Droit des nations et progrès ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Zimer » 31 Oct 2008, 17:07

a écrit :Le panslavisme démocratique
F. Engels

Un article essentiel de la Nouvelle Gazette Rhénane sur la question nationale.

Cologne, le 14 février.
[…] Un mot seulement sur la « fraternisation générale des peuples » et le tracé de « frontières que la volonté souveraine des peuples détermine elle-même sur la base de leurs particularités nationales ». Les États-Unis et le Mexique sont deux républiques; dans les deux, le peuple est souverain.
Comment se fait-il qu'entre ces deux républiques qui, conformément à la théorie morale, devraient être « fraternelles » et « fédérées », comment se fait-il qu'une guerre ait éclaté ait sujet du Texas ? Comment se fait-il que la « volonté souveraine » du peuple américain, appuyée sur la vaillance des volontaires américains, ait déplacé à quelques centaines de lieues plus au Sud les frontières tracées par la nature « pour des nécessités géographiques, commerciales et stratégiques » ? Et Bakounine reprochera-t-il aux Américains une « guerre de conquête » qui porte, certes, un rude coup à sa théorie fondée sur la « justice et l'humanité » mais qui fut menée purement et simplement dans l'intérêt de la civilisation  ? On bien est-ce un malheur que la splendide Californie soit arrachée aux Mexicains paresseux qui ne savaient qu'en faire  ? Est-ce un malheur que les énergiques Yankees, en exploitant rapidement les mines d'or qu'elle recèle augmentent les moyens monétaires, qu'ils concentrent en peu d'années sur cette rive éloignée de l'Océan Pacifique une population dense et un commerce étendu, qu'ils fondent de grandes villes, qu'ils créent de nouvelles liaisons maritimes, qu'ils établissent une voie ferrée de New York à San Francisco, qu'ils ouvrent vraiment pour la première fois l'Océan Pacifique à la civilisation et que, pour la troisième fois dans l'histoire, ils donnent au commerce mondial une nouvelle direction  ? L'« indépendance » de quelques Californiens et Texans espagnols peut en souffrir, la « justice » et autres principes moraux peuvent être violés ça et là, mais qu'est-ce en regard de faits si importants pour l'histoire du monde  ?
[ …] Nous avons développé comment des petites nations remorquées depuis des siècles contre leur propre volonté par l'histoire, étaient nécessairement contre-révolutionnaires, et comment leur position dans la révolution de 1848 fut réellement contre-révolutionnaire. Face au manifeste panslaviste démocratique qui réclame l'indépendance de tous les Slaves sans distinction, il nous faut revenir sur ce point.
[ … ] Nous le répétons :  en dehors des Polonais, des Russes et à la rigueur des Slaves de Turquie, aucun peuple slave n'a d'avenir pour la simple raison que les conditions premières de l'indépendance et de la viabilité, conditions historiques, géographiques, politiques et industrielles manquent aux autres Slaves.

[…] Quels sont donc les grands et terribles crimes commis par les Allemands et les Magyars contre la nation slave  ? Nous ne parlons pas ici du partage de la Pologne qui n'est pas du tout notre sujet, nous parlons du « tort séculaire » qu'on aurait fait aux Slaves.
[…Et finalement, quel « crime », quelle « maudite politique » est-ce donc, si à une époque où d'ailleurs en Europe les grandes monarchies devinrent une « nécessité historique », les Allemands et les Magyars ont réuni en un grand empire des groupuscules nationaux, étiolés et impuissants et les ont ainsi rendus capables de participer à une évolution historique qui leur serait restée complètement étrangère s'ils avaient été livrés à eux-mêmes  ! Évidemment, de semblables réalisations sont impossibles sans écraser brutalement quelques tendres fleurettes nationales. Mais dans l'histoire rien ne se produit sans violence et sans une brutalité implacable. Et si Alexandre, César et Napoléon avaient montré la sensiblerie à laquelle le panslavisme fait appel en faveur de ses clients  décadents, que serait devenue l'histoire ! Et les Perses, les Celtes et les Germains convertis au christianisme ne valent-ils pas les Tchèques, les militaires d'Ogalin et les Manteaux rouges  ?
Or maintenant, du fait des progrès puissants de l'industrie, du commerce et des communications, la centralisation politique est devenue un besoin encore plus pressant qu'au XV° et au XVI° siècle. Tout ce qui peut encore se centraliser se centralise. Et maintenant les panslavistes arrivent et exigent que nous « libérions » ces Slaves à demi germanisés, que nous supprimions une centralisation imposée à ces Slaves par tous leurs intérêts matériels  !
Bref, il s'avère que ces « crimes » des Allemands et des Magyars envers les Slaves en question appartiennent aux actions les meilleures et les plus remarquables dont notre peuple et le peuple magyar puissent se vanter dans l'histoire.
[…]


My Webpage Certains auront -ils des lumiéres sur ce texte qui polémique avec Bakunin ?

