Donc, pour résumer :
- Il y a des militants trotskystes de diverses obédiences dans le reste de l'Espagne (dont nos camarades de Voz Obrera à Séville et IZAR dans plusieurs villes), qui défendent avec leurs faibles moyens l'idée d'une politique indépendante pour la classe ouvrière, et cherchent à susciter un sentiment de solidarité des travailleurs espagnols face à l'attitude du gouvernement central contre la population catalane ; mais il n'y en a pas ou pratiquement pas en Catalogne même.
- En Catalogne, il y a des organisations "d'extrême gauche" comme Anticapitalistas (qui fait partie de Podemos et qui ne parle ni de trotskysme ni de communisme dans sa rubrique "qui sommes-nous") et la CUP, parti de la gauche radicale catalane indépendantiste, bref, des organisations qui ne peuvent ouvrir aucune perspective communiste et sont aux antipodes d'une politique pour la classe ouvrière qui soit indépendante de la petite bourgeoisie réformiste.
La grève générale en Catalogne est présentée dans les médias comme "bien suivie", mais hormis le secteur des transports (transports publics et port de Barcelone), ne sont mentionnés que les universités, le football club de Barcelone et le personnel de la Sagrada Familia (fermée au public)...
Peut-être y a-t-il bien d'autres secteurs. Mais à la question d'un intervenant sur le site du Monde, sur la participation des Catalans à la grève, il est répondu ceci :
Le syndicat catalan Cecot, deuxième organisation patronale pour les PME dans la région, a annoncé qu'à midi, environ 90 % de ses entreprises adhérentes étaient en grève. Ce chiffre se fonde sur un sondage effectué auprès d'un millier de sociétés, sur les quelque 50 000 adhérents qu'il compte.
70 % des arrêts de travail sont dus à une décision patronale, 20 % à un accord salariés-patron et 10 % à l'exercice du droit de grève par les syndicats, précise le communiqué.
Et dans un autre post :
Le port de Barcelone et le marché alimentaire de gros de Catalogne quasiment à l'arrêt
"La paralysie est quasi totale. Elle affecte les dockers et les transporteurs. Il n'y a ni activité maritime ni terrestre", explique une porte-parole du port de Barcelone, le troisième d'Espagne pour les marchandises, et l'un des plus importants d'Europe pour les croisières. Seul un service minimum est assuré, pour la circulation de passagers et de produits périssables ou dangereux. Environ 32 000 personnes travaillent habituellement dans le port.
De même, "la grève est pratiquement totale, il n'y a pas d'activité", selon une porte-parole de Mercabarna, premier marché de gros d'Europe pour les fruits et légumes, devant la plateforme de Rungis, près de Paris. Dans ce lieu qui compte 770 entreprises, cette partie consacrée aux fruits et légumes "est complètement fermée", tout comme la section produits de la mer. Un tiers des commandes des secteurs fleurs et viande ont été honorées "pour couvrir les urgences", a précisé la porte-parole.
Il n'est pas précisé exactement qui est en grève, combien de grévistes cela représente, et si les grèves sont à l'initiative des patrons ou des travailleurs.
On sait aussi que les principaux syndicats des usines automobiles Volkswagen-SEAT (14.500 personnes) ont décidé de ne pas appeler à la grève, tout en exprimant une solidarité avec les victimes des violences policières durant 5 mn à la pause de midi.
http://www.abc.es/economia/abci-trabaja ... ticia.htmlMais difficile de savoir si c'est juste de la défiance de bureaucrates syndicaux, ou si cela reflète une véritable réserve, une vraie méfiance quant au mouvement indépendantiste, de la part des travailleurs eux-mêmes.
A Tarragone, des grèves (mais de qui exactement ?) entravent l'activité du port, le vaste complexe pétrolier et pétrochimique doit tourner au ralenti mais son personnel n'est pas lui-même en grève. Dans la ville, on retrouve le même profil de grévistes qu'à Barcelone : transports publics et étudiants.
http://www.eleconomista.es/economia/not ... nimos.htmlEn tout cas, on ne voit rien qui semble témoigner d'une quelconque activité militante au sein de la classe ouvrière pour que la grève s'exprime de manière indépendante du patronat, et tout ce qui se fait dans le sens de la grève semble totalement à la remorque des indépendantistes.
Cela pourrait pourtant être l'occasion d'expliquer aux travailleurs qu'il ne faut pas se laisser avoir, qu'il faut mettre en avant nos revendications propres, toutes origines de travailleurs confondues, si l'on veut faire autre chose que simplement tirer les marrons du feu pour le compte de nos patrons. Qu'il faut profiter de cette période d'agitation pour poser sur la table tous les sujets que la bourgeoisie madrilène et catalane ne veut pas que l'on pose. Bref, qu'il faut une réaction ouvrière qui échappe au contrôle de la bourgeoisie catalane grande, moyenne ou petite (et qui la pousserait vite à se retourner contre un tel mouvement). Qu'il faut rechercher la solidarité auprès des autres travailleurs d'Espagne etc.
Mais si ce genre de politique n'a aucun militant pour la porter, ça ne risque pas d'arriver. Jamais envisagé, jamais défendu, donc jamais réalisé... (voilà le triste bilan d'une extrême-gauche qui a rompu avec les idées communistes et n'est sans doute que marginalement présente dans la classe ouvrière !)
La situation n'est pas la même que dans les années 1930, certes. Mais du côté du nombre de militants trotskystes (et je ne parle pas du POUM), c'est à se demander si, dans une ville comme Barcelone, il n'y en a pas MOINS aujourd'hui qu'à l'époque où il n'y en avait pourtant qu'une poignée !