Plus largement, les luttes ouvrières de cette année, ainsi que le rôle des camarades de l'OTR, et les manoeuvres de certains "syndicalistes" qui ont été déjouées, sont décrits dans l'intervention faite au congrès de LO :
Quelques mois après l’installation du gouvernement le 7 février, une importante mobilisation ouvrière qui a duré environ trois mois – de mai à juillet 2017 – allait en finir avec le peu d’illusions qu’on avait sur lui dans la classe ouvrière. Prisonnier des patrons, Jovenel Moïse, petit patron lui-même, n’avait pas voulu ajouter un centime au salaire minimum, jusqu’à l’intensification des manifestations ouvrières qui l’ont contraint à le faire.
On chiffrait entre 15 000 et 20 000 les travailleurs qui défilaient à chaque manifestation vers le Palais national, le Parlement ou en direction du ministère du Travail pour exiger la revalorisation du salaire minimum.
Ce mouvement social occupe l’actualité pendant tout un trimestre. La presse bourgeoise était obligée d’en parler. Et certains journalistes ont pris fait et cause pour les ouvriers en condamnant publiquement la répression policière contre les manifestants qui travaillent beaucoup et gagnent très peu.
Dès le début de l’année 2017, en février, l’OTR a lancé une campagne sur la zone et dans la presse pour l’augmentation du salaire minimum et l’amélioration des conditions de travail. Cette agitation devait culminer au 1er mai avec une manifestation pour commémorer cette date. La manifestation a eu lieu avec quelque 300 participants et a été relayée par la presse et surtout sur la zone industrielle, où cela alimentait les conversations quotidiennes. Sitôt informés des échos positifs de la manifestation, nous avons prolongé l’agitation via des tracts. Accueil chaleureux par les travailleurs. L’idée de continuer la mobilisation prenait corps progressivement dans la classe ouvrière, ce qui a poussé des syndicats du textile à lancer un appel à la manifestation, toujours pour la revalorisation du salaire minimum. Les ouvriers s’apprêtaient à répondre massivement à l’appel, quand ces mêmes syndicalistes ont décidé d’annuler leur mot d’ordre et de différer la manifestation à une date ultérieure, arguant qu’ils étaient en négociation avec le gouvernement. Les ouvriers étaient déçus et en colère, traitant les syndicalistes de petits magouilleurs, de sous-fifres des patrons.
Certains de nos camarades d’entreprises nous ont conseillé de ne pas mettre les pieds ce jour-là sur la zone, craignant qu’on ne soit pris à partie par les ouvriers en colère contre les syndicalistes, avec lesquels la majorité nous confond. On a choisi de s’y rendre quand même avec des tracts appelant les ouvriers à ne compter que sur eux-mêmes, à manifester avec ou sans les syndicalistes. Le début des échanges n’a pas été facile mais, au final, ils ont applaudi les camarades et les tracts sont partis comme des petits pains. C’était pour nous une petite victoire de nos idées et de notre tactique.
Les syndicalistes se sont vite ravisés en lançant sans tarder un autre appel pour la semaine suivante. Plusieurs milliers de travailleurs se sont présentés sur les lieux de travail avant de descendre dans les rues pour exiger l’augmentation du salaire minimum. À chaque appel, cela a été ainsi, pendant environ un trimestre, ponctué de manifestations et de grèves. Pas besoin de dire que les patrons étaient furieux mais ils jouaient sur deux tableaux. Dans la presse, ils montaient au créneau pour vanter la gentillesse de leurs ouvriers respectueux et laborieux en tirant à boulets rouges sur des syndicalistes violents, radicaux et d’autres fauteurs de trouble venant semer la pagaille au sein de leurs entreprises. Tandis que dans les entreprises, ils réagissaient violemment, en appelant la police pour tabasser les ouvriers à l’intérieur même de certaines usines, en révoquant ceux pointés du doigt comme des leaders. Il y a eu donc une vague de révocations mais la majorité des ouvriers licenciés se sont fait embaucher dans d’autres usines parce que les patrons ont aussi besoin de main-d’œuvre expérimentée pour exécuter leurs commandes dans le meilleur délai.
Les représailles des patrons ont certes provoqué une certaine démoralisation chez des travailleurs mais la majorité ont gardé cet état d’esprit combatif pendant toute l’année en débrayant de temps à autre pour protester contre tel abus ou telle injustice. Récemment, des travailleurs d’une entreprise ont observé une semaine de grève pour exiger le retrait d’une taxe prélevée sur leur salaire. Plus d’une douzaine d’autres ont enchaîné et ont obtenu également gain de cause. Cela a été une réaction presque simultanée de milliers de travailleurs d’usines différentes qui se sont soulevés comme un seul homme pour protester contre la perception de cette taxe par la direction des entreprises. Les travailleurs acquièrent progressivement de la conscience. Ils relèvent la tête et ont compris que c’est par la lutte qu’ils arracheront la satisfaction à leurs revendications. C’est un pas qualitatif qui n’est pas passé inaperçu. […]