(yannalan @ jeudi 25 janvier 2007 à 09:21 a écrit : Il y a un pavé de Robert Mantran, mais je ne me souviens plus du titre, tapez sur amazon ou fnac, tu trouveras. qqchose comme l'empire turc ou histoire des turcs..
a écrit :
Je pense qu'il n'existe plus de civilisations "arabe", "chinoise", "européenne" ou autres ; ceux qui prétendent le contraire sont les mêmes qui cherchent à précipiter le prolétariat et les peuples dans un piège mortel. Bon gré, mal gré la bourgeoisie a conquis et chambardé de fond en comble la planète uniformisant les systèmes sociaux.
(abounouwas @ vendredi 26 janvier 2007 à 17:30 a écrit :a écrit :
Je pense qu'il n'existe plus de civilisations "arabe", "chinoise", "européenne" ou autres ; ceux qui prétendent le contraire sont les mêmes qui cherchent à précipiter le prolétariat et les peuples dans un piège mortel. Bon gré, mal gré la bourgeoisie a conquis et chambardé de fond en comble la planète uniformisant les systèmes sociaux.
Il est évident que les travailleurs n'ont pas à défendre des lambeaux idéologiques utilisés par les bourgeoisies nationales (ou continentales) pour dresser par exemple les ouvriers francais contre les ouvriers chinois.
De là à dire qu'il n'y a plus de civilisation arabe, chinoise ou européenne, c'est un propos qui demande à être éclairci.
Il est tout d'abord clair que les rapports de production n'en sont pas aux mêmes degrés d'affrontement selon les espaces économiques considérés.
Il n'y a pas de différence entre une monarchie pétrolière et la France?
Leurs superstructures mettent en jeu des systèmes idéologiques différents, non?
Rôles et droits des femmes par exemple varient sur l'ensemble de la planète sans pour autant que cela ne remette en cause l'existence d'une domination masculine.
Voilà pourquoi je ne suis pas non plus d'accord sur "l'uniformisation des systèmes sociaux".
a écrit :Nous vivions dans des clairières.
L'Islam, lui, brillait de tous ses feux...
Par Maurice Lombard
Ce texte est paru dans Le Temps stratégique No 20, printemps 1987.
L'auteur des ces lignes est décédé en 1965. Mais sa vision nous est apparue si forte, si originale, en ces temps d'anti-islamisme primaire, que nous avons décidé d'en donner ici un aperçu. Pour Maurice Lombard en effet, à l'époque où, en Europe, nous vivions notre haut Moyen Age, L'islam, lui, réussissait à fondre dans son creuset les restes des plus hautes cultures de l'Orient, et ranimait par contrecoup notre civilisation occidentale, alors gravement affaiblie par les invasions barbares. Nous inaugurons avec ce texte, sous le label "Classiques", la présentation, qui sera épisodique, de textes déjà publiés ailleurs, mais riches en enseignements pour notre temps.
Maurice Lombard (1904-1965) enseignait l'histoire économique du Moyen Age méditerranéen à l'École pratique des hautes études et à l'École normale supérieure de Paris. Le texte présenté ici est extrait de son ouvrage posthume L'islam dans sa première grandeur (Paris, Flammarion, 1971). Parmi ses autres ouvrages importants on notera Espaces et réseaux du haut Moyen Age (Paris, Mouton, 1972) et Monnaie et Histoire d'Alexandre à Mahomet (Paris, Mouton, 1971).
Le monde musulman du VIIIe au XIe siècle n'est pas seulement le point de départ d'une longue histoire: celle des civilisations musulmanes. Il est aussi le point d'arrivée - et jusqu'à présent- d'apogée d'une histoire encore plus longue: celle des civilisations urbaines de l'Orient antique, les plus vieilles civilisations connues de l'humanité déjà un moment regroupées dans l'empire d'Alexandre...
Jetons d'abord un regard vers l'époque des conquêtes arabes (milieu du VIIe-milieu du VIIIe siècle). C'est alors que le monde musulman prend ses visages essentiels.
Ces conquêtes sont, d'abord, le fait des Arabes d'Arabie, chameliers bédouins qui constitueront la première force militaire de l'islam, sous la direction des chefs de La Mecque, eux-mêmes citadins commerçants et armateurs des grandes caravanes. Hors du désert et des zones de pâturage de la péninsule arabique, les Arabes viseront les pays du Croissant fertile: Mésopotamie, Syrie, Égypte.