Engels , même si l'on passe sur "les mexicains paresseux " semble défendre très clairement l'annexion d'une partie du Mexique par les USA .

a écrit :comment des petites nations remorquées depuis des siècles contre leur propre volonté par l'histoire, étaient nécessairement contre-révolutionnaires
La aussi :emb: :emb: :emb: je sèche un peu ...

Enfin
a écrit :aucun peuple slave n'a d'avenir pour la simple raison que les conditions premières de l'indépendance et de la viabilité, conditions historiques, géographiques, politiques et industrielles manquent aux autres Slaves
la encore :emb: ????
Zimer
 
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Message par Puig Antich » 01 Nov 2008, 01:29

Hé oui, Engels a sorti de grosses conneries.
Puig Antich
 
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Message par artza » 01 Nov 2008, 08:04

(Puig Antich @ samedi 1 novembre 2008 à 02:29 a écrit :Hé oui, Engels a sorti de grosses conneries.

Peut-être que c'est celui qui le dit qui le fait? :D

Pour les citations que tu donnes en quoi posent-elles problèmes?

Les slovaques, les slovénes et autres ont-ils connu un énorme développement?

Les événements les plus récents infirment-ils ce que prétend Engels?
artza
 
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Message par sylvestre » 01 Nov 2008, 10:50

Première remarque le contexte général des années 1847-1848 est celui de révolutions populaires démocratiques pour l'union de nations dispersées par les survivances du système féodal. Deuxièmement l'autonomie des nations slaves était appuyée par la Russie Tsariste, et c'est en basant sa perspective sur la question de classe qu'Engels a profondément raison, même si l'histoire a montré que ses formules étaient éxagérées.

a écrit :En politique étrangère, la Nouvelle Gazette rhénane prône la guerre contre la Russie féodale, pilier de la Sainte Alliance, soutien de la réaction en Europe [12]. Elle se prononce pour la restauration de la Pologne. Elle souhaite que « la politique sanglante et lâche de l'Ancien régime » cède la place « à la politique internationale de la démocratie [13]. » Le journal de Marx et d’Engels soutient avant tout les révolutions sœurs : dès le début elle prend parti pour les Polonais qui luttent en Posnanie, pour les Italiens, pour les Hongrois, pour les Tchèques.

C'est donc par référence à la lutte de classes que la Nouvelle Gazette rhénane détermine sa position dans les problèmes de politique étrangère, soulignant que la politique étrangère d'un pays est celle de la classe au pouvoir dans ce pays. Elle établit une distinction entre nations révolutionnaires et nations contre-révolutionnaires, critique le fameux principe des nationalités, leitmotiv de la politique extérieure de la bourgeoisie au XIX° siècle, et l'emploi qu'on en fait. Elle reproche aux Slaves de l'empire autrichien, Polonais exceptés, de faire passer leurs intérêts nationaux avant ceux de la révolution, de lutter contre les peuples révolutionnaires de la monarchie autrichienne et de s'allier à la Russie, grande nation slave, mais centre de la réaction.
(...)
en refusant tout avenir aux nations slaves - Polonais, Russes et slaves de Turquie exceptés - Engels se trompe. En ne reprenant pas ces affirmations dans son ouvrage, « Révolution et contre-révolution en Allemagne », il reconnaît implicitement cette erreur.


( L.Netter )

Sur le Mexique Marx et Engels ont également révisé leur position par la suite, ayant compris que les conquêtes étasunienne n'avaient rien de progressiste mais étendaient au contraire les domaines de l'esclavage.
sylvestre
 
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Message par Puig Antich » 01 Nov 2008, 13:57

Oui, enfin, les principes démocratiques élémentaires, réaffirmés par Lénine, veulent qu'on laisse à une population qui se sent un destin commun, le droit de le déterminer souverainement.

Des critiques de gauche, et de droite, ont été faite à Lénine sur ce point. Rosa Luxembourg voyait dans " le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", une fenêtre par laquelle la bourgeoisie (locale ou étrangère) pouvait s'introduire pour s'attribuer le droit de disposer de son peuple, ce qui est effectivement arrivé souvent. Staline a repris l'argument pour favoriser in fine la domination grand-russe sur les petites républiques et leurs partis communistes, dans le cadre de l'URSS.

Mais quoi qu'on pense de toutes ces formules, le fait d'encourager les politiques d'asservissement et d'annexionnisme, au prétexte que les petits peuples n'auraient pas d'histoire, est contraire à tout ce qu'ont défendu les révolutionnaires quand ils se sont engagés dans ces questions, y compris Marx (exemple de l'Irlande). L'attitude inverse a au contraire favorisé le nationalisme des petites nations, à les éloigner du communisme (politiques des PC sur la question coloniale), et, parfois, à faire jouer à des peuples, effectivement, un rôle réactionnaire. Mais ils n'y étaient aucunement prédestiné par une quelconque "loi historique".

