La production de logiciels

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par domino » 06 Juil 2010, 18:08

Bonjour tlm,

Je trouve intéressant de se poser la question des autres secteurs que la production de marchandises matérielles, à l'usine, capitalisme pur surce, etc...

Notamment le cas d'un travailleur dans une entreprise qui créé et vend des logiciels. Formellement l'analogie avec le procès classique semble assez pertinente non ?

Pourtant je n'arrive pas à trancher : est ce que ce sont des marchandises comme d'autres?

En première analyse il me semble que ça dépend :
- marchandises comme d'autres pour les jeux vidéos par exemple
- outils facilitant le procès de production des marchandises bien réelles pour pas mal de logiciels (bureautique, logiciel de gestion des RH...)

Si j'ai raison, la conclusion serait qu'au sens marxiste, un gars ou une fille qui bosse dans les jeux vidéo est un travailleur-se productif et celui bosse dans un logiciel de compta est "improductif" ... :D

Mais bon plus sérieusement je suis preneur si qqun a fait ou connait une étude plus poussée de la question.
domino
 
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Message par Jacquemart » 06 Juil 2010, 18:20

Salut Domino

Vite fait, le critère ne peut pas être l'utilité de la marchandise produite. Le salarié qui fabrique un logiciel, quel qu'il soit, du moment qu'il travaille pour un entrepreneur capitaliste et que le logiciel est une marchandise (c'est-à-dire, qu'il est vendu sur le marché) est un travailleur productif.

Sur tout cela, une très bonne lecture est le bouquin d'Isaac Roubine, Essais sur la théorie de la valeur, qui contient un chapitre sur cette question précise (enfin, pas sur les logiciels, le bouquin a été écrit juste après la révolution russe...) :hinhin:

Et ça tombe bien, tout cela est disponible sur le net (le lien pointe directe sur le chapitre qui va bien, mais on peut - et on devrait - lire tout le reste, c'est un peu ardu mais ça vaut vraiment le coup).
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Message par chuck » 06 Juil 2010, 23:05

Bonne question. De plus, un nombre croissant d'entreprises se mettent à développer du logiciel libre, et ne vendent pas le logiciel en lui-même, mais plutôt les services qu'il y a autour : support, maintenance, expertise ... Ca semble bien complexe, car il y a un savant mélange de genres : on vend un bien, du service ou les deux ?

Cela dit, j'aurais tendance à penser que le larbin qui produit du logiciel, même libre, pour une entreprise, est bien dans une logique de production : les revenus de sa boîte proviennent bien du résultat de son travail. Je ne crois pas qu'il y ait à chercher beaucoup plus loin.
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Message par Belon » 07 Juil 2010, 21:16

Il me semble que Domino à raison, il y a une différence entre la production de logiciels de jeux vidéo et la production de logiciels de comptabilité si ces derniers sont vendus à des entreprises.
Le travail dépensé dans la comptabilité d'une entreprise n'est pas productif. Le logiciel a beau être produit par une entreprise informatique (peut-être même la même que celle qui produit le jeu vidéo) sa destinée n'est pas la même.
Pour ne pas se faire piéger on peut raisonner de la sorte :
Une entreprise fait sa comptabilité totalement en interne et crée elle-même ses propres logiciels de compta. Toute la comptabilité est improductive (du temps de travail qui ne crée pas de richesse), donc le temps dépensé pour produire le logiciel n'est pas productif. La problèmatique ne change pas si la production du logiciel est externalisée. Au niveau de la société dans son ensemble le résultat est le même. C'est du temps de travail dépensé pour la comptabilité.
En caricaturant imaginons une société où les gens n'achèteraient que des jeux vidéo. Il n'y aurait que des entreprises de jeux vidéo. Chaque achat de jeux par un particulier validerait l'utilité du travail dépensé par les concepteurs du jeux.
Imaginons maintenant une société où il n'existerait que des entreprises créant des logiciels de comptabilité pour les entreprises (c'est-à-dire pour elles-même finalement) aucune création de richesse n'arriverait jamais. Les particuliers (consommateurs finaux) n'auraient jamais rien à acheter.
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Message par Jacquemart » 07 Juil 2010, 22:05

Là je sens qu'on a mis le doigt dans un truc rigolo ;)
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Message par Belon » 08 Juil 2010, 19:56

En fait la discussion n'est plus sur les logiciels.
Il y avait finalement deux questions posées par Domino.

1) Les logiciels sont-ils des marchandises comme les autres.
A cela nous avons tous répondus oui.

2) La production de marchandises pour la comptabilité des entreprises est-elle productive ?

Je continue donc sur la deuxième partie du problème. Et je remplace le logiciel de compta par une chaise sur laquelle s'assoie le comptable. Une marchandise du secteur primaire.
Une entreprise qui utilise un comptable assis sur sa chaise produit des boites de conserve de haricots.
Le travail du comptable n'entrera pas dans la valeur des boites de conserve. C'est du travail improductif. Sommes-nous d'accord là-dessus ?
Maintenant la valeur de la chaise : Elle ne rentre pas plus dans la valeur des boites que le travail du comptable.
C'est-à-dire qu'on n'augmentera pas la valeur des boites de conserve en augmentant la quantité de comptabilité dans l'entreprise (que ce soit en chaises ou en comptables). Alors que si on augmente la quantité de haricots dans les boites la valeur des boites va augmenter.
L'entreprise de boites de conserve a acheté les chaises à leur valeur (en fait au prix de production mais peu importe ici) et paye la force de travail du comptable à sa valeur. C'est ce qui prête à confusion. Pourtant la vente des boites de conserve n'entérinera pas l'utilité de cette dépense. Le temps de travail dépensé en comptabilité (y compris celui des chaises) ne sera pas pris en compte dans la valeur des boites de conserve.
Pour l'entreprise qui vend la chaise comme pour le comptable, ce n'est bien entendu pas le problème. Ils veulent être payer à la valeur de leurs chaises et de leur force de travail. Sauf que le bilan global est le même. Car pour l'entreprise des boites de conserve ce sont des frais sans recette. La valeur de la chaise et du résultat du travail du comptable est perdu lors de la vente des boites (n'est pas payé).