Les conquérants
arabes? Une poignée
de chameliers reçus
en libérateurs
Mais, à côté de cet élément arabe, les armées de l'islam s'ouvriront aux contingents levés parmi les populations subjuguées, contingents qui prolongeront le mouvement initial: c'est ainsi que les Iraniens pousseront vers l'Asie centrale, les Syro-Égyptiens vers l'Afrique du Nord, les Berbères d'Afrique du Nord, à leur tour, vers l'Espagne et la Sicile.
L'élément arabe s'est donc limité à une seule vague d'envahisseurs, partis d'un désert et non d'un de ces hinterlands de forêts aux clairières cultivées (Europe centrale) ou de steppes à pâturages (Asie) qui ont toujours constitué le réservoir des envahisseurs barbares dont les vagues successives sont venues s'installer dans un Occident rural, forestier et peu peuplé. Ici, une poignée de conquérants s'absorbe rapidement, se fond dans des foules urbaines de civilisation supérieure.
Comment expliquer la facilité et la rapidité de cette conquête? Les Arabes avaient en fait toutes chances d'être accueillis comme des libérateurs par les vieilles populations du monde sémitique de Syrie et de Mésopotamie et par les Égyptiens. Ces peuples, outre la parenté ethnique et linguistique qui liait certains d'entre eux aux Arabes, étaient soumis depuis longtemps à Rome puis à Byzance à l'ouest, à l'Empire perse sassanide à l'est. Ils étaient en état de révolte permanente contre les administrations de Constantinople et de Ctésiphon; révolte, comme toujours en Orient, à coloration religieuse et à fond social. Le domaine byzantin est secoué par des hérésies; le nestorianisme et le monophysisme surtout s'opposent à l'orthodoxie dirigeante. Dans le domaine sassanide se développent le manichéisme, le judaïsme et le christianisme, toutes confessions dirigées contre la religion officielle, le mazdéisme.
Or, les tendances démocratiques, égalitaires et cosmopolites du message islamique répondaient à ces mouvements de révolte sociale et religieuse. D'où, partiellement du moins, la facilité de la conquête.
Le souci d'ordre et de paix pousse aussi les populations citadines à se rallier au conquérant, dont elles attendent une protection contre l'anarchie et les déprédations des nomades. La seule résistance opiniâtre viendra finalement des Berbères qui, comme ils s'étaient jadis soulevés face à Carthage et face à Rome, et comme ils se soulèveront plus tard face aux Turcs, resteront toujours, face à la domination musulmane, en état de résistance ouverte ou larvée.
Les rapports avec les peuples soumis ont été, dans tous les cas, facilités par la tolérance des envahisseurs, gens assez indifférents religieusement, voire sceptiques. Aussi pas de persécutions, pas de conversions forcées. La seule exigence manifestée par les vainqueurs est d'ordre fiscal: un traité de capitulation en bonne et due forme, passé avec les autorités religieuses, garantit, en échange de la levée de l'impôt par les notables des différentes communautés, la liberté du culte et la poursuite de l'activité économique.
La conquête a été si rapide qu'il n'y a pas eu hiatus, coupure, mais bien continuation de l'état préexistant, dans tous les domaines: institutions, rouages et personnel administratifs, procédures, bureaux, impôts et, enfin, monnaies.
La conquête ne s'est pas non plus traduite par des destructions. Il n'y a pas eu de villes brûlées ou mises à sac, la seule exception notable étant le pillage des palais sassanides riches d'or. Donc, pas de désorganisation: les populations soumises fournirent tout naturellement les cadres de l'administration, l'outillage mental de peuples cultivés. Les nouveaux convertis chrétiens, juifs ou perses, ces mawali (clients) comme on les appelle alors, vont jouer un rôle décisif dans l'élaboration de cette civilisation syncrétique qu'est la civilisation "musulmane". Même dans la codification de la grammaire arabe, même dans l'établissement du texte définitif du Coran, interviendront les non-Arabes, fils des vieux peuples de l'Orient rompus aux techniques intellectuelles.
L'Orient musulman, c'est-à-dire les anciens territoires sassanides (Mésopotamie et Iran) et byzantins (Syrie et Égypte), se comporte ainsi comme le creuset d'une civilisation de synthèse qui s'étendra ensuite sur l'ensemble du domaine de l'islam: du côté oriental, vers l'Asie centrale, du côté occidental, vers l'Ifriqiya (Tunisie et Est algérien), le Maghrib al-aqsa (Extrême-Occident), la Berbérie, l'Espagne et la Sicile.
