Palestine - Israël : nouvelle guerre

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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par Nero » 09 Nov 2023, 10:40

Pour les camarades interessés par les positions du NPA-Révolutionnaires, un dossier important (en termes de longueur ! politiquement, à chacun de se faire son opinion... :) ) de cinq articles sur le site :

https://nouveaupartianticapitaliste.fr/dossier-palestine/
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 09 Nov 2023, 15:13

Nero a écrit :un dossier important (en termes de longueur ! politiquement, à chacun de se faire son opinion...)

Les mots "parti révolutionnaire", c'est vraiment interdit ? ;)
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 12 Nov 2023, 08:42

Le député LFI David Guiraud est mis en cause à propos de sa référence (paraît-il hésitante) aux massacres de Sabra et Chatila (1982). Il a évoqué un parallèle entre la responsabilité, alors, du gouvernement israélien, et la responsabilité, aujourd'hui, du gouvernement israélien, dans la guerre en cours. À ce sujet il est bon de relire, entre autres, les articles de LO, dont l'éditorial et la page 5, le 25 septembre 1982, sur Sabra et Chatila.
https://presse.lutte-ouvriere.org/media ... o-0747.pdf

Sur le même sujet il y a l'excellente enquête d'Amnon Kapeliouk, journaliste de Haaretz, Enquête sur un massacre - Sabra et Chatila, Seuil, 1982. Ici en ebook .epub :
https://transfert.free.fr/rAIhscv
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par Zorglub » 12 Nov 2023, 10:12

Dans une vidéo captée lors d’un déplacement à Tunis, on peut entendre le député « insoumis » prononcer la phrase suivante : « Le bébé dans le four, ça a été fait, en effet, par Israël, la maman éventrée, ça a été fait, c’est vrai, par Israël. » Puis, après une hésitation : « Je crois que c’était à Sabra et Chatila. »

Citation Le Monde

Ce député remplace la Phalange maronite par Tsahal, qui n'en a été «que» le soutien. Comme le titre du LO posté par Com : «Les massacreurs et leurs complices».
Outre les références de Com (merci), on peut aussi (re)voir le film Valse avec Bachir d'Ari Folman.
Cela dit, un branquignol ne rend pas moins crasses les attaques des serviteurs d'Israël et de l'impérialisme.
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 15 Nov 2023, 11:10

com_71 a écrit :Surprise à la consultation du site du SWP américain, maintenant "néo castriste":
Soutenons le droit à l'existence d'Israël, réclamer un cessez-le-feu c'est soutenir le Hamas"
Unlike Hamas, Israeli forces target military assets, not civilians.

http://themilitant.com

Et en annexe une question pour notre spécialiste des circonscriptions électorales étatsuniennes (il se reconnaîtra), "à quel scrutin en 2023 peut bien être candidat le SWP ?"
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par Plestin » 16 Nov 2023, 20:31

com_71 a écrit :"à quel scrutin en 2023 peut bien être candidat le SWP ?"


En 2023, il va falloir se dépêcher :lol:

Alyson Kennedy, ex-candidate du SWP à la Présidentielle, a été candidate cette année à la mairie de Fort Worth, une grosse ville du Texas proche de Dallas où elle a obtenu 2.206 voix et 5,2% (dans une ville où tous les candidats y compris les plus gros étaient considérés comme sans étiquette de parti : aucun Démocrate ni Républicain).

Pour 2024, comme je le comprends, il y aura des candidats SWP principalement pour des postes de conseillers municipaux ou parfois à l'échelle d'un comté, dans les villes de New York, Philadelphie, Seattle, Minneapolis, Cincinnati et dans un secteur du New Jersey. Surtout, le SWP compte faire une campagne "exemplaire" pour tout le pays à partir de la candidature de Laura Garza, cheminote, en Californie pour le Sénat.

