par Duffy » 27 Mai 2020, 16:46
On ne peut pas vivre que de "si" (s'il y avait eu des masques, s'il y avait eu des tests, s'il y avait eu des lits en nombre suffisant, etc.). Dénoncer, sur tout ces points, la responsabilité du gouvernement, de l'État et des capitalistes, c'est évidemment juste ; dénoncer le fait qu'avec le confinement tout le poids de la crise sanitaire a pesé (et pèse encore...) sur les travailleurs et sur les plus pauvres, c'est encore juste. Personne ne remet ça en cause, à ma connaissance.
Mais il faut aussi se demander comment répondre aux problèmes concrets, immédiats, que se posent ceux qui nous entourent.
Imaginons une discussion dans la deuxième quinzaine de mars :
Un collègue qui aurait exprimé cet avis assez largement partagé : "On risque de crever ou de faire crever nos familles en allant s'entasser au boulot."
Et il aurait fallu lui répondre : "Le confinement est une mauvaise solution, il faut le lever immédiatement. La solution, ce sont les masques partout et les tests massifs."
Masques et tests qui n'existaient pas... Franchement, ça n'a aucun sens !
Je n'ai pas pas la réponse miracle, mais il me semble (si l'on est militant) que la seule réponse possible va dans le sens de dire : "tu as raison, que sommes-nous prêts à faire ?" Bien sûr, cela doit aller de pair avec des discussions sur l'irresponsabilité capitaliste, et sur le contrôle que l'on doit se donner l'objectif d'imposer. Bref, on doit faire notre boulot de militant communiste. Mais ça ne peut certainement pas se résumer à une discussion sur les vertus abstraitement comparées du confinement ou des mesures prises ici ou là (et moins encore à prendre position sur les recettes miracles du Docteur machin ou bidule, ce qui ne veut pas dire, encore une fois, ne pas pointer du doigt tout ce qu'il y a d'absurde et de criminel dans le fonctionnement de la médecine et de la pharmacie dans la société capitaliste)... ça, ça vaut pour les discours des politiciens qui prétendent faire mieux, pour peu qu'on leur laisse les clés. C'est juste désarmant.
Parce que le problème du confinement ne se pose pas abstraitement ou dans l'absolu comme le fait logan depuis trois mois, en se faisant au passage le relais insistant de positions (sur les vertus de la chloroquine, sur la faible dangerosité du covid-19... une grippette) discutables, voire parfaitement fantaisistes. Le problème se pose pratiquement, à partir des préoccupations des travailleurs et des plus pauvres et des pas que l'on pourrait essayer de faire avec eux, en les rassemblant autant que possible (et déjà, en évitant de favoriser des divisions...), pour que l'on défende notre peau à partir de là où on se trouve.
Fallait-il, oui ou non, refuser d'être déconfiné d'une main dans les entreprises et les transports, alors que le confinement s'imposait de l'autre sans qu'aucune autre solution pratique immédiate n'existe (faute de moyens matériels comme dit plus haut ; mais aussi faute d'organisation des premiers concernés, dans les entreprises et les quartiers populaires, pour qui c'était déjà très compliqué d'arriver à ne pas risquer d'être contaminé au boulot, alors de là à poser le problème, autrement que de façon propagandiste, d'imposer la contrainte et la discipline à même de limiter l'épidémie de façon consciente et collective... même s'il était possible de discuter de ce que serait une forme ou une autre de confinement à nos propres conditions) ? Fallait-il, oui ou non, en l'état, prendre son parti du confinement, même bureaucratique et policier (ce qui ne veut pas dire passer cela sous silence, ni les saloperies que le gouvernement a fait passé à l'occasion, ni rien de ce goût...), sans jouer aux apprentis savants et sans opposer les sentiments mêlés et contradictoires de ceux qui nous entourent, et donc sans opposer une partie des nôtres à une autre (entre le poids du confinement et les risques liés au virus, on a certainement tous été confrontés à ce problème) ? Fallait-il défendre, alors que l'épidémie se propageait, l'arrêt des chaînes dans l'automobile, l'aéronautique et bien d'autres secteurs et inviter les travailleurs à prendre leur sort, à ce niveau-là en tout cas, en main ; ou fallait-il défendre la levée -sous prétexte que ce n'était pas la solution idéale dans l'absolu- du confinement tel qu'il a existé (parce que demander l'arrêt de ces entreprises, cela signifiait, de fait, l'extension du confinement... tout en pointant au passage l'hypocrisie du gouvernement et des capitalistes... et c'était justement le bout par lequel une fraction des travailleurs pouvait poser concrètement le problème d'un type de confinement à leurs conditions - ou en partie au moins), mais sans solution de repli disponible en pratique ?
Bref, ça peut avoir son intérêt de rediscuter de tout ça et de bien d'autres choses dans le détail, certainement qu'on y trouverait matière à se poser ces questions sous un rapport différent, ou à se poser des problèmes qui nous avaient échappés, ou bien peut-être à moduler ou revoir bien des choses. Mais la réalité, c'est que le confinement s'est imposé, et qu'il s'est imposé de la seule manière que connaît l'État bourgeois, surtout en contexte de crise, surtout un État et un gouvernement jouissant déjà d'un crédit limité : de façon bureaucratique et policier ; mais il s'est imposé. Ce n'est pas la force de la dénonciation (indispensable, encore une fois) de ce caractère-là, ni de la responsabilité (ou l'irresponsabilité...) des Macron, Véran et autres qui pouvait transformer à elle seule cette réalité ; pas plus que la puissance créatrice de la pure volonté... (le confinement est une mauvaise solution, il suffirait de ceci ou de cela... bien, d'accord...). Le problème était : comment intervenir à partir de cette réalité en étant compris et à même d'aider à ce qu'agissent pour eux-mêmes ceux que l'on a autour de nous, ce sur qui le poids du confinement (et du déconfinement concomitant dans les transports et les entreprises) reposait. Je ne sais pas si on a épuisé cette discussion (qui est d'ailleurs bien difficile à poser de façon si générale) probablement pas... mais ce n'est pas logan qui y aidera, puisqu'il n'a eu pour elle que mépris depuis trois mois.