Je pense qu'on peut reconnaître que même les plus grands ont écrit des conneries. Lénine dans son bouquin sur la question des nationalités est beaucoup plus en avance : pour lui, l'intégration des nations, petites mais aussi grandes, dans des ensembles plus grands est progressiste pour l'humanité - pour autant que cela se fait à égalité de droit, par une démarche volontaire. Je pense que l'histoire a prouvé que seul un socialisme véritable pourra réaliser cela.
Puig Antich
 
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Message par sylvestre » 01 Nov 2008, 15:24

a écrit :Oui, enfin, les principes démocratiques élémentaires, réaffirmés par Lénine, veulent qu'on laisse à une population qui se sent un destin commun, le droit de le déterminer souverainement.


Pas d'accord. Ce n'est pas en référence à des principes démocratiques valables partout et toujours que nous devons déterminer notre position par rapport aux mouvements nationalistes, mais par rapport aux intérêts de la révolution mondiale. Remember "Les communistes représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité." ?

Ainsi il est évident pour tout le monde ici je pense que nous ne soutenons pas la bourgeoisie sécessionniste de Santa Cruz, malgré qu'il s'agisse d'une population se sentant un destin commun ?


D'autre part, il y a une mécompréhension profonde si l'on dit qu'Engels dans le texte nommé est pour l'annexionisme, pour les grands états à tout prix. Au contraire il s'y déclare par exemple pour l'indépendance des polonais, des magyars... parce qu'il y a dans ces nations des mouvements démocratiques, alors que dans les petits pays slaves dont il parle il n'y avait effectivement comme perspective que des petits états indépendants en principe, sous la coupe du tsar de Russie en fait. Le mouvement révolutionnaire de ces pays devait donc chercher à rejoindre celui de ces autres nations, plutôt que suivre un cours indépendantiste purement utopique, ou réactionnaire. D'ailleurs l'histoire des décennies suivantes n'a pas démenti le pronostic d'Engels.
sylvestre
 
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Message par Puig Antich » 01 Nov 2008, 17:18

Concernant Santa Cruz, il ne faut pas oublier la conquête coloniale de l'Amérique Latine. On se positionne pour l'intérêt des larges masses andines contre les privilégiés et c'est précisément une considération démocratique. Le communisme, lui, est étranger au nationalisme, même " progressiste ", mais la révolution mondiale sera une révolution à la fois communiste et démocratique. On entraînera les opprimés vers nous uniquement en les soutenant lorsqu'ils défendent des droits élémentaires.

Il ne me semble pas que les petits pays slaves étaient dans la situation de Santa Cruz vis à vis de l'empire autrichien...
Puig Antich
 
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Message par Puig Antich » 01 Nov 2008, 17:21

a écrit :Le mouvement révolutionnaire de ces pays devait donc chercher à rejoindre celui de ces autres nations, plutôt que suivre un cours indépendantiste purement utopique, ou réactionnaire.


Là dessus parfaitement d'accord, mais on explique pas ça en considérant son interlocuteur comme un "peuple sans histoire", et autres formules péjoratives.

edit : l'objet de l'article est d'ailleurs plus d'expliquer "le rôle progressiste" des grands empires que de dire cela.
Puig Antich
 
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Message par sylvestre » 01 Nov 2008, 18:29

a écrit :Il ne me semble pas que les petits pays slaves étaient dans la situation de Santa Cruz vis à vis de l'empire autrichien...


Il manque au moins un membre de la comparaison, parce que la situation de Santa Cruz vis à vis de l'empire autrichien... :33:

La comparaison est périlleuse, mais l'idée c'est que les petits pays slaves étaient dans une situation comparable envers la Russie à celle de Santa Cruz envers les Etats-Unis, en cela que leur autonomie n'aurait été que formelle et aurait de fait renforcé le camp de la réaction internationale.

Il y a évidemment des tas d'exemples de "mouvements nationaux" sponsorisés par l'impérialisme pour contrer de véritables mouvements indépendantistes. Me vient à l'esprit comme assez caractéristique la sécession du Katanga, opération des milieux d'affaires occidentaux contre le régime de Patrice Lumumba.

Incidemment je ne sais pas si Marx et Engels ont vraiment utilisés l'expression "peuples sans histoire", mais en tout cas je la retrouve pas dans l'article considéré. Engels se contente d'y mentionner les conditions historiques parmi les facteurs ne permettant pas un développement national autonome, ce qui est beaucoup moins vexant.
sylvestre
 
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Message par yannalan » 01 Nov 2008, 20:01

(artza @ samedi 1 novembre 2008 à 08:04 a écrit :
(Puig Antich @ samedi 1 novembre 2008 à 02:29 a écrit :Hé oui, Engels a sorti de grosses conneries.


Oui, des peuples peuvent avoir à un moment donné un rôle réactionnaire.

Par exemple, les navarrais, les fameux "requetes" à "boïna roja" pendant la guerre civile espagnole!

Je prends un exemple connu et un peu ancien pour ne blesser personne, enfin j'espère :D

P
Juste sur ce détail, je n'ai pas souvenir que les requétés aient eu une quelconque revendication d'autonomie vis-à-vis de l'Espagne, lis recrutaient aussi, de façon moins massive, il est vrai, en Catalogne et dans d'autres régions.
Notons aussi qu'ils ont fait une sacrée épuration dès le début du soulèvement chez les pro-basques et les ouvriers.
yannalan
 
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