
Pour Info. Sur le site d'Inprecor
a écrit :
Italie
Nouveau virage du PRC
Par Flavia D’Angeli*
En juin 2003, immédiatement après l’annonce des résultats du référendum d’initiative populaire dont le Parti de refondation communiste (PRC, appelé aussi " Rifondazione ") avait été le principal promoteur (1), son secrétaire général, Fausto Bertinotti, a annoncé une véritable inversion de la ligne politique suivie jusque là. Les membres du Comité politique national du PRC ont eu la surprise de découvrir le tournant à la une des journaux peu avant la réunion de l’instance. Au centre de la nouvelle orientation proposée se trouvait le rapprochement avec les forces politiques du centre-gauche non seulement en vue d’un renforcement de l’opposition contre le gouvernement ultra-libéral de Berlusconi, mais avec l’objectif déclaré de parvenir à un accord programmatique en vue des élections de 2006 et l’affirmation de la disponibilité du PRC à participer, avec ses propres ministres, au gouvernement issu d’une éventuelle victoire du centre-gauche " élargi ", qui serait dirigé par l’actuel Président de la Commission européenne, Romano Prodi.
La nature particulièrement réactionnaire et autoritaire du gouvernement Berlusconi rend évidemment nécessaire une offensive du PRC en direction des autres forces de l’opposition politique pour les amener à soutenir les multiples luttes sociales, les grèves sectorielles et le mécontentement diffus qui secoue le pays et qui exige déjà — sans attendre 2006 — le renversement de Berlusconi et l’arrêt de ses politiques de massacre social et de guerre aux côtés des États-Unis. La force et la radicalité des mouvements sociaux, et particulièrement du mouvement altermondialiste, rendait possible cette offensive sur le terrain social, en particulier après la grande bataille référendaire, qui, bien que défaite, avait mis dans les urnes plus de dix millions de " oui ", en rassemblant et en unifiant les divers mouvements et les combats éparpillés et en provoquant une véritable crise du gouvernement. Mais, au contraire, le PRC a cru pouvoir investir cette force directement sur le terrain de la politique institutionnelle, s’en servir dans les négociations à huis clos avec les partis de l’Olivier (2) en offrant sur un plat d’argent sa disponibilité en vue de l’unité gouvernementale future et sans même formuler des exigences en ce qui concerne le contenu d’une véritable politique alternative.
Positions inacceptables de l’Olivier
Aujourd’hui nous assistons ainsi à un véritable défilé de déclarations et de prises de position des forces de la gauche modérée et du centre catholique qui composent l’Olivier, évidemment très différentes des positions du PRC, sans que pour autant cette réalité n’ébranle la conviction de son groupe dirigeant quant à la crédibilité et la possibilité d’un gouvernement unitaire avec ces forces. Quelques exemples parlent d’eux-mêmes :
— Au mois de décembre 2003 les travailleurs des transports urbains, qui n’ont pas eu d’augmentations salariales depuis deux ans et se sont vus refuser la signature d’un accord, ont mené une campagne de grèves extraordinaires, largement soutenue par les usagers, en dépit de la nouvelle réglementation antigrève totalement inacceptable. Francesco Rutelli, le dirigeant de Marguerite (une partie dominante de l’Olivier), a joint sa voix à celles du gouvernement pour condamner " la grève sauvage " ;
— Le même Rutelli s’est déclaré prêt à discuter avec le gouvernement de la réforme des retraites que ce dernier venait juste de proposer dans la ligne de ce qu’ont subi les autres pays européens et qui a été condamnée par toutes les confédérations syndicales (bien qu’avec des niveaux de critique divers) qui ont appelé à une nouvelle grève générale le 26 mars ;
— Les élus de Marguerite ont voté en faveur de la nouvelle loi sur les techniques de reproduction assistée qui constitue un chef-d’œuvre de moralisme patriarcal et antiscientifique et dont l’axe central est la reconnaissance de l’embryon en tant que " personne " et sujet juridique, ce qui constitue une base pour l’abolition du droit à l’avortement ;
— Finalement, ces derniers jours, alors que le mouvement mondial et italien prépare la manifestation contre la guerre du 20 mars, la Marguerite et les DS se sont abstenus lors du vote par le Parlement du renouvellement de la mission militaire italienne en Irak, affirmant leur disponibilité à maintenir les troupes d’occupation dans ce pays aux côtés des États-Unis pour peu que l’autorité de l’ONU y soit rétablie. Cette dernière prise de position a provoqué une rupture grave avec le mouvement pacifiste qui manifestera à Rome le 20 mars porteur d’une plate-forme unitaire dont le premier point exige le retrait immédiat des troupes italiennes de l’Irak.
