Rôles des individus dans l'Histoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 09 Jan 2005, 18:52

Oui, j'avoue, je suis assez prêt à affirmer que si Hitler était mort en 1916 il n'y aurait pas eu le nazisme.

A moins qu'il ait pris la place d'un autre macchabée ayant une configuration voisine...

Ce que je veux dire, c'est que ledit nazisme résulte d'une rencontre bien particulière entre un individu et une situation.

En tout cas il n'a pas croisé dans la vie réelle et éliminé sur sa route un autre leader possédant des caractéristiques même lointainement apparentées.

De ce point de vue, il a tout du leader religieux. Or pensez-vous sérieusement qu'il y aurait eu le christianisme sans Jésus, l'islam sans Mahomet, etc. ?

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas eu une dictature allemande.
Mais elle aurait fait à coup sûr beaucoup moins de dégâts. Et peut-être même débouché sur une révolution prolétarienne !
François Delpla
 
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Message par Gaby » 09 Jan 2005, 19:05

(François Delpla @ dimanche 9 janvier 2005 à 18:52 a écrit : le christianisme sans Jésus
Ben c'est ce que l'on connait.
Non ?
Gaby
 
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Message par manu31 » 09 Jan 2005, 19:20

(François Delpla @ dimanche 9 janvier 2005 à 18:52 a écrit : En tout cas il n'a pas croisé dans la vie réelle et éliminé sur sa route un autre leader possédant des caractéristiques même lointainement apparentées.

C'est vous le biographe, je veux bien vous croire. Mais je pense que même ce point est accessoire.

En effet, même si la personnalité de Hitler a eu un impact certain sur les événements (comme la hargne antisémite qui ne servait pas directement la bourgeoisie), le NSDAP c'était aussi une organisation, une hiérarchie, bref des milliers d'hommes qui étaient moralement prêts, avec ou sans un Hitler, à éliminer physiquement des milliers de militants ouvriers et à instaurer une dictature sauvage sur l'ensemble de leur société. Penser que sans Hitler, cette masse n'aurait pas pu être manoeuvrée par la bourgeoisie allemande, serait absurde.
En plus, en étendant ce raisonnement, il faudrait conclure que le fascisme italien résulte de la rencontre fortuite entre un homme et une situation, idem pour Franco en Espagne, idem pour Pinochet au Chili et tous les Mobutu du tiers-monde.

Donc je pense que dans tous les pays et à toutes les époques, la bourgeoisie peut compter sur un vivier de "chiens sanglants" dont la personnalité est largement secondaire.
manu31
 
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Message par Barikad » 09 Jan 2005, 21:36

(François Delpla @ dimanche 9 janvier 2005 à 18:52 a écrit : Oui, j'avoue, je suis assez prêt à affirmer que si Hitler était mort en 1916 il n'y aurait pas eu le nazisme.

Ni le fascisme à Rome, ni les croix de feu en France, ni les chemises noires de Mosley en UK, etc.... ?
Comment resumer un phenome historique à un homme ??? :ohmy:
Barikad
 
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Message par Puig Antich » 09 Jan 2005, 23:48

L'opposition individu / société / histoire est une erreur de méthode de toute manière.

Qq chose qui a l'air intéressant sur le sujet (je n'ai pas encore lu) : http://big.chez.tiscali.fr/philosurlenet/T...ments/marx.html
Puig Antich
 
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Message par Puig Antich » 09 Jan 2005, 23:49

mmm non pas tout à fait dans le sujet en fait
Puig Antich
 
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Message par Gaby » 10 Jan 2005, 03:20

Peut-être la lettre d'Engels à Bloch mettra tout le monde d'accord ... ?
Je la trouve limpide. Je me permets de mettre italique quelques trucs...

http://www.marxists.org/francais/engels/wo...09/18900921.htm

a écrit :D'après la conception matérialiste de l'histoire, le facteur déterminant dans l'histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n'avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu'un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d'événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l'application de la théorie à n'importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d'une simple équation du premier degré.

Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d'abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. Ce sont des causes historiques et, en dernière instance, économiques, qui ont formé également l'Etat prussien et qui ont continué à le développer. Mais on pourra difficilement prétendre sans pédanterie que, parmi les nombreux petits Etats de l'Allemagne du Nord, c'était précisément le Brandebourg qui était destiné par la nécessité économique et non par d'autres facteurs encore (avant tout par cette circonstance que, grâce à la possession de la Prusse, le Brandebourg était entraîné dans les affaires polonaises et par elles impliqué dans les relations politiques internationales qui sont décisives également dans la formation de la puissance de la Maison d'Autriche) à devenir la grande puissance où s'est incarnée la différence dans l'économie, dans la langue et aussi, depuis la Réforme, dans la religion entre le Nord et le Sud. On parviendra difficilement à expliquer économiquement, sans se rendre ridicule, l'existence de chaque petit Etat allemand du passé et du présent ou encore l'origine de la mutation consonnantique du haut allemand qui a élargi la ligne de partage géographique constituée par les chaînes de montagnes des Sudètes jusqu'au Taunus, jusqu'à en faire une véritable faille traversant toute l'Allemagne.