Remarque : C'est peut-être seulement un abus de langage mais Jacquemart tu utilises la mot "utilité" à la place de utilisation. Or tu dois savoir qu'en Economie ce n'est pas la même chose. Ici, le caractère productif de la chaise dépend de son utilisation. Pas de son utilité. Elle est utile mais est utilisée dans la compta ce qui rend sa production improductive.
Belon
 
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Message par shadoko » 08 Juil 2010, 23:15

Moi aussi, je veux jouer.

a écrit :
Alors que si on augmente la quantité de haricots dans les boites la valeur des boites va augmenter.

Pas forcément, il me semble. Elle n'augmentera que s'il faut dépenser plus de travail humain pour augmenter la quantité de haricots (et tout cela en moyenne dans la société). Ça n'a de toutes manières pas grand rapport avec la discussion.

Pour ce qui est de l'exemple de la chaise, je ne comprends pas du tout ce que tu veux montrer, Belon.

Pendant le processus de vente de la chaise par l'entreprise qui la fabrique et d'achat par l'acheteur, la chaise est une marchandise, et elle a une valeur (travail). Que l'acheteur soit une autre entreprise ou pas, et que la chaise soit utilisée par la suite pour faire du petit bois ou pour assoir un comptable ne change rien à cela. Cette chaise est une marchandise quand elle se vend sur le marché, et il en est de même des logiciels de compta ou de jeux vidéos, qui subissent la loi du marché, c'est à dire in fine celle de la valeur travail, à partir du moment où ils sont effectivement vendus sur le marché, et non produits de manière interne à une entreprise.

La différence à faire, dans ce problème, c'est si quelque chose est une marchandise (est vendue sur le marché) ou pas, il me semble.

a écrit :
Ici, le caractère productif de la chaise dépend de son utilisation. Pas de son utilité. Elle est utile mais est utilisée dans la compta ce qui rend sa production improductive.

Il ne me semble pas qu'on puisse parler du "caractère productif" d'un objet, mais seulement de celui d'un travail. On peut alors se demander deux choses:
1. "le travail dépensé pour produire la chaise est-il productif?" et la réponse est oui si la chaise est vendue comme marchandise et non sinon.
2. "le travail dépensé pour produire autre chose en utilisant la chaise est-il productif?" et dans ce cas, la réponse n'a rien à voir avec la chaise.

Bref, ce n'est pas la chaise en tant que telle qui a un caractère productif.
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Message par Barnabé » 13 Juil 2010, 02:24

d'accord avec shadoko. Il me semble que le fait qu'une chaise soit ou non utilisée productivement détermine simplement si elle devient elle-même un moyen de production ou pas (et donc si sa valeur est incluse ou non dans le capital constant transmis aux marchandises produite). Pour revenir à l'exemple de départ des logiciels, un travailleur qui, dans une boite, participe à la création de logiciels qui seront vendu (donc comme marchandise (je le mets pas en gras mais le cœur y est), permettant au propriétaire de la boîte d'empocher une plus-value sur le travail de ses salariés et d'accumuler du capital) est dans tous les cas productif (indépendamment de l'usage qui est fait ensuite de la marchandise qu'il a produit).
Barnabé
 
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Message par Belon » 14 Juil 2010, 06:11

L'ouvrier qui crée la chaise et le patron qui l'emploie en tire salaire et profit.
Ils se présentent donc sur le marché avec un pouvoir d'achat égal à la valeur de la chaise. Que vont-ils consommer ? Pas la chaise, elle est utilisé par le comptable. Ils ne leur restent que les boites de haricots. Quelle valeur ont-elles ? : La valeur correspondant à la quantité de travail qu'il a fallu pour les produire dans laquelle ne rentre pas le travail dépensé en comptabilité (que ce soit le travail du comptable ou le travail dépensé pour la chaise). La valeur de la chaise n'est pas transmise aux boites. Les ouvriers et les patrons qui ont produit la chaise et les boites et aussi le comptable n'auront que la valeur des boites à se partager. Pour la valeur globale c'est comme si la chaise n'avait pas été produite. Le salaire de l'ouvier qui a produit la chaise et le profit de son patron ne sont donc pas issus de la valeur de la chaise (qui est perdu au moment de la vente des boites) mais de la plus-value des ouvriers des boites. La production de la chaise a beau être externalisée cela reste de la comptabilité et pas autre chose. Du travail improductif.
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Message par Jacquemart » 14 Juil 2010, 07:48

La plus grave maladie du cerveau, c'est de réfléchir, et ce n'est pas Shadoko qui me dira le contraire. :hinhin:

En faisant intervenir la question de qui pourra acheter quoi, on embrouille encore un peu plus la question, sans démontrer quoi que ce soit de plus car, sur le fond, le raisonnement se ramène à une tautologie ("la fabrication de la chaise ne crée pas de valeur parce que... la fabrication de la chaise ne crée pas de valeur").

Une simple question à Belon : si la chaise est achetée non pour servir à un ouvrier ou à un comptable, mais tout simplement par un particulier, selon toi, le travail qui a servi à la fabriquer est-il productif ?
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