Acquis…
Pour comprendre l’actuel débat au sein du PRC et le tournant politique que représente la proposition de Bertinotti et de la majorité du groupe dirigeant, il faut reprendre synthétiquement quelques éléments de l’histoire de ce parti.
Né il y a onze ans, surtout en tant que parti de ceux qui au sein du Parti communiste italien (PCI) avaient refusé de suivre sa transformation en Parti démocrate de gauche (PDS), puis en Démocrates de gauche (DS), le PRC s’est engagé dans la difficile tentative d’une " sortie à gauche " de la crise du stalinisme. Le passage combiné de sa rupture avec le gouvernement Prodi en 1999 et de son investissement dans le mouvement altermondialiste a fait de lui un sujet politique original, ouvert aux mouvements. Au cours des dernières années Rifondazione a représenté un point de référence pour d’importants secteurs de travailleurs et de jeunes, tout en conservant dans quelques régions significatives la vieille implantation populaire du PCI. Pour toutes ces raisons il est apparu, à divers moment de son histoire, comme l’instrument d’une possible recomposition d’un parti révolutionnaire pour le nouveau millénaire, rompant avec l’héritage stratégique réformiste du PCI et les legs de Togliatti (3), et entreprenant une conception et une pratique anticapitaliste cohérentes.
Le concept même (et le nom) de refondation communiste renvoyait à cette capacité — difficile car exigeant d’une bonne partie des forces militante comme du groupe dirigeant la capacité de revoir de manière critique leur histoire — inscrite dans les tâches du parti pour toute une période. La tâche de refondation, que le groupe dirigeant du parti a présenté de manière répétée comme un objectif à atteindre, est restée cependant jusqu’à présent au stade de l’énoncé théorique, sans que le parti atteigne la capacité, ni même la volonté, de poursuivre réellement un processus organique de renouvellement stratégique, politique et organisationnel. Le PRC a ainsi toujours pratiqué l’équilibrisme entre la recherche du " nouveau ", qui n’était pas clairement défini, et la persistance concrète de vieilles traditions bureaucratiques et réformistes. Dans tous les moments politiques cruciaux — particulièrement lorsque la question du gouvernement et des rapports avec les formations social-libérales était posée de manière aiguë — cela a provoqué d’importantes scissions du groupe dirigeant vers la droite tout en renforçant parmi ses militants et sympathisants, en particulier — mais pas uniquement — des générations jeunes, les espérances d’un saut qualitatif.
Le dernier congrès, au printemps 2002, a donné lieu à la tentative la plus sérieuse visant à redéfinir le profil politique et stratégique du PRC ainsi que son identité, de relancer le processus de refondation et de rupture avec le passé. Au centre de ce projet on pouvait observer les éléments suivants :
— la volonté de rompre tout lien avec le stalinisme et avec les sociétés qui l’ont matérialisé et même toute condescendance envers ces phénomènes ;
— le déplacement du centre de gravité du parti de la politique institutionnelle à la politique sociale (ce qui, de fait, mettait en cause les vieilles conceptions de Togliatti) ;
— la recherche d’une voie permettant, à travers les conflits, le mouvement, le développement de la démocratie d’en bas et participative, de définitir un nouveau projet de rupture avec le capitalisme et de transition vers une société alternative : l’introduction des thèses adoptées proposait ainsi de remettre à l’ordre du jour la révolution ;
— le choix du mouvement de masse jusqu’au bout en tant que trait caractéristique et rénovateur du parti à l’opposé des vieilles conceptions du parti bureaucratique et manipulateur ;
— le choix de la différenciation et d’une rupture partielle avec les composantes traditionnellement les plus conservatrices du parti.