Au vrai, la conquête
musulmane a sauvé
l'Occident de
sa nuit barbare!
Contrairement à la thèse de Henri Pirenne, c'est, je crois, grâce à la conquête musulmane que l'Occident a repris contact avec les civilisations orientales et, à travers elles, avec les grands mouvements mondiaux de commerce et de culture. Alors que les grandes invasions barbares des IVe et Ve siècles avaient entraîné la régression économique de l'Occident mérovingien puis carolingien, la création du nouvel empire islamique entraîna, pour ce même Occident, un étonnant développement et la relance de sa civilisation.
Si l'on considère maintenant les conséquences profondes de la conquête, trois problèmes doivent être posés nettement et séparément: l'islamisation, l'arabisation, la sémitisation.
L'islamisation c'est la conversion des anciennes populations à la nouvelle religion, l'islam, conversion favorisée par les avantages fiscaux que retiraient de leur ralliement les nouveaux convertis: la suppression de la jizya ou capitation.
L'arabisation doit se comprendre uniquement dans le sens linguistique. Il n'y a pas eu d'infusion notable de sang "arabe". Très peu de traditions proprement "arabes" se sont implantées dans les pays conquis. Ce que l'on appelle souvent à tort l'arabisation, c'est la sémitisation, l'orientalisation, c'est-à-dire l'adoption d'un ensemble de concepts de morale, de tabous, de cosmogonies, de cadres mentaux et de pratiques, qui est celui des populations sémitiques (ou, mieux, sémitisées) de Syrie-Mésopotamie, et surtout de la partie de ces populations qui est motrice, pilote: les populations urbaines, sur lesquelles se sont accumulées les strates de toutes les vieilles civilisations depuis l'antiquité la plus reculée, civilisations qui leur ont communiqué la finesse et le raffinement, les techniques intellectuelles et commerciales, le besoin d'un ordre solidement établi, mais le manque de "vertus guerrières" - si général parmi les populations de la basse Antiquité - qui nécessite l'appel aux mercenaires.
La civilisation
musulmane?
Un creuset où se
sont fondus Arabes,
Chrétiens, Juifs
et Perses
Les conquêtes musulmanes, ce sont d'abord les batailles remportées par les bédouins d'Arabie sortant de leurs déserts par des routes déjà nettement tracées et fonçant sur les agglomérations grouillantes du pourtour, noyaux de citadins avec, pour subvenir à leurs besoins, un cercle de fellahs. Par la suite, elles seront le fait des Berbères, nomades Sanhaja ou solides montagnards Kutâma, et, plus tard, le fait des Turcs, des Kurdes, des Daylémites. C'est dans ces réservoirs de guerriers mercenaires que l'islam a puisé sa force militaire.
La sémitisation, c'est tout autre chose: c'est la civilisation urbaine du vieil Orient syncrétique - empire perse puis royaumes hellénistiques -, diffusée hors du domaine sémitique par plusieurs canaux et par plusieurs moyens. Tout d'abord par le truchement de la langue arabe, langue religieuse du Coran, langue de gouvernement, langue officielle et de bureau, langue du grand commerce et des échanges lointains, langue de civilisation littéraire et scientifique. Les pensées grecque, iranienne, indienne, chinoise, nous ont été transmises en grande partie par des traductions en arabe, c'est-à-dire par un instrument sémitique. Sémitisation aussi par les routes de la diaspora commerciale levantine, depuis la région des isthmes, grâce, en somme, à la dispersion, à la migration de petits effectifs et à la constitution de communautés religieuses aux points stratégiques du grand commerce. Ces petits groupes de pionniers se gonflent peu à peu grâce à de nouveaux arrivants. En même temps, ils prolifèrent, poussent vers l'avant, prospectent, établissent de nouveaux centres tout en conservant à l'arrière des positions de repli assuré avec lesquelles ils maintiennent des liens plus ou moins lâches, parfois rompus par des schismes, parfois renforcés par des regroupements ou leur rattachement à un même centre. Ainsi naissent les communautés juives dont la langue écrite est l'hébreu ou l'araméen, la langue parlée l'arabe, et les communautés nestoriennes dont la langue écrite est le syriaque et la langue parlée l'arabe.
