a écrit :Il y a 1320 ans : la bataille de Tahouda
mis en ligne le mardi 3 juin 2003
En 670, l’Afrique du Nord fait encore partie intégrante de l’empire Byzantin. Cet empire est très affaibli suite aux coups portés par les troupes arabes depuis 632, lesquels ont déjà entraîné la perte de deux provinces, la Syrie et l’Egypte.
Dans ces conditions, l’empereur de Constantinople se trouve dans l’impossibilité de défendre ses possessions en Afrique du Nord. De plus les Gréco-Byzantins ne contrôlent qu’une infime partie du territoire nord-africain. Concentrés dans les villes de la côte, ils vivent du commerce maritime et s’entendent mal avec les tribus berbères de l’intérieur des terres.
Profitant de cette situation, Oqba ibn Naafa, général de l’empire Omeyyade stationné en Egypte, entreprend la conquête de l’Afrique du Nord. Il installe un camp militaire à Byzacène, aujourd’hui Kairouan, en Tunisie. En quelques mois, profitant des divisions entre berbères et byzantins, il soumet tout l’Est de l’Afrique du Nord (actuelle Tunisie et Algérie orientale). La légende veut même qu’il soit allé jusqu’à l’Océan Atlantique où il se serait écrié « J’ai répandu l’Islam jusqu’au bout de l’univers ! ».
En 683 (an 63 de l’hégire musulmane) les choses changent. Devant la brutalité inouïe d’Oqba et de ses troupes (qui effraie même le Calife à Damas !) les citadins gréco-byzantins oublient leur méfiance des berbères et décident de former une alliance avec eux. De leur côté, les différentes tribus et principautés berbères acceptent de s’unir pour la circonstance. Le chef choisi pour diriger cette coalition anti-arabe est un prince berbère chrétien, Koceïla, qui gouverne un vaste royaume semi-indépendant dans les Aurès. Dirigeant respecté et habile tacticien, Koceïla voue une véritable haine à Oqba ibn Naafa. En effet, celui-ci l’avait fait prisonnier plusieurs années auparavant et l’avait humilié publiquement.
La révolte dirigée par Koceïla balaye complètement les envahisseurs arabes du nord de l’Afrique. Les garnisons arabes sont massacrées dans les villes où elles stationnent. Oqba est forcé de se replier vers l’Est. Il commet alors une grossière erreur : il sépare ses troupes en deux, renvoyant vers l’Egypte le gros de son armée, chargée d’escorter le fruit de leurs pillages en Afrique du Nord.
Oqba et le reste de ses hommes se dirigent alors vers le Sud-Est. Mais ils rencontrent l’armée des berbères de Koceïla à la sortie de l’Oued el Abiod, au lieu dit Tahouda. La bataille de Tahouda est une victoire complète pour les troupes berbères. Surtout, Oqba ibn Naafa est tué lors de l’affrontement. La mort en 683 de ce général qui avait dirigé l’invasion d’une poigne de fer depuis 670 signe la fin des premières incursions arabes en Afrique du Nord. La paix revenue, Koceïla règne alors sur les Aurès et une large partie de l’est algérien actuel jusqu’à sa mort en 686, au cours d’une bataille durant la deuxième invasion arabe, dirigée par Zohaïr ibn Qaïs.
Si, pour les populations arabisées d’Afrique du Nord, Oqba ibn Naafa est devenu un saint (une ville, Sidi Oqba, ayant même été fondée près du lieu de sa mort, à Tahouda, dans les environs de l’actuelle Biskra), la mémoire de Koceïla reste vivace chez les berbérophones, qui en on fait un symbole de la résistance à l’arabisation forcée.
a écrit :Dihya , la kahina des Aurès , texte de Kateb Yacine : extrait de la guerre de deux milles ans
Tiré de l’oeuvre en fragments
jeudi 6 avril 2006.
"Les barbares sont les agresseurs. Il n’y a pas de Kahina, pas de berbères ici. C’est nous dans ce pays qui combattons la barbarie. Adieu, marchands d’esclaves ! Je vous laisse l’histoire Au cœur de mes enfants Je vous laisse Amazigh Au cœur de l’Algérie !"
Entrent deux paysans.
PREMIER PAYSAN : Le feu, toujours le feu !
SECOND PAYSAN : Sang et poussière Feu et flammes Sur la terre libre d’Amazigh !
PREMIER PAYSAN : Où irons-nous Si toute la terre brûle ?
Entre Dihya. Elle s’adresse aux paysans.
DIHYA : Les récoltes sont perdues Mais nous pouvons tout perdre II nous reste la terre. A chacun de ses pas Sur le sol des ancêtres L’ennemi ne trouvera Que le feu sous la moire.
PREMIER PAYSAN (à part) : La guerre n’est pas notre métier.
SECOND PAYSAN (même jeu) : Nous ne sommes pas des soldats. Nous avons pris les armes Pour défendre la terre, Non pour détruire notre pays.