Mais leur position tant sur l'Ukraine que sur Israël-Palestine est carrément affligeante.
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par Plestin » 23 Nov 2023, 19:19

Voici un article du site LO tout frais, sur "L'extrême gauche, la question palestinienne et le Hamas".

https://www.lutte-ouvriere.org/lextreme ... 27797.html
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 24 Nov 2023, 09:36

Et il aura fallu que LO "réécrive" une partie de l'article de RP, où le rédacteur, s'«emmêlant les pinceaux», avait plus que probablement exprimé le contraire de sa pensée.
À comparer, ci-dessous, les passages grasseyés...
Boileau disait justement : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément.» ;)

RP a écrit :...Dire cela ce n’est évidemment pas refuser la fraternisation avec les travailleurs israéliens, mais comprendre que celle-ci ne peut être articulée que dans le cadre d’une stratégie ouvrière et révolutionnaire qui défend l’auto-détermination du peuple palestinien. Or, a contrario, LO utilise la fraternisation pour substituer discrètement la lutte de libération nationale palestinienne à une lutte des « travailleurs » contre « les classes dominantes ». Dans son dernier édito, LO explique ainsi : « L’espoir ne peut venir que des peuples eux-mêmes. (…) Il viendra de ceux qui comprendront la nécessité de combattre le capitalisme et la grande bourgeoisie, dont la politique est de dresser les peuples les uns contre les autres pour asseoir sa domination. Renverser l’impérialisme pour établir une société égalitaire, débarrassée de l’exploitation et des rapports de domination est la seule issue pour l’humanité. Cette perspective est à l’opposé des politiques nationalistes visant à défendre les intérêts d’un peuple au détriment des autres. »


réponse LO a écrit :Un apartheid existe en effet, notamment vis-à-vis des Gazaouis et des Palestiniens de Cisjordanie, mais l’article du 30 octobre semble ignorer les deux millions de Palestiniens vivant en Israël, et qui travaillent souvent aux côtés d’Israéliens juifs et de dizaines de milliers d’immigrés en provenance d’autres pays. En fait, RP nous reproche de baser notre politique sur le terrain de la classe ouvrière. RP invoque Marx, Engels, Lénine et Trotsky… en oubliant la boussole de tout leur combat : « Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! ». RP nous reproche de « [remplacer] discrètement la lutte de libération nationale palestinienne [par] une lutte des « travailleurs » contre « les classes dominantes » ». Mais nous ne le faisons pas discrètement, nous le revendiquons, alors qu’avec RP, la lutte des travailleurs disparait.
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 25 Nov 2023, 10:57

Cf. dans les numéros de 2243 à 2247 de Lutte Ouvrière (été 2011) les articles sur un mouvement populaire important en Israël contre le mal-logement, mouvement finalement étouffé sur fond d'un réveil de la guerre dans et autour de la bande de Gaza.
https://journal.lutte-ouvriere.org/jour ... h=&number=
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Re: Palestine - Israël : nouvelle guerre

Message par com_71 » 25 Nov 2023, 23:31

Un article du Monde Diplomatique, d'Amnon Kapeliouk, mai 2002
La Palestine à feu et à sang
Jénine, enquête sur un crime de guerre


Le paysage défie toute description. Une incarnation de l’horreur, une vision d’après ouragan. Des maisons détruites, totalement ou partiellement, des débris de béton et de fer, des fils électriques entremêlés. Des voitures pulvérisées par les chars ou les missiles ajoutent une dimension barbare à cet effrayant spectacle. Une odeur âpre de cadavres flotte sur les décombres. Rien ne demeure des infrastructures.

Au milieu du camp, un terrain vague rectangulaire. C’était le quartier Haouachine, qui comptait quelque 150 maisons (sur un total de 1 100). Des bulldozers géants ont complètement démoli ce quartier, avant d’en aplanir la surface. Des femmes, des vieux, des enfants, des hommes errent dans les décombres, à la recherche de leurs proches ensevelis.

Un homme de trente ans creuse la terre avec une pelle, tandis que son fils dégage les débris avec ses mains. Ils espèrent trouver les membres de leur famille qui y ont été enterrés vivants. Quelques dizaines de mètres plus loin, trois hommes arrachent le cadavre de leur père, défiguré, des restes de ce qui fut leur maison dans l’un des quartiers les plus pauvres de la Cisjordanie. Dans le coin d’un bâtiment, à moitié détruit, une femme d’une quarantaine d’années pleure et crie : « Dieu ! Venge-nous et fais mourir Sharon ! » Des membres de sa famille, insiste-t-elle, gisent sous les décombres. Quelques enfants regardent autour d’eux, ébahis ; l’horreur a effacé tout sourire de leur visages. « Sharon, par sa folle et criminelle opération, a fait de tous ces enfants des futurs suicidaires à la bombe. C’est lui, ce monstre, qui nous poussera tous à riposter par tous les moyens, pour chasser son armée et ses colons de notre terre », dit une jeune femme dont toute la famille a été sauvée en prenant la fuite dans le village voisin de Roumaneh, au premier jour de l’assaut contre le camp. « Les destructions terribles dans le camp ont été faites selon un plan minutieux. Sharon voulait nous terroriser », explique Mouhammad Abou El Hija, dentiste de 32 ans, dont la famille fut expulsée en 1948 de la région de Haïfa, comme beaucoup d’autres habitants. De 80 % à 90 % des maisons sont inhabitables. Sur le côté est et dans le centre de la localité, le ravage est total. Le délégué général de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), M. Peter Hansen, a exprimé son horreur et a déclaré le camp zone sinistrée.