Par sa position centrale au coeur de l'Ancien Monde, par sa domination de la région des isthmes entre les deux grands domaines maritimes - océan Indien et Méditerranée -, par sa possession de la grande route continentale, route des steppes, des déserts et des oasis qui depuis l'Asie centrale mène à l'Afrique occidentale, le monde musulman est alors en rapport direct avec d'autres grands centres urbains et civilisés. Il entretient des échanges fructueux, d'égal à égal, avec l'Inde, la Chine et Byzance. Mais il est aussi en rapport direct avec des mondes jeunes - nomades ou forestiers - encore barbares ou barbarisés: steppes turques, régions des fleuves russes, monde noir, Occident chrétien, sur lesquels il fera sentir son rayonnement tout en leur empruntant leurs forces vives. Il est un pont entre des mondes périphériques.
D'où l'importance des routes qui rendent compte de la marche, de la progression rapide ou lente, continue ou interrompue, des influences à travers cette zone de passage privilégiée que constitue le monde musulman jusqu'au XIe siècle. Diffusion vers l'ouest - Occident musulman et au-delà - des résultats acquis par les vieux pays d'Orient, modifiés et enrichis par la confrontation à l'intérieur d'une même aire spatiale, cheminement de nouvelles influences apportées par les routes du commerce lointain, depuis l'Inde, l'Asie centrale et la Chine.
D'où l'importance également du réseau urbain. De ville à ville se tendent les liens des relations économiques et culturelles. La route sert au transport d'influences urbaines. C'est le réseau des métropoles qui constitue l'armature économique, sociale, culturelle du monde musulman. Du VIIIe au XIe siècle, les points forts de ce grand axe, Bagdad, Damas, Le Caire, Kairouan Fès, Palerme: grands relais sur la route qui va de Samarkand à Cordoue, témoignent de l'extraordinaire unité d'une civilisation syncrétique, où circulent largement les hommes, les marchandises et les idées et qui se surimpose au vieux fond régional rural ou nomade.
D'où, enfin, l'importance de l'économie monétaire: frappe abondante de dinars due à l'afflux d'or neuf d'Afrique du sud-est et du Soudan et essor du crédit qui double la circulation des espèces. Au IXe siècle, Ibn Khurdadhbeh note que le développement de la richesse et des transactions commerciales est si grand qu'on peut voir des pièces de numéraire circuler dans les plus petites bourgades, là où jusqu'alors le simple troc était seul pratiqué. Ainsi, à la zone de circulation monétaire agrandie correspond le pouvoir plus grand des villes sur les campagnes.
Au XIe siècle, la crise
économique (déjà!)
fit éclater le
monde musulman.
Le temps de
l'Europe était venu...
Mais l'économie du dinar a sa force et sa faiblesse. Elle dépend du commerce. Elle est accrochée au maintien des routes, liée à la domination du réseau de relations lointaines grâce auxquelles le monde musulman peut et doit se procurer les produits dont il manque et qui sont indispensables à son économie et à sa civilisation en expansion -or, avant tout, bois, métaux et armes, esclaves - économie et civilisation habituées à tout acheter à prix d'or et au loin. Que les relations lointaines viennent à s'affaiblir: routes détournées ou interrompues, que l'or arrive moins régulièrement et c'est la baisse du tonus général, les crises en chaîne, la régression urbaine et, dès lors, l'impossibilité de résister à la convoitise des Barbares liée à l'introduction de mercenaires dans les armées, la remontée des routes de commerce par les invasions, la dislocation de l'ensemble.
Et, de fait, dans la seconde moitié du XIe siècle, surviennent les crises, les troubles, les invasions et, avec eux, le déclin urbain et l'interruption des courants économiques: des quartiers de Bagdad et du Caire sont en ruine; Kairouan est abandonné pour Mahdiyya, la Qal'a des Banu Hammad pour Bougie; Fès est pris par les Almoravides; au califat de Cordoue démembré succèdent les Reyes de Taifas. A la rupture des routes correspond la cassure du monde musulman en un islam turc, un islam égyptien, un islam maghrébien, un islam espagnol. Les particularismes sous-jacents resurgissent et les vieux fonds, préexistants à la conquête musulmane mais refondus par elle, donnent les civilisations musulmanes.