…et limites du PRC
L’impact de ces thèses du congrès s’est cependant heurté à certaines limites que l’évolution des événements et des dynamiques successives ont amplifié. En dernière analyse cela relevait des ambiguïtés non résolues d’une grande partie du groupe dirigeant lui-même, en premier lieu de la difficulté de rompre complètement et définitivement avec les conceptions réformistes. Il s’agissait en particulier :
— d’une rupture avec le stalinisme restée trop générale, avec une pointe de moralisme, ne déterminant pas la véritable nature du pouvoir bureaucratique, de son influence sur la stratégie des partis communistes occidentaux, ne permettant pas de comprendre et encore moins de valoriser les choix et le parcours des courants antistaliniens ;
— d’une analyse du capitalisme contemporain et d’une compréhension du rôle des États somme toute imprécise, sinon complètement erronée, qui a ainsi favorisé les embardées politiques successives lorsque la réalité crue des faits à mis en lumière des dynamiques socio-politiques fort différentes des interprétations proposées ;
— d’une rupture avec le togliattisme restée fumeuse, finalement non explicite et encore moins expliquée aux militants présents au congrès ;
— du caractère indéfini des aspects stratégiques de l’hypothèse de la centralité sociale dans la construction d’une alternative au capitalisme, c’est-à-dire de caractère indéterminé, de la stratégie de rupture révolutionnaire du système, de la construction d’un autre système de pouvoir et de l’auto-organisation des masses travailleuses ; cela autorisait la réémergence de la combinaison mortelle du réformisme institutionnalisé et du gradualisme (ce qui est finalement arrivé) ;
— des traits spontanéïstes et mouvementistes, masqués derrière le juste rejet du rôle manipulateur du parti au sein des mouvements, qui ont fortement pesé sur l’activité du PRC et n’ont pas permis de valoriser l’activité de ses militants dans la construction des mouvements ; cela a fourni finalement des arguments polémiques à la composante conservatrice du parti, désireuse de mettre en cause la tactique adoptée.
Mais malgré ces faiblesses le véritable changement d’orientation, qui depuis des mois caractérise l’initiative du PRC, ne pouvait qu’étonner et désorienter ses militants. Le tournant brusque, de grande portée politique et stratégique, décidé au sommet et imposé de manière déterminée par le groupe dirigeant central malgré la perplexité et l’hostilité initiale de secteurs significatifs du parti, représente de fait une rupture non seulement avec l’orientation du congrès mais même avec les fondements culturels et politiques construits au cours des quatre dernières années par le PRC. Il s’agit d’un retournement profond, d’une rupture avec la tradition radicale qui reporte le parti des années en arrière, le positionne dans la logique de l’alternance qui, s’il est poursuivi, conduira à une modification de sa nature elle-même.
Quelle que soit la conclusion des prochains événements électoraux — un accord gouvernemental entre le PRC et l’Olivier verra-t-il réellement jour ? Et, ce qui est plus important, une telle alliance réussira-t-elle à battre Berlusconi ? — le parti en payera lourdement le prix. Dans le premier cas, si la direction va jusqu’aux conséquences extrêmes de ses choix, la raison sociale du parti sera dénaturée. Si, par contre, la dynamique de la lutte de classe ou quelque événement politique particulier s’interposent et empêchent sa réalisation, le parti en subira également les contrecoups. Le scénario d’un conflit interne aigu et d’une crise du parti commence ainsi à se dérouler.
