En Turquie, les opposants resteront en prison
Publié : 13 Avr 2020, 10:23
Pour désengorger les prisons surpeuplées, le Parlement travaille sur un projet d’amnisties massives qui fait polémique. Il exclut les prisonniers politiques.
Ouest-France De notre correspondant à Istanbul, Zafer SIVRIKAYA, avec ... Publié le 13/04/2020 à 10h45
Près de 90 000 détenus, soit un prisonnier sur trois, pourraient bénéficier d’une libération anticipée en Turquie. Les prisons y sont surpeuplées et les conditions sanitaires, souvent critiques, risquent de favoriser la propagation du Covid-19, qui a déjà fait officiellement plus de 1 100 morts dans le pays. Mais la loi de réforme pénale sur laquelle planche le Parlement soulève déjà un tollé : ces libérations anticipées ne concerneront pas les dizaines de milliers de prisonniers politiques. Comme l’ancien Président du parti pro-kurde Selahattin Demirtas ou le philanthrope et homme d’affaires Osman Kavala.
Idem pour l’écrivain Ahmet Altan, condamné à dix ans et demi de prison pour la publication de trois articles. Il est incarcéré dans la prison de haute sécurité de Silivri depuis septembre 2016. " "C’est terrible. Je n’ai pas pu le voir depuis deux mois, à cause du confinement, témoigne son frère, le professeur d’économie Mehmet Altan. Je suis très inquiet. Il dort dans sa cellule, avec un codétenu. Il a accès à l’eau et au savon, mais la situation est très préoccupante. Ahmet a dit à son avocat qui si le coronavirus entre à Silivri, ce sera un feu de forêt. »
Une discrimination « scandaleuse »
« C’est une honte, s’indigne aussi Ömer Faruk Gergerlioglu, député du HDP (parti pro-kurde). Les personnes âgées et les malades devraient bénéficier des mêmes possibilités de libération sans que l’on discrimine en fonction de leurs opinions politiques ! Pas de liberté pour les terroristes, entend-on. Mais sur quels critères ces gens peuvent être appelés terroristes alors qu’ils n’ont jamais tenu d’armes, ni même appelé à la violence ? Cette amnistie va simplement faire de la place pour mettre plus d’opposants en prison ! »
Une discrimination « scandaleuse » pour Gülseren Yöleri, avocate et Présidente de l’association des Droits de l’homme. Elle redoute aussi « la libération de détenus condamnés pour des violences physiques ou sexuelles contre des femmes ou des enfants, ce qui risque de renforcer encore davantage l’impunité dont jouissent ces crimes dans le pays ».
En Turquie, les opposants resteront en prison