Après le XIe siècle, le centre de gravité de l'Ancien Monde bascule. Désormais, les centres moteurs et rayonnants d'une économie en expansion continue ne sont plus en Orient, dans les grandes villes du monde musulman; ils ont émigré en Occident et sont maintenant fixés dans les cités marchandes d'Italie et des Flandres et, à mi-chemin sur la grande route commerciale qui les relie, dans les foires de Champagne, où s'échangent les produits des pays nordiques et des pays méditerranéens. Avec des à-coups, des heurts, des périodes triomphales et des moments de dépression, la puissance économique, la force d'expansion matérielle, l'activité créatrice seront dès lors - et pour des siècles - le privilège de l'Europe occidentale.
Pourtant, même en son déclin économique, l'aire musulman continuera longtemps encore de rayonner intellectuellement sur le monde par ses sciences, sa philosophie: pour la médecine notamment, il jouera un rôle important non seulement dans le mouvement de la Renaissance, mais jusqu'au XIXe siècle.
Entre la Chine, l'Inde, Byzance et les barbaries médiévales - turque, noire et occidentale -, de la fin des empires antiques à l'éveil des États modernes, la civilisation musulmane dans sa première grandeur aura été un creuset chronologique et géographique, un plan d'intersection, une immense conjoncture, un fabuleux rendez-vous.
De quelques peuples et langues cités
Les Sémites
Les Sémites sont les descendants du fils aîné de Noé, Sem, qui, après le déluge, s'installa avec sa famille dans la région de la Mésopotamie et de la Palestine. Aujourd'hui les peuples sémites se composent essentiellement des Juifs et des Arabes mais dans l'Antiquité, ils comprenaient également les Assyriens, les Babyloniens, les Araméens, les Cananéens et les Phéniciens. Les Sémites donnèrent naissance à des alphabets et à des dialectes qui se répandirent dans toute la Méditerranée orientale, le Proche-Orient et l'Afrique du Nord-Ouest (Éthiopie) entre le XIe siècle avant Jésus-Christ et le VIe siècle après Jésus-Christ environ.
L'araméen et le syriaque
L'araméen est une langue sémitique que parlaient les Araméens, habitant la Syrie jusqu'à l'époque arabe. L'alphabet et la langue araméens servirent de lingua franca pendant près de 1000 ans au Proche-Orient. C'était la langue du Christ et des apôtres. Elle fut supplantée par sa proche cousine, l'arabe, après l'Hégire.
Le syriaque est une forme tardive de l'araméen d'Edesse, une région chrétienne d'Asie mineure qui exerça une grande influence à partir du IIIe siècle après Jésus-Christ. Comme l'araméen, l'alphabet syriaque est composé de vingt-deux lettres, et, comme l'arabe, uniquement de consonnes, les voyelles étant indiquées par des signes La littérature syriaque connut un grand essor jusqu'à la fin du comté d'Edesse au XIVe siècle, lequel fut alors réduit par les Turcs musulmans.
Daylamites
Habitants du Daylam, une région d'Iran septentrional aux confins de la chaîne de montagnes de l'Elbourz au bord de la mer Caspienne. En révolte permanente contre le califat de Bagdad, les Daylamites connurent une grande expansion à la fin du Xe et au XIe siècles, donnant naissance à de nombreuses dynasties locales.
Kutâma, Sanhaja, Almoravides et Reyes de Taifas
Tribus berbères d'Afrique du Nord, convertis du chiisme. Les Kutâma et surtout les Sanhaja formaient la base militaire de l'empire fatimide qui s'installa à Kairouan en 910 avant de conquérir toute l'Afrique du Nord. Les Fatimides s'opposaient à l'orthodoxie sunnite des califes omeyyades de Cordoue soutenus par les tribus maghrébines Zanatah.
Après un siècle de dissensions et de luttes politiques et religieuses, les Fatimides, installés au Caire, engagèrent les Banu Hilal, une tribu de nomades arabes venus de la Péninsule arabique, pour rétablir leur domaine dans le Maghreb. Ceux-ci firent au mieux, dévastèrent toute l'Afrique du Nord, obligeant les maîtres de Kairouan à déménager à Mahdiyya, et la dynastie hammadite de Qal'a à s'installer à Bougie. C'est alors qu’une confédération berbère soutenue par les Sanhaja remonta du Tafilalet marocain et, sous la houlette de Abu Bakr, conquit le Maghreb jusqu'à Alger et l'Espagne musulmane (1054-l086).