Difficultés objectives
Il est certes possible d’interpréter ce tournant comme le fruit de la difficulté rencontrée par le mouvement de masse de rendre sa lutte " efficace ", d’arracher des victoires et de changer les rapports de force sociaux encore profondément défavorables. Le fruit également de la désillusion lorsqu’il s’est avéré que le développement du mouvement ne conduit pas de manière automatique au renforcement du parti lui-même, ne rendant pas ainsi plus facile la construction d’une nouvelle alternative, plus vaste que Rifondazione, qui, malgré son fort investissement dans le mouvement, n’est pas parvenue lors des dernières élections à accroître de manière significative son électorat. La " stagnation " électorale du printemps 2003, tout comme la défaite référendaire de juin de la même année, ont joué un rôle particulier. En proposant immédiatement l’alliance gouvernementale, Bertinotti a tenté de masquer les difficultés du parti en le remettant au centre de la scène et du débat politique. Sur le plan médiatique l’opération a réussi. Mais ce fut au prix de la désorientation et du malaise à l’intérieur du parti, ce qui a renforcé les tendances au repli identitaire fortement présentes dans l’organisation.
Des secteurs significatifs du parti — et pas seulement ceux le plus traditionnellement liés à l’histoire du PCI (qui, lors du dernier congrès, se sont opposés à la ligne innovatrice de la majorité à travers une série d’amendements aux thèses) — se sont retrouvés " naturellement " aux côtés de Bertinotti, alors que d’autres secteurs, en particulier dans les directions intermédiaires les plus liées au mouvement de masse, sont très critiques, désorientés, poussés au désengagement ou à une activité limitée au terrain social. C’est au sein de l’organisation de la jeunesse, fortement engagée dans le mouvement, que la nouvelle ligne a produit le plus d’effets négatifs : une dynamique centrifuge et/ou le désenchantement.
Mais au-delà des causes objectives qui ont ouvert la voie à ce tournant, son explication doit être recherchée au niveau politique : face aux événements politiques majeurs le groupe dirigeant, à commencer par le secrétaire lui-même, reste prisonnier des conceptions réformistes, ce qui réapparaît à chaque fois que le problème du débouché politique est posé par la lutte de classes. Ces conceptions vont de pair avec les pratiques bureaucratiques d’un appareil qui, bien que de dimensions modestes, a mis à jour sa dynamique conservatrice modérée. L’alignement des cadres dirigeants du Comité politique national (CPN) a été impressionnant. Il exprime une conception conformiste et grégaire du parti. Le rôle joué à cette occasion par la vieille composante issue de la Démocratie prolétarienne (4), qui a tenté à travers ses quelques représentants de gérer jusqu’au bout cette ligne dans les secteurs les plus délicats et " résistants " du parti, a été particulièrement négatif.
Notre orientation
Au cours de l’histoire du PRC, le courant politique qui fait référence à Bandiera Rossa s’est tout d’abord attaché à construire les conditions d’une insertion réelle de ses militantes et militants dans l’activité du parti, en visant à en stimuler l’initiative de classe et l’enracinement social. Rifondazione nous est apparue comme l’occasion unique et l’instrument par lequel pouvait passer la recomposition d’un nouveau sujet politique révolutionnaire, au travers d’un processus complexe qui mettrait obligatoirement à l’ordre du jour des heurts, des ruptures, des expériences, des ouvertures, des réalignements…
Nous n’avions pas envisagé une évolution linéaire vers une force anticapitaliste accomplie, mais un processus contradictoire. Ainsi, durant toute une phase, nous avions tenté de construire une gauche large et plurielle au sein du parti, avec quelques succès à des moments donnés, mais sans que ces rassemblements parviennent à se consolider et à proposer une orientation stratégique homogène.