« Boucliers humains »

Jénine a été envahi le 3 avril, cinquième jour de l’assaut contre les villes palestiniennes de Cisjordanie. Un tir nourri, des obus de chars et des missiles d’hélicoptères ont signalé le commencement de l’attaque contre le camp. Un couvre-feu a été décrété et les habitants terrifiés ont trouvé refuge dans leurs maisons. Comme les chars ne pouvaient pénétrer dans les ruelles, des bulldozers géants détruisaient les maisons des deux côtés. Une deuxième vague de destruction a commencé quatre jours plus tard, visant l’ensemble du centre, où s’élevaient des habitations de un à trois étages. C’est là que des combattants palestiniens munis de kalachnikovs et d’explosifs s’étaient regroupés pour faire face à l’une des armées les plus modernes du monde. La bataille fut très dure et inégale. Les Palestiniens subirent des pertes très lourdes, les blessés - des combattants, mais aussi, en majorité, des civils - agonisèrent, l’armée interdisant aux ambulances du Croissant-Rouge de circuler.

Le 9 avril, les Palestiniens tendirent une embuscade dans laquelle treize soldats furent tués. L’armée donna alors des consignes en vue d’éviter à tout prix de nouvelles pertes. On tira donc à vue sur tout ce qui bougeait. Les soldats n’avaient-ils pas été informés que le camp était un repère de terroristes du Hamas et du Djihad ? Voilà qui justifiait une punition collective... Le dynamitage des maisons s’est alors intensifié. Dans ce camp comme dans toutes les villes palestiniennes, toute institution ou bureau de l’Autorité palestinienne a été systématiquement détruit : il s’agissait d’en anéantir tous les symboles et tous les moyens.

Chaque appartement fut systématiquement fouillé : une fois la famille enfermée dans une seule pièce, les soldats renversaient les meubles, ouvraient les armoires, jetant tout à terre et semant un désordre indescriptible. Vols d’argent, de bijoux et même de cigarettes se sont multipliés. Pour faire ouvrir les portes, ils se servaient d’un « bouclier humain », à savoir un habitant du camp les précédant - une pratique qui relève du crime de guerre. S’il n’y avait pas de réponse, ils faisaient sauter la porte à l’aide d’explosifs. Un « incident » parmi tant d’autres : un « bouclier » affirme au soldat qu’il a entendu du bruit à l’intérieur de la maison, mais celui-ci fait quand même exploser la porte, blessant grièvement une femme. « Je regrette », dit le soldat, avant de passer à la porte suivante...

Les ruines de Jénine, à ciel ouvert, témoignent d’une rage de destruction. Mais qu’en est-il du nombre de victimes ? Le camp comptait 14 500 âmes. Quelque mille personnes ont fui pour gagner les villages avoisinants la veille de l’assaut. Le deuxième jour de l’entrée des blindés, des haut-parleurs de l’armée ont appelé les Palestiniens à quitter le camp. Décrété au début de l’opération, le couvre-feu a été levé pour faciliter leur départ. Ce même jour et les suivants, plusieurs milliers de personnes sont parties à pied vers sept petits villages de la région ; 4 000 autres sont restées terrées dans leur maison dans des conditions désastreuses : sans eau, ni nourriture, ni électricité, sans pouvoir aller à l’hôpital et dans une atmosphère infernale de tirs, de bombardements et d’explosions, jour et nuit.