La conquête de l'Espagne fut facilitée par la fragmentation politique qui y régnait. Suite à la dictature du calife Omeyyade alMuzaffar mort en 1008, le califat se divisa en vingt-trois petits États concurrents dirigés par des chefs de clans (appelés en espagnol arabisé Reyes de Taifas) dont les Almoravides ne firent qu'une bouchée.
Pour se repérer
dans l'imbroglio religieux
moyen-oriental
Zoroastrisme
Fondé par Zoroastre (appelé aussi Zarathoustra), un prophète iranien du VIe siècle avant J.-C., le zoroastrisme apparaît comme une tentative d'organiser le domaine divin en deux camps: d'un côte se trouve le Bien, le Seigneur Sage, Ahura Mazda, qui incarne la lumière, la vérité, et de l'autre, le Mal, qui représente l'aspect destructif des choses. Le zoroastrisme devint la religion officielle de la Perse et subit des transformations au cours des siècles, Ahura Mazda donnant naissance à des frères jumeaux Ormazd (le Bien) et Ahriman (le Mal) qui devaient régner alternativement sur le monde jusqu'à la victoire finale du Bien. Le zoroastrisme a profondément influencé les religions révélées du Proche-Orient: judaïsme, christianisme et islam.
Manichéisme
Fondé par Manès (215-275 ap. J.-C.), un citoyen de Ctésiphon tout juste devenue la capitale de l'empire sassanide (226-651), le manichéisme est une forme hérétique du zoroastrisme. I1 repose sur un dualisme radical de type gnostique: la Lumière cherche désespérément à se dégager des Ténèbres et de la matière qui l'oppriment. Pour sauver les âmes des Ténèbres, Dieu envoie des prophètes - Bouddha, Zoroastre, Jésus, puis Mani - pour leur montrer le chemin à suivre, chemin austère fait de jeûne, de continence et de repas végétariens. Croyant à la prédestination, le manichéisme influença également le christianisme, avec lequel il se trouvait en concurrence. Mani fut persécuté par les Sassanides.
Mazdéisme
Fondé par Mazdak au Ve siècle, le mazdéisme est une tentative de rendre le manichéisme plus souriant. On retrouve le Bien et le Mal en conflit, mais avec quelques accommodements. La rigueur à l'égard du sexe et des biens notamment est assouplie, Mazdak militant pour une forme de communisme des biens et de partage des femmes. Cette doctrine ne plut que très modérément au clergé et à l'élite zoroastriennes orthodoxes, mais la conversion du roi sassanide Kavadh à la fin du Ve siècle lui donna une grande impulsion. Toutes les religions qui la supplantèrent par la suite, du christianisme à l'islam, s'employèrent à effacer jusqu'à la dernière trace du mazdéisme et des mazdéens.
Nestorianisme et monophysisme
Hérésies chrétiennes du Ve siècle. Au cours de ses premiers siècles d'existence, lorsque les concepts de personne et de nature n'étaient pas encore élaborés et définis, le christianisme connut d'abondantes discussions et de nombreuses hérésies à propos de la double nature, divine et humaine, du Christ.
La dispute la plus connue éclata avec Arius (280-330) qui niait la consubstantialité du Père et du Fils (unité et identité de substance des personnes de la Trinité), le Fils étant grosso modo considéré de substance moins divine et plus humaine que le Père. L'arianisme fut condamné aux Conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381). Il avait été précède un siècle plus tôt par d'autres hérésies de même type dont le docétisme, qui soutenait que le Christ, étant Dieu, n'avait pu vivre et souffrir sur terre qu'en apparence.
Au Ve siècle, le débat resurgit avec Nestorius (380-451) patriarche de Constantinople, qui exagérait la double nature du Christ et considérait sa divinité et son humanité comme deux entités complètes, distinctes et séparées et prétendait donc que l'on pouvait à la rigueur appeler la Vierge Marie "Mère du Christ" mais non "Mère de Dieu" comme la désignaient les partisans de l'unité de la double nature du Christ. Nestorius fut banni au Concile d'Ephèse en 431, mais sa doctrine subsista dans l'Église d'Orient.
Vingt ans plus tard, le moine Eutychès relança la controverse en niant la double nature du Christ, qu'il voyait comme essentiellement divin. Après avoir triomphé dans un nouveau concile réuni à Ephèse en 449, le monophysisme fut condamné au Concile de Chalcédoine en 451, lequel mit un terme aux disputes en proclamant l'unité de personne et la dualité des natures dans le Christ.
