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Message Publié : 01 Avr 2004, 13:59
par red
Le Parlement européen condamne le Big Brother aérien

«Le transfert des données ne concerne pas des criminels mais monsieur ou madame Tout-le-Monde.» Un fonctionnaire européen

Des menaces d'attentats formulées aux Etats-Unis contre trois avions Northwest Airlines et deux trains d'Amtrak ont entraîné mardi des fouilles intensives de ces appareils, où aucun explosif n'a été retrouvé.
© REUTERS. Photo d'archives.

Strasbourg envoyé spécial


a lutte antiterroriste ne justifie pas que l'on viole les libertés publiques. C'est ce qu'a rappelé, hier, le Parlement européen en s'opposant au fichage généralisé des passagers se rendant aux Etats-Unis. Dans une résolution adoptée par 229 voix contre 202, les eurodéputés demandent que les compagnies aériennes européennes cessent de laisser libre accès de leurs «fichiers clients» aux autorités américaines (lire encadré). «Cet accès est illégal aux termes du droit national et du droit européen sur la vie privée», affirme la résolution. La droite du Parlement, soutenue par les travaillistes britanniques, a voté contre.

Même si l'avis du Parlement est consultatif, la Commission et les Etats membres sont dans une situation délicate, Strasbourg annonçant qu'il n'hésitera pas à saisir la Cour de justice européenne s'il n'est pas entendu. Or, comme l'explique un fonctionnaire européen chargé du dossier, «chaque jour qui passe constitue une claire violation du droit», en particulier de la directive (loi européenne) de 1995 sur le traitement des données à caractère personnel. D'ailleurs, la Commission nationale informatique et liberté française (CNIL), ainsi que la plupart de ses homologues européennes, ont rendu des avis négatifs sur ce transfert de données.

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Congrès a adopté, en novembre 2001, le Transport Security Act, qui oblige les transporteurs aériens acheminant des passagers au départ ou à destination des Etats-Unis à fournir aux autorités douanières un accès aux données de leurs systèmes de réservation, afin de dresser des «profils» et de classer les passagers selon leur «dangerosité». Les Américains ont étendu leur loi au reste du monde sous peine de sanctions. Après avoir renâclé, les Européens ont obtempéré le 5 mars 2003 (Libération du 9 mai 03).

Or, il n'existe pas de législation protégeant les données personnelles aux Etats-Unis, contrairement à l'Europe. Une fois les données transférées aux Etats-Unis, aucun contrôle judiciaire, aucun droit de rectification n'existera pour les étrangers. Une personne pourra donc se retrouver classée «dangereuse» et se voir interdire l'accès au territoire américain sans qu'elle puisse se défendre ! Pis : ces données seront conservées pendant trois ans et demi, et huit ans et demi si des noms de non-Américains font l'objet d'une recherche manuelle, même de routine. Les personnes classées «à risque», elles, seront fichées durant cinquante ans...

Le plus étonnant dans cette affaire est que «le transfert de données ne concerne absolument pas les criminels mais monsieur ou madame Tout-le-Monde», s'indigne un fonctionnaire européen. De fait, il ne s'agit pas ici de coopération antiterroriste, chaque pays restant assis sur ses informations, mais de fichage généralisé. Comme l'explique l'eurodéputé radical, Mario Cappato, «chercher un terroriste, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. Ce n'est pas en augmentant la taille de la botte de foin qu'on facilitera la recherche de l'aiguille».

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à vouloir prendre leurs aises avec les libertés. Les Etats membres de l'UE veulent faire la même chose avec les données des passagers se rendant dans l'Union : mardi, les ministres de l'Intérieur ont décidé que les compagnies aériennes devront leur transmettre une série d'informations. Raison invoquée officiellement : la lutte contre l'immigration illégale...