Lynchage de maires corrompus en Bolivie

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Message par Krueger » 17 Juin 2004, 19:24

a écrit :En Bolivie et au Pérou, des Indiens Aymaras ont lynché deux maires accusés de corruption

Le réveil des populations indigènes pose problème aux Etats andins, appauvris et affaiblis.

Le maire d'un village bolivien, dans la région des Indiens Aymaras, a été torturé, lynché et brûlé par la foule, qui l'accusait de corruption. Le corps calciné de Benjamin Altamirano a été découvert sur la place principale d'Ayo Ayo, à 87 km de La Paz, mardi 15 juin, attaché à un poteau, face au monument à Tupac Katari, un Indien qui s'est soulevé contre la couronne espagnole au XVIIIe siècle.

En juillet 2003, deux personnes avaient déjà été victimes de l'expéditive "justice communautaire" à Calacoto (Bolivie), près du lac Titicaca. Selon la famille du maire d'Ayo Ayo, un métis appartenant à la Nouvelle force républicaine (populiste de droite), il a été enlevé la veille à La Paz, après avoir été relaxé par la justice pour le détournement de fonds publics évalué à un demi-million de dollars.

Les policiers et les journalistes qui se sont rendus à Ayo Ayo ont été agressés par les habitants en colère. Ramon Copa, dirigeant du syndicat de travailleurs agricoles, a menacé de détruire un pylône de ligne à haute tension, le gazoduc et l'oléoduc et de bloquer les routes si Saturnino Apaza, le conseiller municipal détenu comme instigateur du lynchage, n'était pas libéré.

Perché à 4 000 m d'altitude, Ayo Ayo se trouve à une cinquantaine de kilomètres d'Ilave, au Pérou, dont le maire métis, Cirilo Robles, a également été lynché par la population aymara, le 26 avril 2004, pour des motifs similaires. Faute d'avoir été entendus par le gouvernement de Lima "depuis longtemps", les habitants d'Ilave, en ébullition depuis deux mois, veulent être rattachés à la Bolivie, où les Aymaras sont courtisés par deux leaders rivaux, Evo Morales et Felipe Quispe.

"TOMBEUR DE PRÉSIDENT"

Dirigeant des cocaleros, les paysans planteurs de coca, Evo Morales a créé la surprise en parvenant au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Le mouvement social, qui a poussé au départ du président Gonzalo Sanchez de Lozada, en octobre 2003, lui a conféré la réputation de "tombeur de président". Depuis, il ne ménage pas ses efforts pour convaincre qu'il respecte les institutions. Après s'être rendu au récent sommet Union européenne-Amérique latine, à Guadalajara (Mexique), il a reçu José Bové et d'autres dirigeants de Via Campesina à La Paz, le 7 juin. Evo Morales soutient le référendum prévu pour le 18 juillet sur les hydrocarbures, la principale ressource de la Bolivie. En 2005, une assemblée constituante devrait mieux intégrer les Aymaras et les Quechuas dans la société bolivienne.

Le dirigeant syndical et ancien guérillero Felipe Quispe est sur une ligne autrement plus radicale. Il prône l'indépendance du Kollasuyo, le pays aymara, et ne reconnaît ni la Bolivie ni les autres pays des Andes à forte population indigène. Il pousse les communautés à recourir à leurs autorités traditionnelles, l'Etat étant peu présent dans certaines régions, comme à Ayo Ayo. En mai, il a démissionné du Parlement, "où on vole, où on ne travaille pas et où on ment à l'opinion publique".

Les opposants au référendum exigent la nationalisation des hydrocarbures et multiplient les barrages routiers depuis des semaines. Le président, Carlos Mesa, a dû remplacer son ministre de l'énergie trois fois en sept mois. Le calendrier politique n'arrive pas à résorber l'agitation sociale qui s'étend. Après plus d'un mois de grève des enseignants, le ministre de l'éducation a dû démissionner.

Le réveil indien déstabilise deux autres pays andins, à part la Bolivie. Au Pérou, le président Alejandro Toledo, pourtant lui-même d'ascendance indienne, se trouve face à 91 % de désapprobation. En Equateur, le soutien initial des mouvements indiens au président Lucio Gutierrez s'est rapidement mué en demande de démission.

Paulo A. Paranagua
Le Monde
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.06.04


Je trouve que le journaliste met surtout en avant la question indigène et pas trop les conditions de vie desastreuses. J'avais déjà entendu parler d'évenements semblables dans la localité de Ruy-Ruy (pas très sur de l'orthographe...) où le maire et le préfet avaient failli se faire pendre par la population qui n'était pas uniquement indienne.
Mais je ne connais pas assez bien la situation pour me faire le plus petit début d'avis. Quelqu'un a des informations ?
Krueger
 
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Message par avarello » 21 Juin 2004, 09:15

il ne faut pas perdre de vue que les amerindiens des andes sont victimes d un veritable apartheid,le pouvoir etant détenu par les blancs.....
avarello
 