Ces hérésies, qui plongeaient leurs racines, fort loin dans le temps, ont souvent été amplifiées par des rivalités politiques au sein de l'Église et entre les Empires d'Orient et d’Occident.
Le monde musulman?
Un empire hétérogène qui roulait presque exclusivement sur l'or
Le monde musulman n'a jamais formé d'empire à proprement parler. Il s'agissait plutôt d'un vaste ensemble de peuples aux cultures, aux religions et aux langues très diverses, rassemblés sous la domination musulmane. Laquelle ne fut pratiquement jamais unique non plus, le califat abbasside de Bagdad ayant donné naissance très tôt à quantité de dynasties régionales en concurrence entre elles. L'aire musulmane est donc un monde de synthèse à la manière de l'empire romain mais de dimensions beaucoup plus vastes: le mérite de l'islam a en effet été de créer, à partir d'éléments très disparates, une civilisation unique aux horizons commerciaux et économiques quasi universels pour l'époque, puisque les commerçants juifs, sur lesquels reposait le commerce achetaient et vendaient des biens de l'Afrique du Sud à la Scandinavie et de la Chine à Cordoue. L'extraordinaire épanouissement du monde musulman entre le VIIIe et le XIe siècles reposait en effet essentiellement sur le commerce. Grâce à l'afflux d'or du Soudan et des autres régions barbares ainsi qu'aux trésors sassanides acquis pendant la conquête, les califes purent créer une monnaie d'or (le dinar) et une monnaie d'argent (le dirham persan) qui permit d'irriguer le commerce d'un bout à l'autre du monde. D'autre part, grâce au trafic des esclaves, le monde musulman pu acquérir une main d'oeuvre et des soldats à bon compte. Mais cette organisation du travail devait s'avérer problématique dès le XIe siècle, lorsque les progrès du christianisme empêchèrent les marchands vénitiens de vendre des esclaves slaves et que l'avance de l'islam interdit de réduire les Turcs convertis en esclavage.
Mais la fragilité économique du monde musulman tenait surtout au manque de ressources propres, notamment en bois, en métaux et en eau: les zones d'irrigation n'étaient pas indéfiniment extensibles, leur limitation a freiné la fourniture des bases végétariennes de l'alimentation orientale. Suspendue au maintien, à tout le moins, du réseau d'irrigation, à celui du réseau de routes, à l'afflux d'or, à l'essor des centres commerciaux et artisanaux urbains, la puissance économique de l'islam périclita dès que les conditions de large circulation ne furent plus remplies, c'est-à-dire aux XIe et XIIe siècles, sous l'effet des invasions: Turcs dans tout l'Orient, Hilaliens en Afrique du Nord, Almoravides en Espagne, Normands en Sicile, Croisés en Espagne et en Syrie, isolèrent entre eux les centres névralgiques du monde musulman (Maghreb, Égypte, Bagdad).
Oui, l'islam se veut tolérant et égalitaire!
Sur la tolérance religieuse:
"Ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme, ceux qui sont Chrétiens ou Sabéens, ceux qui croient en Dieu et au dernier Jour ceux qui font le bien:
"voila ceux qui trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur.
"Ils n'éprouveront plus alors aucune crainte, ils ne seront pas affligés."
Le Coran, sourate II, la vache, 62.
"Accordez aux Mages le même traitement que celui qui est réservé aux Gens du Livre" (les Mages sont les Zoroastriens et les Gens du Livre les Chrétiens les Juifs et /es Sabéens qui ont reçu la révélation divine sous forme écrite.)
Hadith (Le Hadith est un recueil de
traditions orales qui fait autorité
après le Coran)
Sur l'égalité et la fraternité humaines:
"Les hommes sont comme les dents du peigne"
"Les hommes sont enfants d'Adam et Adam vient de la poussière. Pas de supériorité à un Arabe sur un non Arabe
et pas à un non Arabe sur un Arabe, si ce n'est par la piété."
"Écoutez et obéissez, même si vous avez pour chef un serviteur (de Dieu) abyssin dont la tête est pareille à un grain de raisin sec."
Hadith
Sur la morale de la guerre sainte:
"Lorsque vous combattrez pour la gloire de Dieu, conduisez-vous comme des hommes sans tourner le dos, mais que le sang des femmes ou celui des enfants et des vieillards ne souille pas votre victoire. Ne détruisez pas les palmiers, ne brûlez pas les habitations ni les champs de blé, ne coupez jamais les arbres fruitiers, et ne tuez le bétail que lorsque vous serez contraints de le manger. Quand vous accorderez un traité ou une capitulation, ayez soin d'en remplir les clauses. Au fur et à mesure de votre avance, vous rencontrerez des hommes de religion qui vivent dans les monastères et qui servent Dieu dans la prière; laissez-les seuls, ne les tuez point et ne détruisez pas leurs monastères".
