses en bambou. A défaut de pouvoir reprendre la pêche, il essaie de survivre en vendant ce petit matériel.

"J'ai perdu mon bateau, ma maison a été détruite. Je me démène seul pour me rétablir mais c'est dur: ma fille vient d'être renvoyée de l'école car je n'avais pas payé", raconte l'homme de 35 ans au regard fatigué.

Starjuin n'a reçu aucune aide pour relancer son activité ou entamer la reconstruction de son petit logement, dont il ne reste que la dalle et deux poteaux. Lui et sa famille ont été accueillis par leur voisin à qui une ONG étrangère a donné une bâche de plastique pour remplacer son toit effondré.

- "Beaucoup de blabla" -

"L'action publique pour aider les citoyens, on n'a jamais vu ça: c'est seulement la bamboche et beaucoup de blablas à la radio", dénonce Starjuin avec colère.

Car à une trentaine de kilomètres, l'heure est à la fête: la ville des Cayes accueille cette année le carnaval national, sur décision du nouveau président Jovenel Moïse.

Alors qu'il n'avait pas encore prêté serment, M. Moïse avait annoncé que les festivités, traditionnellement organisées dans la capitale Port-au-Prince, auraient lieu cette année dans la troisième ville du pays.

"Le président Jovenel Moïse a estimé que nous avions un devoir de solidarité vis-à-vis des Cayens mais aussi des populations du grand Sud", avait indiqué Lucien Jura, alors porte-parole de l'équipe de transition du président.

A l'heure de l'ouverture des trois jours gras, le discours des autorités se fait plus réservé quant aux retombées positives sur l'économie de la région.

"Le carnaval n'amène rien directement aux sinistrés mais, au niveau global, il est évident qu'il y a beaucoup d'activités commerciales: les petites marchandes ont plus d'occasions de faire de l'argent" explique Gabriel Fortuné, le maire des Cayes.

Des stands décorés alors que la peinture est à peine séchée, des hôtels qui affichent complets, et des musiciens qui défilent chaque nuit en drainant des petits groupes de fêtards: l'effervescence est réelle dans la ville côtière.

"On pourrait facilement avoir un million de personnes à participer au carnaval venant principalement des Cayes mais aussi de la diaspora et de Port-au-Prince", espère Carel Pedre, le porte-parole du comité d'organisation.

En pleine crise économique, avec une dette nationale dépassant les 2,2 milliards de dollars américains, la facture pour les trois jours de fêtes aux Cayes s'élève à plus de 3,6 millions de dollars.

"Le budget global s'élève à 240 millions de gourdes dans lesquels la part de l'Etat est de 50 millions", a confirmé M. Pedre.

- "On gaspille l'argent" -

Les familles sinistrées qui n'ont pas un toit pour se protéger des pluies digèrent mal cette allocation de fonds publics, d'autant que les retombées économiques sont loin de s'être concrétisées.

"Je n'ai pas trouvé un petit job avec le carnaval: les gens qui construisent les stands viennent de Port-au-Prince alors ils n'ont pas besoin de nous", se désole Cadet Préneau, dont la maison à 20 kilomètres des Cayes a été emportée par la mer lors du passage de l'ouragan.

"On aurait dû annuler ce carnaval: on gaspille l'argent, y'a rien de sérieux car le pays est détruit, pas seulement ici à cause de Matthew mais partout", dit-il.

Première décision de Jovenel Moïse comme président, ce carnaval signe le retour à la musique de l'ancien chef d'Etat Michel Martelly. Ce dernier fait partie, sous son nom de scène Sweet Micky, de la vingtaine de formations musicales sélectionnées par le comité, ainsi que le groupe de ses fils.

Lucknor Nestin enrage devant ce qu'il considère être une politisation du carnaval, dont le thème "Ensemble pour que le Grand sud se relève" l'énerve encore davantage.

"C'est seulement pour Martelly et Jovenel, pour le secteur bourgeois mais pas pour les malheureux", peste ce jeune habitant de Port-Salut, à 30 kilomètres des Cayes.

"On se résigne à ne pas être des Haïtiens: vu les conditions dans lesquelles on est, c'est clair qu'on vit comme des animaux, pas comme des hommes", soupire Lucknor en retournant dans son abri en tôles usagées récupérées après l'ouragan.


photos : https://fr.news.yahoo.com/ha%C3%AFti-ca ... 03613.html
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Retour vers Actualités internationales

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 8 invité(s)