La scission des partisans de Cossutta en 1998 et le choix de rompre avec le gouvernement Prodi d’une part, et l’irruption sur la scène politique du mouvement altermondialiste d’autre part, ont déterminé une évolution à gauche du parti, qui a connu un nouvel accomplissement lors du dernier congrès. Pour cette raison nous avons dès le début décidé de soutenir le processus entamé en 1998 et nous avons pris en charge la ligne issue du congrès, pour la pousser en avant et pour chercher à dépasser ses aspects les plus indéfinis et incertains. Nous avons investi nos forces dans le groupe dirigeant, dans un rapport de travail avec les camarades de la majorité, conscients que c’était le scénario le plus favorable pour la construction d’un parti révolutionnaire, mais conscients également que l’avancée n’était nullement acquise et que des contradictions persistaient.
Le mouvement social percuté
Le tournant de la ligne politique du PRC vers la modération intervient et agit directement sur le mouvement des mouvements, simplement parce que le parti s’est, dès l’origine, intégré au " peuple de Gênes ". Ce mouvement, confronté à ses propres difficultés de passage à une nouvelle étape de son histoire, voit ainsi ces difficultés accrues à cause du PRC. Il est indéniable, même si l’on ne peut pas parler d’une offensive, que le fort potentiel de résistance antilibérale est toujours présent. Au cours des derniers mois nous avons ainsi vu le développement du combat contre les scories nucléaires, partiellement victorieux ; celui d’innombrables grèves dans les transports ; la reprise des mobilisations syndicales sur les retraites et contre leur financiarisation ; la résistance de la FIOM (Fédération unitaire de la métallurgie). Des luttes partielles et des résistances existent dans d’autres secteurs, dont le mouvement des rondes pour la démocratie et la liberté d’information. Ajoutons une nouvelle et diffuse sensibilité pacifiste dont témoigne la récente marche Pérouse-Assise ainsi que les innombrables initiatives de solidarité internationale. En somme, les conditions objectives — la dureté des politiques libérales, le caractère insupportable des sacrifices imposés, l’impatience antiberlusconienne, la guerre — maintiennent intactes les conditions qui ont permis que la période 2000-2002 connaisse l’explosion de la saison des mouvements.
Il s’agît cependant de luttes et de mouvements qui ne parviennent pas à emporter des victoires, à obtenir les résultats qu’ils escomptent, et qui ont encore un fort retard sur le plan de l’auto-organisation sociale et de la représentation démocratique directe. A cause des caractéristiques propres du mouvement italien — les journées de Gênes (2001) " ont rempli " un vide de l’opposition politique et de ce fait, depuis lors, le mouvement italien a une dimension plus " politique " que " sociale " — la tentation d’interpréter l’opposition au gouvernement Berlusconi surtout en termes politiques est très forte. Le tournant du PRC a ainsi rencontré un certain consentement dans les groupes dirigeants des associations et des mouvements qui ont été à l’origine des forums sociaux italiens — depuis les ARCI jusqu’à Lilliput et même dans une partie de la FIOM — et encore plus au sein de la plus grande confédération syndicale italienne, la CGIL. Par contre une forte opposition est venue des rangs des secteurs plus radicaux, tels les syndicats COBAS ou le mouvement social des Disobbedienti. Mais ce consentement de certains cadres du mouvement social a donné l’illusion que la proposition d’une alliance politique avec le centre-gauche, dans une perspective gouvernementale, serait une orientation permettant aux mouvements de dépasser leur difficulté à obtenir des résultats tangibles. Mais loin d’accroître l’efficacité des mouvements — qui dépend en premier lieu de leur capacité à déterminer leurs objectifs de manière autonome, de se doter de structures indépendantes et d’organismes de lutte — cela conduit au contraire à subir la dynamique politique et à disperser les énergies.
Où va le PRC ?