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Message par pelon » 21 Juin 2004, 10:20

En tout cas un exemple de la violence des masses (rien à voir avec les actions de cow boys genre brigades rouges) à méditer par mael.monnier. A lire sur le sujet l"excellent "Indios" de B. Traven.
pelon
 
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Message par Krueger » 22 Juin 2004, 12:37

D'autres éléments d'informations. Parus ou à paraitre dans Courrier International

a écrit :

Courrier international - 18 juin 2004        Revue de presse          BOLIVIE -

L'Etat perd le contrôle dans les Andes         

Le lynchage d’un maire dans un village des Andes illustre la perte de confiance dans la justice de l'Etat de la part des Indiens aymaras. La vindicte populaire tend à se propager dans l'ouest du pays et menace l'unité de la Bolivie.



Dans le village d'Ayo Ayo - AFP
"L’Etat bolivien a perdu le contrôle dans certaines régions du territoire depuis quelques années", a reconnu le gouvernement bolivien par la voix de son porte-parole Alfonso Ferrufino Balderrama, à la suite du lynchage, dans la nuit du lundi 14 au mardi 15 juin, du maire du village d’Ayo Ayo, à 87 kilomètres de la capitale La Paz, dans les Andes boliviennes, chez les Indiens aymaras. Benjamin Altamirano, un métis appartenant à la Nouvelle Force républicaine (populiste de droite) a été torturé, lynché et brûlé par la foule qui l’accusait de corruption alors que la Cour suprême de La Paz venait de le relaxer.

"En Bolivie, deux types de justice coexistent", rappelle la quotidien bolivien La Razón. "La justice ordinaire, qui s’exerce depuis l’époque républicaine, est écrite, normée et condamne à la prison. La justice communautaire correspond aux usages et coutumes des communautés indigènes et applique des châtiments moraux ou la loi du talion", précise le journal de La Paz. Cependant, "la peine de mort n’est pas une sanction possible, ni dans la justice ordinaire, ni dans la justice communautaire, qui est par ailleurs reconnue par la Constitution depuis 1994", souligne Paulino Verasategui, ministre adjoint de la Justice.



Ce type de dérive "se produit pourtant dans beaucoup de villes", rappelle Paulo Bravo Alencar, président de la commission des droits de l’homme à la Chambre des députés bolivienne. "Ces situations sont fréquentes, et à chaque fois, les autorités n’arrivent pas à contrôler la situation", déplore-t-il dans La Razón, qui dresse un inventaire d’une dizaine de cas de conflits violents entre les maires et leurs populations dans les Andes. Pour le quotidien bolivien, "le gouvernement fait face à des expressions de violences collectives dues au manque de crédibilité du système judiciaire en vigueur".

Selon l’anthropologue Carlos Ostermann cité toujours par La Razón : "La justice communautaire est une réponse à l’absence de confiance dans l’ordre établi. Par ailleurs, des phénomènes comme les migrations, la situation économique critique des paysans et l’influence des médias détruisent le noyau communautaire et engendrent sa désintégration. La justice communautaire permet de réaffirmer le contrôle social qu’exerce la communauté." Pour le représentant du Mouvement des [paysans] sans terre, Alejandro Valero, "ce qui s’est passé à Ayo Ayo était l’action commune de tout un peuple exténué, en colère contre un système judiciaire corrompu."

"Le gouvernement du président Carlos Mesa Gisbert doit résoudre une profonde crise institutionnelle et politique, à travers laquelle beaucoup de Boliviens remettent en question la viabilité même de la République", relate le journal conservateur bolivien El Diario. "Il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que ce sont des petits groupes minoritaires, mais extrêmement actifs et efficaces, qui en ce moment génèrent les situations de troubles et de confrontations que nous vivons", poursuit le journal en citant Alfonso Ferrufino Balderrama. "Bien sûr, nous savons que la société n’a pas beaucoup de raisons de croire à l’Etat", a concédé le représentant du gouvernement. "Nous essayons de redonner foi et confiance au peuple, à travers un devoir quotidien de transparence et d’honnêteté", a-t-il affirmé. "Dans ce contexte de troubles créés de la manière la plus irresponsable, le gouvernement doit réussir à surmonter ces situations conflictuelles avec pour unique instrument le dialogue", estime El Diario.

Trois jours après les troubles, "la population d’Ayo Ayo n’a pas encore retrouvé sa vie normale et reste sans autorité", rapporte de son côté le quotidien bolivien Los Tiempos. Le journal de la ville de Cochabamba précise que "les paysans se sont réunis sur la place du village et ont menacé de détruite un pylône d’une ligne à haute tension si les autorités ne libèrent pas l’unique suspect de l’assassinat du maire."

La même affaire s'est produite au sein de la communauté des Aymaras du Pérou, dans le village d'Ilave, à une cinquantaine de kilomètres d'Ayo Ayo. Le maire métis, Cirilo Robles, avait été lynché le 26 avril 2004 pour des motifs similaires.

Hamdam Mostafavi
Krueger
 
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