Sur le plan des intérêts de la classe ouvrière, de la dynamique de l'activité politique indépendante de la classe ouvrière, faut-il, selon vous, que soit créé réellement (armée, justice, fiscalité propre, etc.) ce nouvel Etat-nation appelé République démocratique et sociale catalane, qui a été proclamé il y a quelques jours ?
Quel est le niveau d'activité de la classe ouvrière dans les événements, en Catalogne ? Y a-t-il des organisations ouvrières, mêmes très petites, intervenant en soutien de la petite et moyenne bourgeoisie catalane, mais avec leur programme communiste propre, basé sur la révolution permanente et le programme de transition ? Si quelqu'un a des infos sur la présence du courant marxiste trotskyste sur place, je suis preneur.
Est-il possible, selon vous, qu'en l'absence d'un parti communiste prolétarien indépendant puissant intervenant en Catalogne et en Espagne (comme ailleurs d'ailleurs), les événements actuels, y compris s'ils conduisent à la création d'un nouvel Etat nation, soient positifs pour le prolétariat, et notamment pour son activité politique de classe ?
Autre question, notamment aux camarades de LO, qui n'en parlent pas dans leurs derniers articles : comment articulez-vous la position de LO et le principe si connu dans le mouvement ouvrier, de
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à créer leur Etat, y compris sous direction bourgeoise ?
J'ai aussi en tête ce texte de Lénine très fameux
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/01/19160100.htmEvidemment, les camarades de LO me diront que Lénine parlait à une époque où il existait des partis prolétariens indépendants puissants et des prolétaires ayant une forte conscience de classe, mais qui avait été trahie par leurs dirigeants... On en est probablement pas là aujourd'hui.
A signaler que la LCI/Bolchévik a consacré son dernier numéro du
Spartacist à la question nationale. Je me doute que les camarades de LO ne sont pas du tout d'accord, pour le moins, avec les thèses défendues dans cette brochure, mais je le signale tout de même, car même si l'on n'est pas d'accord, il est nécessaire de réfléchir à ces questions en se confrontant à d'autres points de vue (N'est-ce pas d'ailleurs, là je change de sujet, quelque chose qui ne se fait plus assez entre les différents groupes communistes révolutionnaires en France et ailleurs : la confrontation des points de vue sur divers sujets intéressant la construction du parti ?).
Dans la dernière LDC, cet article avec notamment ce passage :
« Le 1er octobre, la participation ne fut donc pas un succès éclatant pour le camp indépendantiste, mais elle était considérable. L’électorat indépendantiste est en partie un électorat de droite, constitué pour une bonne part d’électeurs petits-bourgeois ou des membres les mieux lotis de la classe ouvrière, mais aussi très largement par des petites gens des classes populaires, qui pensent qu’ils vivront mieux dans une Catalogne indépendante. La classe ouvrière de Catalogne est loin d’être toute acquise à l’idée de l’indépendance. Nombreux sont ceux parmi les travailleurs qui n’ont pas participé au référendum, d’autant plus que la classe ouvrière est en bonne partie composée de travailleurs originaires d’autres régions, en particulier d’Andalousie, et plus récemment d’immigrés du Maghreb. »Comme le dit l'article, 90% de 40%, dans un contexte répressif et d'oppression idéologique de la Castille "impérialiste" (représentante ici du grand capital international), c'est "considérable". Selon vous, camarades de LO, y a-t-il une augmentation remarquable de l'activité "de classe" des prolétaires en Catalogne ? Est-ce que l'on peut dire cela ? Que penser de ces comités de défense des référendum évoqués dans le journal du POID ?
Pensez-vous que la classe ouvrière de Catalogne soutient, mais sans utiliser sérieusement ses armes propres pour le moment, la lutte de libération nationale menée par une fraction de "la bourgeoisie petite et moyenne" catalane ?
Peut-on aller voir ces prolétaires demeurant en Catalogne en leur disant que nous, communistes trotskystes, sommes contre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Dans toute société, l'idéologie dominante est celle de la classe dominante. Les préjugés réactionnaires ou utopiques de la bourgeoisie sont également dans le cerveau des prolétaires, du moins jusqu'à l'émergence d'un parti prolétarien communiste. Mais est-ce une raison pour ne pas intégrer cette lutte de libération nationale, en gardant son indépendance organisationnelle et programmatique ? Si on n'y va pas, ne va-t-on pas se couper d'une partie de la classe ouvrière qui, de toute façon, vu la période de crise économique dans laquelle nous sommes, va continuer à intervenir, mais le fera sur des bases nationalistes anticommunistes ?
La question nationale n'est-elle pas un formidable accélérateur de l'histoire ? Mais est-ce le cas aussi en l'absence d'un parti prolétarien indépendant ? Les camarades LO peuvent me rappeler que, tant qu'il n'existe pas un parti, les trotskystes allant militer aux côtés ou dans des courants nationalistes petits-bourgeois finissent "happés"...
Autre question évoqué dans les articles de LO et de la LDC : la présence de deux nationalismes. Mais ne faut-il pas aller plus loin dans la description du poids et de l'influence respectifs de ces deux nationalismes ? Sans pour autant tomber évidemment dans le soutien aveugle au nationalisme plus petit et abandonner son programme communiste.
Autre point qui est rarement évoqué, et qui est, je crois, une des causes profondes du nationalisme catalan. Il s'agit de l'existence de la langue catalane, qui est une langue maternelle commune à un groupe de personnes, différente d'autres groupes voisins.
La langue maternelle d'une grosse fraction de la population de Catalogne Sud est notamment le catalan. Que ce soit réactionnaire ou pas, à l'époque de la mondialisation, c'est un fait.
Je ne crois pas que la situation soit identique à ce que l'on voit en France, en Catalogne Nord, en Bretagne par exemple. Non, en Catalogne Sud, il y a encore des familles, beaucoup de familles, qui parlent catalan au quotidien. C'est un fait social incontournable. La langue de l'amour maternel, la langue de l'intimité est le catalan.
Or le catalan, langue millénaire, porteuse d'une histoire (réelle, mythique et littéraire) riche, est une petite langue qui ne compte que quelques millions de locuteurs, quatre ou cinq millions. Beaucoup moins, donc que le nombre de locuteurs « maternels » de la langue de l'Etat espagnol (437 millions). Cette langue est la troisième la plus parlée dans le monde. Il s'agit d'un impérialisme linguistique de premier plan. Le français ne compte par exemple que 76 millions de personnes pour qui elle est la langue maternelle.
Il s'agit ici, sur le plan linguistique, de la survie à brève échéance (quelques générations tout au plus) du catalan face au castillan. L'existence du catalan n'est-elle pas condamnée d'ici à quelques décennies, ou survivant à l'état de folklore comme l'occitan, le provençal, le picard en France ? Peut-on comparer cette situation à celle qui est faite au français du Québec ?
Cet état de violence fait à ceux dont le catalan est la langue maternelle n'est jamais souligné. Or il y a bien une lutte entre deux langues, à l'heure actuelle. Il s'agit d'un fait social sur lequel peut se greffer, dans un contexte donné, une colère sociale, avec un contenu de classe donné.