J'avais écrit : « Lorsque Sophie écrit que Daniel Guérin est un "auteur méconnu dans les rangs trotskistes", c'est une remarque qui porte son sens… ».
Il y a eu un message de Lavana (déplacée dans le sujet "Treblinka") qui s'interrogeait sur le sens de la remarque qui porte sens. Et ma foi, hum, me relisant, hélas, je ne semble pas avoir été clair, même si nous sommes bien dans le sujet. Alors, j'peux en rajouter? Surtout que y'a plus personne qui écrit au sujet de la bibli.
Lorsque Sophie se plaint qu'il n'y ait pas assez de Daniel Guérin dans cette liste, presque neuf titres (9!) ont déjà été mentionnés dans les messages précédents : "Front populaire, révolution manquée", "La peste brune", "Fascisme et grand capital", "Bourgeois et bras nus", "La lutte de classes sous la Première République", "Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire", "Pour un marxisme libertaire", "La concentration économique aux Etats-Unis", "Ni Dieu, ni Maître". Malgré tout, Sophie écrit que « Ya pas assez de daniel Guerin dans cette biblio ideale ! » pour finalement ne proposer que trois titres (3?) dont deux ont déjà été mentionnés ("L'anarchisme", effectivement, n'a pas été mentionné).
C'est à ça que ça peut servir le suivi d'un militant expérimenté : apprendre à ne pas dire trop de bêtises, à ne pas tortiller la réalité pour la faire rentrer dans ses références personnelles. Je suis comme Sophie : « Je trouve que cet auteur est super interressant ». Mais l'envie de le faire lire ne peut aller jusqu'à nier ceux qui en ont parlé, à fortiori dans un forum : c'est avouer que l'opinion de l'autre importe peu, c'est montrer que ce qui compte, c'est son propre avis qu'on va délivrer comme une fleur rare qu'on regardera avec respect. C'est dommage : ça n'augure pas très bien des autres interventions éventuelles – le même processus sera à l'œuvre.
Et pour conclure son message, Sophie écrit que Daniel Guérin est un « auteur méconnu dans les rangs trotskystes » – Lavana répond que c'est « vraiment une affirmation gratuite. » puisque, en effet, c'est un auteur très lu chez les trotskistes.
Lire ne suffit pas. Apprendre à penser par soi-même, c'est un apprentissage. La lecture, les causeries avec les militants, c'est déjà ça : cesser d'affirmer ce qu'on a envie de croire ; lire avec un regard neuf ; s'interroger sur l'objectif intéressé de ce qui se colporte, aller à la racine du fait. Un libertaire de ma ville me disait « Daniel Guérin, vous [vous : les trotskistes] n'aimez pas en parler, ça vous remet en cause. » Quelle est la réalité vérifiable ? Les titres cités plus haut prouvent le contraire… Nous [nous : les trotskistes] lisons Daniel Guérin, c'est même un auteur incontournable pour la période du Front populaire, pour la compréhension du fascisme, etc.
Et les libertaires, que lisent-ils ? J'ai eu la curiosité d'aller flâner sur quelques sites libertaires, histoire de voir de mes yeux – la paille et la poutre, sait-on jamais…
Sur le site Increvables anarchistes, sour l'intitulé "A lire, parmi les livres que Daniel Guérin a écrit :" je trouve : "Ni Dieu, Ni Maître", "L'anarchisme", "Homosexualité et révolution", "Bourgeois et Bras nus". 4 titres… maigre chasse.
Sur le site Bibliothèque libertaire, un seul titres est proposé : "Homosexualité et Révolution". Maigre chasse (bis).
Il est naturel que le site du journal Alternative libertaire parle surtout de l'actualité sociale et internationale – Daniel Guérin est mentionné pour le mouvement anti-colonial ou dans un article sur des "Contre-fêtes johanniques"). Maigre chasse (ter).
Dans ma ville, y'a un Collectif des Libertaires. C'est l'un des membres qui trouve que Daniel Guérin, ça nous remet en cause. Ils ont un site internet… Voyons… Y'a une série de documents de divers auteurs, mais pas de Guérin (mais y'a Pierre Bourdieu – no comment.). Maigre chasse-(après ter ? c'est quoi ? quarte ?)
Alors, affirmer, comme ça, à la cantonade, que Guérin est « méconnu » chez les trots', oui, ça porte sens sur l'apprentissage nécessaire de la rigueur, de l'hônneteté dans le débat. Quel crédit apporter à une personne qui est uniquement passionné par sa causerie plus que par la vérification des faits ? Autant dire que ça promet un dialogue de sourd.
Puis-je alors ajouter à la liste des bouquins le "Discours de la méthode" de René Descartes ? Et son premier précepte : « Le premier étoit de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle; c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. »