Les hélicoptères ont « arrosé » le camp sans pitié. Ici, seuls les Cobra, les redoutables « monstres » qui opéraient durant la guerre du Vietnam, étaient en service. Un pilote de l’escadrille, le lieutenant-colonel Sh., raconte : « Notre escadrille a lancé pendant tous les jours des combats une quantité énorme de missiles à l’intérieur du camp des réfugiés. Des centaines de missiles. Toute l’escadrille fut mobilisée pour ces opérations, y compris des réservistes. (...) Pendant les combats, il y avait toujours au-dessus de Jénine deux Cobra prêts à lancer un missile vers la maison indiquée par le QG en bas (...). Les “combattants volants” ne jureront pas que leurs missiles n’ont pas touché des civils. »

Question. Est-ce que cela ne ressemble pas à un jeu vidéo truqué ? Vous êtes là-haut avec un missile Taw, et eux sont armés avec des kalachnikovs.

- Oui, ce n’est pas un combat à armes égales, et c’est bien que ce soit ainsi. (...) Je n’ai jamais tiré un missile sur des femmes et des enfants. Est-ce que je n’ai pas raccourci en fin de compte la vie d’êtres humains ? La réponse est positive. Je n’y peux rien (1). »

L’intervention des Cobra a fait l’objet de centaines d’heures de préparation. Le camp a été photographié par satellite, chacune de ses maisons a reçu un numéro de quatre chiffres, les deux pilotes avaient une carte, et, lorsqu’ils captaient un ordre indiquant un numéro, le missile était aussitôt lancé sur la maison désignée. Combien de personnes ont été touchées avec ces missiles ? Combien de victimes y a-t-il eu parmi les combattants ? Et combien parmi les civils innocents ? Nul ne saurait le dire.

« Ce n’est pas difficile d’imaginer ce qui se passe à l’intérieur des maisons après tout ce qu’on a tiré dessus, dit un réserviste qui requiert l’anonymat. (...) A la suite de la mort du commandant de notre compagnie dans les premières minutes du combat, l’ordre que nous avons reçu était très clair : il fallait tirer sur chaque fenêtre, arroser chaque bâtiment sans tenir compte du fait qu’on tire ou non de là-bas. On nous a dit d’une façon claire : “Cassez-les !” A partir de ce moment-là, nous avons craché des munitions de toutes les armes que l’armée possède, sauf l’artillerie. Nous avons tiré des dizaines de missiles à l’intérieur des maisons et utilisé les mitraillettes lourdes contre chaque fenêtre. Nous avons même achevé un cheval qui passait dans la rue.

« Chaque nuit, il fallait, selon les ordres, “réveiller le camp”. Le but était de tirer contre [les combattants] pour les inciter à riposter, et alors tirer exactement sur les endroits d’où provenait le feu. Pourtant, en réalité, nous avons tiré des quantités énormes de munitions dans toutes les directions. (...) Pendant le couvre-feu, il y avait des “patrouilles violentes”. Un char “galopait” dans les rues désertes, écrasait tout ce qu’il trouvait sur son chemin et ouvrait le feu sur ceux qui violaient le couvre-feu.

— Avez-vous vu des victimes ?

— Moi, personnellement, non. Ils étaient dans leurs maisons. Les derniers jours, la plupart de ceux qui sont sortis des bâtiments étaient des vieillards, des femmes, des enfants qui avaient subi notre feu. Nous ne leur avons laissé aucune chance de sortir du camp ; il s’agit d’un grand nombre de personnes. Une nuit, j’ai monté la garde (dans un appartement dans lequel nous nous étions installés). Toute la nuit j’ai entendu une petite fille qui pleurait. Là-bas, il s’est produit une déshumanisation. Certes, nous avons subi un feu nourri, mais, en revanche, nous avons effacé une ville (2). »

Le 11 avril, les derniers combattants palestiniens ont cessé la résistance.

Le grand nombre de victimes palestiniennes a choqué, en Israël, tous ceux que révulse la politique de force du gouvernement, mais aussi tous ceux qui redoutent que l’image de l’Etat juif en sorte ternie. Les pacifistes ont manifesté dans les grandes villes du pays, tentant même de faire parvenir une aide humanitaire à la population sinistrée. Même le ministre des affaires étrangères, M. Shimon Pérès, s’est alarmé, selon le quotidien Haaretz, des « réactions internationales hostiles dès que les dimensions de la bataille au camp de réfugiés de Jénine, dans laquelle plus de cent Palestiniens ont été tués, seront connues. Lors de conversations à huis clos, Pérès a qualifié l’opération de “massacre” (3) ».