PREMIER PAYSAN : C’est le blé, c’est le pain qui brûle !
SECOND PAYSAN : Le pain de nos enfants !
DIHYA : Le pain, le pain amer, Le pain amer de l’esclavage ! Ils voudraient, les envahisseurs Vous le faire manger à genoux. Et demain si vous acceptez Ils vous le feront manger à plat ventre !
PREMIER PAYSAN : Si les Arabes avaient raison ?...
SECOND PAYSAN : Ne sont-ils pas les hommes de Dieu ?
PREMIER PAYSAN : Les Juifs et les Chrétiens Ne croient-ils pas aussi En un seul Dieu unique ?
DIHYA : Toutes ces religions qui n’en sont qu’une Servent des rois étrangers. Ils veulent nous prendre notre pays. Les meilleures terres ne leur suffisent pas. Ils veulent aussi l’âme et l’esprit de notre peuple. Pour mieux nous asservir, ils parlent d’un seul Dieu. Mais chacun d’eux le revendique Exclusivement pour lui et pour les siens. Ce Dieu qu’on nous impose De si loin par les armes N’est que le voile de la conquête. Le seul Dieu que nous connaissons, On peut le voir et le toucher : Je l’embrasse devant vous, C’est la terre vivante, La terre qui nous fait vivre, La terre libre d’Amazigh !
Elle embrasse la terre, imitée par les paysans. Entrent deux cavaliers.
CHOEUR DES CAVALIERS : II n’y a de dieu qu’Allah Et Mohamed est son prophète !
DIHYA : O peuple qui te dis libre, Pourquoi opprimes-tu Un autre peuple libre ?
PREMIER CAVALIER : Tu l’entends ? C’est cette femme Qui soulève les tribus contre nous.
SECOND CAVALIER : Dans ce pays les femmes sont belles.
PREMIER CAVALIER : Comme les vierges du paradis...
SECOND CAVALIER : Chez nous en Orient, Une jolie berbère se vend Plus de mille pièces d’or.
PREMIER CAVALIER : Sidi Okba ramène 80 000 esclaves.
SECOND CAVALIER : A nous les vierges du paradis !
PREMIER CAVALIER : Ecoute ô Kahina !
DIHYA (à distance) : Pourquoi donc ne nous appellent-ils Jamais par mon nom ? Mon nom est Dihya.
SECOND CAVALIER : Ecoute ô Kahina !
PREMIER CAVALIER : Pense à ton pays.
SECOND CAVALIER : Pense à tes enfants.
PREMIER CAVALIER : Rends-toi, il n’est que temps.
SECOND CAVALIER : Ecoute, ô Kahina !... ...
CHOEUR DES CAVALIERS (invisibles) : Il n’y a de dieu qu’Allah Et Mohamed est son prophète !
DIHYA (aux paysans) : Les Arabes m’appellent Kahina, la sorcière. Ils savent que je vous parle, et que vous m’écoutez ... Ils s’étonnent de vous voir diriges par une femme. C’est qu’ils sont des marchands d’esclaves. Ils voilent leurs femmes pour mieux les vendre. Pour eux, la plus belle fille n’est qu’une marchandise. Il ne faut surtout pas qu’on la vole de trop près. Ils l’enveloppent, la dissimulent comme un trésor volé. II ne faut surtout pas qu’elle parle, qu’on l’écoute. Une femme libre les scandalise, pour eux je suis le diable. Ils ne peuvent pas comprendre, aveugles par leur religion.
PREMIER CAVALIER : Pour la dernière fois, Ecoute, ô Kahina, reine des berbères...
DIHYA (aux paysans) : Ils m’appellent Kahina, ils nous appellent berbères, Comme les Romains appelaient barbares nos ancêtres. Barbares, berbères, c’est le même mot, toujours le même Comme tous les envahisseurs, ils appellent barbares Les peuples qu’ils oppriment, tout en prétendant les civiliser Ils nous appellent barbares, pendant qu’ils pillent notre pays.
Aux cavaliers :
Les barbares sont les agresseurs. Il n’y a pas de Kahina, pas de berbères ici. C’est nous dans ce pays qui combattons la barbarie. Adieu, marchands d’esclaves ! Je vous laisse l’histoire Au cœur de mes enfants Je vous laisse Amazigh Au cœur de l’Algérie !
Charge de cavalerie. Elle est tuée au combat.
CHOEUR DE PAYSANS : O Dihya, tu t’es sacrifice ! Le cœur qui pleure, Je voudrais le bruler. La cause des ancêtres Est toujours plus puissante. La nuit tombe sur les traitres.
Kateb Yacine, Parut dans L’œuvre en Fragments, Actes Sud, page 427 à 431
N° D’éditeur : 3432 Dépôt Légal : Septembre 1999 ISBN : 2-7427-2418-4 / F7 5890
433 pages, 25.76 € (à l’époque à la Fnac) par [url=mailto:amazir9999@yahoo.fr]amazir9999@yahoo.fr[/url]
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