Abou Bakr,
premier successeur du Prophète
Sources: Le Coran (Paris, Gallimard, La Pléiade, 1967); L'humanisme de l'islam, par Marcel Boisard (Paris, Albin Michel, 1979).
a écrit :Je pense qu'il n'existe plus de civilisation "Arabe", "Chinoise", "Européenne" ou autres
a écrit :Je pense que ce que voulait dire Koceila par "uniformisation des systèmes sociaux", c'est que dans tous les pays du monde la classe bourgeoise est LA classe dominante ... Les rapports de production sont certes "différents" dans tous les pays ... mais la bourgeoisie internationale, avec leur superstructure, n'a que faire de ces frontières ethniques, religieuses, raciales, nationale, si elle s'en sert c'est pour diviser les prolétaires entre eux, la bourgeoisie financière domine les rois, les princes, les papes et se sert de ces concepts, de ces idéologies anachroniques, rétrogrades contres les travailleurs ... et comme tu dis contre les femmes !
a écrit :En fait fondamentalement, l'Humanité d'un seul et unique rapport de production à l'heure actuel, que tout ça soit organisé de manière inégale, différente, anarchique à travers le monde dépend avant tout de la bourgeoisie Financière et de ces armées
a écrit :Or, les tendances démocratiques, égalitaires et cosmopolites du message islamique répondaient à ces mouvements de révolte sociale et religieuse. D'où, partiellement du moins, la facilité de la conquête.
:whistling_notes:a écrit :La seule exigence manifestée par les vainqueurs est d'ordre fiscal: un traité de capitulation en bonne et due forme, passé avec les autorités religieuses, garantit, en échange de la levée de l'impôt par les notables des différentes communautés, la liberté du culte et la poursuite de l'activité économique.
a écrit :La seule résistance opiniâtre viendra finalement des Berbères qui, comme ils s'étaient jadis soulevés face à Carthage et face à Rome, et comme ils se soulèveront plus tard face aux Turcs, resteront toujours, face à la domination musulmane, en état de résistance ouverte ou larvée.
a écrit :Alors que les grandes invasions barbares des IVe et Ve siècles avaient entraîné la régression économique de l'Occident mérovingien puis carolingien, la création du nouvel empire islamique entraîna, pour ce même Occident, un étonnant développement et la relance de sa civilisation.
C'est assez commercial mais là encore, je voudrais avoir des éléments matériels. Je dirais par exemple oui sur la poudre (récupérée sur les champs de bataille andalous au 14è), mais pour les techniques de production et la question de l'accumulation, quid?a écrit :Au vrai, la conquête musulmane a sauvé l'Occident de sa nuit barbare!
a écrit :Après le XIe siècle, le centre de gravité de l'Ancien Monde bascule. Désormais, les centres moteurs et rayonnants d'une économie en expansion continue ne sont plus en Orient, dans les grandes villes du monde musulman; ils ont émigré en Occident et sont maintenant fixés dans les cités marchandes d'Italie et des Flandres et, à mi-chemin sur la grande route commerciale qui les relie, dans les foires de Champagne, où s'échangent les produits des pays nordiques et des pays méditerranéens. Avec des à-coups, des heurts, des périodes triomphales et des moments de dépression, la puissance économique, la force d'expansion matérielle, l'activité créatrice seront dès lors - et pour des siècles - le privilège de l'Europe occidentale.
a écrit :Après un siècle de dissensions et de luttes politiques et religieuses, les Fatimides, installés au Caire, engagèrent les Banu Hilal, une tribu de nomades arabes venus de la Péninsule arabique, pour rétablir leur domaine dans le Maghreb. Ceux-ci firent au mieux, dévastèrent toute l'Afrique du Nord
a écrit :Mais cette organisation du travail devait s'avérer problématique dès le XIe siècle, lorsque les progrès du christianisme empêchèrent les marchands vénitiens de vendre des esclaves slaves et que l'avance de l'islam interdit de réduire les Turcs convertis en esclavage.
a écrit :Oui, l'islam se veut tolérant et égalitaire!
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