Le tournant du PRC va de pair avec la volonté de la direction de construire avec les principaux partis communistes européens un " Parti de la gauche européenne ". Ce projet se donne pour but avoué d’accélérer la difficile construction d’un sujet politique alternatif à l’échelle continentale. Mais il le fait de manière improvisée et avec des aspirations avant tout électoralistes, en remettant en même temps en cause le fastueux travail visant à construire des relations avec la gauche anticapitaliste, fondé sur des rapports établis avec la LCR de France, et en reproduisant l’alliance classique, issue de la tradition du " Kominform ", entre les partis communistes traditionnels. Mais surtout il s’agit là d’une alliance de partis disposés à passer des accords gouvernementaux avec la gauche libérale. Le manifeste fondateur de ce " Parti de la gauche européenne " ne dit ainsi mot du projet de la Constitution européenne, accepte la possibilité d’une armée européenne et présente un profil modéré sur la question du Pacte de stabilité…
La phase que nous vivons au sein du PRC est donc largement inédite et pleine d’inconnus. Notre courant politique s’est loyalement engagé dans la construction de ce parti, sans pour autant disperser son patrimoine historique-politique, conscient que l’agglomération des histoires et des expériences différentes nécessitera une clarification plus approfondie.
Malheureusement les faits donnent raison à cette conviction. Nous sommes aujourd’hui contraints à nous différencier de la majorité du parti et de nous atteler à l’élaboration d’une orientation clairement alternative, fondée sur les meilleurs acquis du parti au cours des années passés à partir de l’intervention au sein du mouvement. Ce ne sera pas facile : la dynamique de la lutte de classe en Italie et le poids de l’opposition face à un des gouvernements de droite les plus odieux en Europe rendent cette orientation — celle du front unique contre les droites et de la détermination à construire une gauche anticapitaliste cohérente — particulièrement difficile. Mais c’est l’unique voie qui mérite qu’on l’emprunte.
----------------------------------------------------------------
Notes
* Flavia D’Angeli, militante du courant Bandiera Rossa (qui regroupe au sein du parti de la refondation communiste ceux qui s’identifient à la IVe Internationale) est membre de la Direction nationale du PRC.
1. Ce référendum visait à étendre la protection contre les licenciements abusifs aux travailleurs des petites entreprises (moins de 15 salariés). Un véritable front s’était constitué pour prôner la non-participation au vote afin d’empêcher que ne soit atteint le quorum de 50 %+1 votants : le patronat, la coalition gouvernementale et la très grande majorité du centre-gauche ainsi que deux centrales syndicales, l’UIL et la CISL… soit des forces qui correspondaient à 92 % des suffrages exprimés lors des précédentes élections législatives. Parmi les forces politiques, seuls le PRC et les Verts ont soutenu ce combat, parmi les forces syndicales ce fut le cas de la FIOM et de la CGIL, bien que cette dernière ne se soit pas engagée activement dans la campagne. Le référendum s’est soldé par un échec : seulement 25,7 % des inscrits ont participé au vote, même si parmi les votants 87,3 %, soit plus de 10,3 millions, se sont prononcés en faveur de l’extension de la protection contre les licenciements. Cf. Inprecor n° 484.
2. L’Olivier est la coalition électorale du centre-gauche, autour des forces social-démocrates (Démocrates de gauche, DS, issu de la social-démocratisation de la majorité de l’ex-PCI) et démocrates chrétiennes.
3. Palmiro Togliatti (1893-1964), un des fondateurs du PCI, dont il prend la direction après l’arrestation d’Antonio Gramsci en 1926 et l’aligne sur Moscou. Ministre de juin 1945 à mai 1947. Il publiera les œuvres de Gramsci en en donnant une interprétation réformiste. Après le XXe Congrès du PCUS (1956) il autonomise le PCI vis-à-vis du Kremlin.
4. Démocratie prolétarienne (Democracia proletaria, DP) fut une organisation d’extrême gauche qui a rejoint le PRC lors de sa fondation. Les militants de la Ligue communiste révolutionnaire, section italienne de la IVe Internationale, après avoir agi en coalition avec DP durant plusieurs années, l’avaient intégrée tout en restant en tendance et en poursuivant la publication de leur mensuel Bandiera Rossa. Les deux groupes ont cependant rejoint simultanément le PRC, mais avec des conceptions différentes du parti à construire.