Bonjour,
Finalement, la nature de la Russie ne fut même plus ouvrière depuis la prise du pouvoir par les bolcheviks qui au départ voulaient mener une révolution
bourgeoise et Lénine a en fait ouvert la voie à Staline. Au lieu d'aider les ouvriers à fédérer les soviets entre eux pour aboutir à une République des Conseils ouvriers, les bolcheviks les ont dominé et les ont chapeauté par un Etat
bourgeois qui dégénèra en Etat
fasciste avec Staline. Les travailleuses et les travailleurs ne possédaient pas les moyens de production, d'échange et de financement, ces moyens étant possédés par l'Etat bourgeois bolchevik. De même le salariat n'a pas été aboli, d'où la persistance de cette relation de domination, d'exploitation et d'oppression. La nature de la Russie après la prise du pouvoir par Lénine et ses camarades bolcheviks était donc capitaliste. On ne peut pas parler d'Etat ouvrier dégénéré mais d'Etat capitaliste dégénéré.
(Otto Rühle @ LA LUTTE CONTRE LE FASCISME COMMENCE PAR LA LUTTE CONTRE LE BOLCHEVISME, Living Marxism, Vol. 4, n° 3; septembre 1939 a écrit :
Quiconque cherche à établir un régime bourgeois, trouvera dans le principe de la séparation entre le chef et les masses, entre l'avant-garde et la classe ouvrière, la préparation stratégique à une telle révolution. Plus la direction est intelligente, instruite et supérieure, plus les masses sont disciplinées et obéissantes, et plus aussi une telle révolution a de chances de réussir. En cherchant à accomplir la révolution bourgeoise en Russie, le parti de Lénine était donc tout à fait adapté à son objectif. Quand, toutefois, la révolution russe changea de nature, quand ses caractéristiques prolétariennes devinrent évidentes, les méthodes tactiques et stratégiques de Lénine perdirent leur valeur. S'il l'emporta en fin de compte, ce ne fut pas à cause de son avant-garde, mais bien du mouvement des soviets, qu'il n'avait pas du tout inclus dans ses plans révolutionnaires. Et quand Lénine une fois le triomphe de la révolution assuré par les soviets, décida une fois de plus de s'en passer, avec eux tout caractère prolétarien disparut de la révolution russe. Le caractère bourgeois de la révolution occupa à nouveau la scène, trouvant son aboutissement naturel dans le stalinisme. En dépit de son souci de la dialectique marxiste, Lénine était incapable de concevoir dialectiquement l'évolution historique des processus sociaux. Sa pensée restait mécaniste, suivant des schémas rigides. Pour lui, il n'existait qu'un seul parti révolutionnaire —le sien; qu'une seule révolution — la révolution russe; qu'une seule méthode — le bolchevisme. Et ce qui avait réussi en Russie devait réussir aussi en Allemagne, en France, en Amérique, en Chine et en Australie. Ce qui était correct pour la révolution bourgeoise russe, jetait aussi pour la révolution prolétarienne mondiale. L'application monotone d'une formule découverte une fois pour toutes évoluant dans un cercle égocentrique où n'entraient en considération ni l'époque ni les circonstances, ni les niveaux de développement, ni les réalités culturelles, ni les idées ni les hommes. Avec Lénine, c'était l'avènement du machinisme en politique (1) : il était le «technicien », « l'inventeur » de la révolution, le représentant de la volonté toute-puissante du chef. Toutes les caractéristiques fondamentales du fascisme existaient dans sa doctrine, sa stratégie, sa « planification sociale » et son art de manier les hommes. Il ne pouvait pas saisir la profonde signification révolutionnaire du rejet par la gauche de la politique traditionnelle de parti. Il ne pouvait pas comprendre la véritable importance du mouvement des soviets pour l'orientation socialiste de la société. Il ignorait les conditions requises pour la libération des ouvriers. Autorité, direction, force, exercées d'un côté, organisation, encadrement, subordination de l'autre — telle était sa manière de raisonner. Discipline et dictature sont les mots qui reviennent le plus souvent dans ses écrits. On comprend donc aisément pourquoi il ne pouvait ni accepter ni apprécier les idées et les actions de « I'ultra-gauche », qui refusait sa stratégie et réclamait ce qui, de toute évidence, était indispensable à la lutte révolutionnaire pour le socialisme — à savoir que les ouvriers prennent une fois pour toutes leur sort en main.
(Source :
http://www.left-dis.nl/f/ruelut.htm)
Fraternellement,
Maël Monnier