Le premier ministre s’étant emporté contre ces « propos irresponsables », M. Pérès a affirmé qu’il avait été mal cité. Mais les faits sont têtus, et le nombre des victimes palestiniennes n’a cessé d’augmenter. Le spécialiste des questions de défense au quotidien Haaretz, Zeev Schiff, connu pour ses liens avec l’establishment militaire, a raconté que, « après la fin des combats, au cours des premières fouilles, 80 cadavres ont été trouvés. On estime que le nombre des victimes dans les combats s’élève à quelque 200 Palestiniens, y compris des civils, dont une partie est enterrée sous les décombres des maisons effondrées (4) ». Le chiffre de 200 morts s’impose. Le porte-parole de l’armée, le colonel Ron Kitri, l’utilise également (5).

Pour les habitants du camp, ce nombre est sous-estimé. Pourtant, le ministre de la défense, le travailliste Benjamin Ben Eliezer, déclare que le « vrai chiffre » est de quelques dizaines. Un éditorialiste israélien s’interroge : « Est-il possible que dans des combats aussi durs que ceux de Jénine, qui ont coûté la vie à 23 soldats israéliens et en ont blessé 60, auxquels ont participé des hélicoptères d’assaut, des chars et des bulldozers lourds, avec des destructions tellement importantes, le nombre des morts [palestiniens] soit si réduit ? Il y a quelque chose qui cloche dans ce calcul (6). »

Le secret du bilan exact, de toute façon très élevé, est enfoui sous les maisons détruites, ainsi que dans les tombes palestiniennes et les fosses creusées par l’armée. Au cours des combats, quinze victimes ont été enterrées par les habitants, dont huit devant l’hôpital. Dans le côté est du camp, il existe un terrain vague où les soldats israéliens ont, selon plusieurs témoins, creusé la terre avec un bulldozer, « et sans doute enterré des cadavres ». Près du cimetière, quelques victimes ont été inhumées, dont le nombre n’est pas connu. Il y avait aussi encore des dizaines de cadavres dans les services de santé - 48 ont été ensevelis.

Enfin, le plus grand secret entoure le transfert des cadavres ramassés dans le camp et emportés tout d’abord au bois de Saadeh, dans le nord de la localité. De là, emballés par les services du rabbinat militaire dans des sacs de plastique noirs, ils ont été transportés par des camions réfrigérés vers le cimetière créé par l’armée, près du pont Damiah, dans la vallée du Jourdain, pour les activistes palestiniens (« cimetière des terroristes » pour les Israéliens, « cimetière des numéros » pour les Palestiniens, à cause des numéros qui figurent, seuls, sur les tombes). Des associations israéliennes des droits humains se sont adressées à la Cour suprême pour faire cesser ces enterrements, mais le gros du « travail » avait déjà été fait. Combien de cadavres y ont été transférés ? Mystère...

C’est dire que la commission créée par le secrétaire général de l’ONU, mais dont M. Sharon a commencé à contester la composition et les objectifs, a devant elle une lourde tâche. De surcroît, elle devra aussi étudier l’interdiction faite, pendant onze jours, à la Croix-Rouge, au Croissant-Rouge, ainsi qu’à diverses organisations humanitaires, d’intervenir, en violation avec les conventions sur le droit de la guerre. Les Palestiniens ont sollicité d’urgence l’envoi de matériel lourd pour dégager les maisons détruites afin de chercher des survivants. Israël, qui dispose des moyens en ce domaine, s’y est refusé. La longue fermeture hermétique du lieu du désastre à la presse locale et internationale, inhabituelle dans ce pays, a provoqué beaucoup de doutes sur les comptes rendus de l’armée et du gouvernement. Qu’y avait-il à cacher ? La presse israélienne n’a pas été à la hauteur des événements, sauf quelques journalistes qui n’ont pas respecté le mot d’ordre « Silence, on tire ! ».

Désormais, le camp de réfugiés palestiniens de Jénine appartiendra à la longue liste de crimes qui jalonnent le conflit israélo-palestinien, du massacre de Qibya (1953) à celui de Sabra et Chatila (1982). Avec, pour dénominateur commun, le général Ariel Sharon.

(1) Yediot Aharonot, Tel-Aviv, 19 avril 2002.
(2) Ibidem.
(3) Haaretz, Tel-Aviv, 9 avril 2002.
(4) Haaretz, 12 avril 2002.
(5) Ibidem, 15 avril 2002.
(6) Yediot Aharonot, 19 avril 2002.

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