Mais, deuxièmement, l'histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d'un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu'elle est par une foule de conditions particulières d'existence; il y a donc là d'innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d'où ressort une résultante – l'événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d'une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s'en dégage est quelque chose que personne n'a voulu. C'est ainsi que l'histoire jusqu'à nos jours se déroule à la façon d'un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu'elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n'arrivent pas à ce qu'elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n'a pas le droit de conclure qu'elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. Je voudrais, en outre, vous prier d'étudier cette théorie aux sources originales et non point de seconde main, c'est vraiment beaucoup plus facile. Marx a rarement écrit quelque chose où elle ne joue son rôle. Mais, en particulier, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est un exemple tout à fait excellent de son application. Dans Le Capital, on y renvoie souvent. Ensuite, je me permets de vous renvoyer également à mes ouvrages Monsieur E. Dühring bouleverse la science et Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, où j'ai donné l'exposé le plus détaillé du matérialisme historique qui existe à ma connaissance. C'est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu'il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l'occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l'action réciproque. Mais dès qu'il s'agissait de présenter une tranche d'histoire, c’est-à-dire de passer à l'application pratique, la chose changeait et il n'y avait pas d'erreur possible.


Il en resort qu'Hitler n'est évidemment pas une condition sine qua non de l'écrasement du mouvement ouvrier dans une Allemagne dépecée, mais qu'il est sans doute en petite partie responsable de la forme exacte prise par le nazisme. Il n'empêche que le fascisme et le racisme n'ont pas attendu sa prise d'inconscience politique pour exister indépendamment de sa petite personne.
Gaby
 
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Message par François Delpla » 10 Jan 2005, 07:45

a écrit :le NSDAP c'était aussi une organisation, une hiérarchie, bref des milliers d'hommes qui étaient moralement prêts, avec ou sans un Hitler, à éliminer physiquement des milliers de militants ouvriers et à instaurer une dictature sauvage sur l'ensemble de leur société. Penser que sans Hitler, cette masse n'aurait pas pu être manoeuvrée par la bourgeoisie allemande, serait absurde.
En plus, en étendant ce raisonnement, il faudrait conclure que le fascisme italien résulte de la rencontre fortuite entre un homme et une situation, idem pour Franco en Espagne, idem pour Pinochet au Chili et tous les Mobutu du tiers-monde.

Donc je pense que dans tous les pays et à toutes les époques, la bourgeoisie peut compter sur un vivier de "chiens sanglants" dont la personnalité est largement secondaire.


a écrit :ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s'en dégage est quelque chose que personne n'a voulu.



Je pense tout simplement que Hitler fait exception, par rapport à ces deux citations. Il est à la fois très mystique (je ne vois pas Franco ou Mobutu se croire ainsi investis par la "Providence" et portés par elle à chaque pas) et très habile : il provoque de main de maître l'incendie du Reichstag et la nuit des Longs couteaux, et il en tire des profits immédiats lorsque ses adversaires en sont encore à se gratter le menton, alors que Mussolini se prend les pieds dans le tapis de l'affaire Matteotti et ne doit son salut qu'à l'inertie de l'opposition...

Dans son cas, "ce que personne n'a voulu" c'est le match nul de juin 40, où Churchill maintient l'état de guerre sans bille aucune, mais le maintient, provoquant une prolongation interminable.
François Delpla
 
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Message par quijote » 10 Jan 2005, 11:02

Réponse à François Delpla

Franco est tout aussi " mystique ". Il se croit investi d 'une mission" divine " pour sauver l 'Espagne de ses " démons " . Et il jouit de l 'appui de l 'église , comme chacun sait

Quant à Hitler , françois Delapa , vous emblez ignorer le côté " comédien" , bouffon .

Sa volonté de théatraliser chacune de ses interventions .

N 'avait-il pas suivi des cours chez un acteur , à ses débuts ?

Le personnage ment et en est fier
.
Lui-même avait déclaré entre autres : " si les juifs n 'avaient pas existé , je les aurais inventé "'

Pour moi , Hitler est un homme politique de la bourgeoisie , mais de l 'espèce la plus répugnante ; la plus vile , la plus démagogue ;

A une période de décadence , de crise ," la société secrète ses bas fond , comme le corps humain peut vomir ses excréments" ( Léon Trotski )

Le nazisme c 'est le rejet des bas fonds de la société , d'une société malade en pleine crise
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Message par quijote » 10 Jan 2005, 11:15

(François Delpla @ dimanche 9 janvier 2005 à 18:52 a écrit : Oui, j'avoue, je suis assez prêt à affirmer que si Hitler était mort en 1916 il n'y aurait pas eu le nazisme.


Admettons . il peut y avoir des varaintes dans un phénomène .

En tant que marxistes , nous sommes en effet déterministes , mais non fatalistes .

Toujours est -il qu 'en l 'absence d 'une intervention active du prolétariat , 'et même sans Hitler , l ' Allemagne de cette époque aurait connu les convulsions , la crise morale et politique ce qui , je crois , aurait d'une manière ou d 'une autre débouché sur la guerre

Celle -ci était en fait à l 'ordre du jour depuis la crise de 1929

Pour nous le capitalisme moderne , c'est une période de " ^paix armée " suivie d 'une guerre , entre deux crises
quijote
 
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