Le rôle des "grands hommes" dans l'histoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par logan » 26 Fév 2004, 22:14

histoire de la revolution russe
c ca le titre
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Message par Harpo » 26 Fév 2004, 22:52

A propos du "rôle de l'individu dans l'histoire", il me semble avoir lu, il y a longtemps, un texte de Plekhanov (dans son "oeuvre philosophique") que j'avais trouvé assez convaincant.
Si quelqu'un connaît ce texte et sait si on peut se le procurer ça me rafraîchirait la mémoire.
Merci.
Harpo
 
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Message par pelon » 26 Fév 2004, 23:17

Dans "la conception matérialiste de l'Histoire de Plekhanov" que je vous recommande on peut lire ceci :

a écrit :
L'évolution historique est une suite de phénomè­nes soumis à des lois. Les phénomènes soumis à des lois sont des phénomènes nécessaires. Exemple : la pluie. La pluie est un phénomène soumis à des lois. Cela veut dire que dans des circonstances données, des gouttes d'eau tombent nécessairement sur la ter­re. Cela se comprend très facilement lorsqu'il s'agit de gouttes d'eau qui n'ont ni conscience ni volonté.

Mais, dans les phénomènes historiques, ce ne sont pas des choses inanimées, ce sont des hommes qui agissent, et les hommes sont doués de conscience et de volonté. On peut donc très légitimement se deman­der si la notion de la nécessité - hors de laquelle il n'y a pas de conception scientifique - des phéno­mènes, en histoire comme dans la science de la natu­re, n'exclut pas celle de la liberté humaine. Formu­lée en d'autres termes, la question se pose ainsi : Y a-t-il moyen de concilier la libre action des hommes avec la nécessité historique ?

Au premier abord, il semble que non, que la né­cessité exclut la liberté, et vice-versa. Mais il n'en est ainsi que pour celui dont le regard s'arrête à la surface des choses, à l'écorce des phénomènes. En réalité, cette fameuse contradiction, cette prétendue antinomie de la liberté et de la nécessité, n'existe pas. Loin d'exclure la liberté, la nécessité en est la condition et le fondement. C'est justement ce que Schelling s'attachait à prouver dans un des chapitres de son Système de l'idéalisme transcendental .

Selon Schelling, la liberté est impossible sans la nécessité. Si en agissant, je ne puis compter que sur la liberté des autres hommes, il m'est impossible de prévoir les conséquences de mes actions, puisque à chaque instant, mon calcul le plus parfait pourrait être complètement déjoué par la liberté d'autrui, et par conséquent il pourrait résulter de mes actions, tout autre chose que ce que j'avais prévu.

Ma liberté serait donc nulle, ma vie serait sou­mise au hasard. Je ne saurais être sûr des conséquen­ces de mes actions que dans les cas où je pourrais prévoir les actions de mes prochains, et pour que je puisse les prévoir, il faut qu'elles soient soumises à des lois, c'est à dire qu'il faut qu'elles soient déterminées, qu'elles soient nécessaires. La nécessi­té des actions des autres est donc la première condi­tion de la liberté de mes actions. Mais, d'un autre côté, en agissant de façon nécessaire, les hommes peuvent en même temps conserver la pleine liberté de leurs actions.

Qu'est-ce qu'une action nécessaire ? C'est une action qu'il est impossible à un individu donné de ne pas faire dans des circonstances données. Et d'où vient l'impossibilité de ne pas faire cette action ? Elle vient de la nature de cet homme, façonnée par son hérédité et par son évolution antérieure. La na­ture de cet homme est telle qu'il ne peut pas ne pas agir d'une façon donnée dans des circonstances don­nées. C'est clair, n'est-ce-pas ? Eh bien ! ajoutez à cela que la nature de cet homme est telle, qu'il ne peut pas ne pas avoir certaines volitions, et vous aurez concilié la notion de la liberté avec celle de la nécessité. Je suis libre quand je peux agir comme je veux. Et ma libre action est en même temps néces­saire, puisque ma volition est déterminée par mon or­ganisation et par les circonstances données. La né­cessité n'exclut donc pas la liberté. Ma nécessité c'est la liberté même, mais seulement considérée d'un autre côté ou d'un autre point de vue.
pelon
 
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Message par Harpo » 26 Fév 2004, 23:43

Merci Pelon
:wavey:
Harpo
 
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Message par logan » 27 Fév 2004, 10:01

a écrit :c'est là ou nous retrouvons le role des hommes et des directions révolutionnaires car rien de tout cela n'est automatique. si lenine et trotsky avaient été assassinés ou bloqués à l'étranger en 17, ce qui n'a rien d'une vie de l'esprit, les autres militants du parti bolchevik auraient -ils eu l'experience et la clarté de vue pour surmonter leur absence

Tout à fait
Justement le texte de trotsky auquel je pense parle du rôle de Lénine en 1917.
En définitive c'est la lutte de classe qui provoque les grands évènements.
Mais des périodes révolutionnnaires ce sont des périodes ou la lutte de classe s'intensifie à un point tel que l'histoire s'accélère et que d'un coup tous les aspects de la société hérités du passé semblent périmés.

C'est à cause de cette accélération que le role des dirigeants et même d'un seul homme, soit par son crédit, soit par la justesse de sa ligne politique peut être déterminant dans des périodes révolutionnaire.
La bourgeoisie allemande le savait elle qui a fait assassiner Karl Liebnecht et Rosa Luxembourg.
logan
 
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Message par Harpo » 27 Fév 2004, 22:16

Le texte de Plekhanov cité par Pelon ne fait qu'affirmer que la necessité et la liberté ne sont pas contradictoire. Son argumentation est convaincante et le problème philosophique qu'il traite est essentiel.
Je ne vois pas du tout en quoi "cela minimise le role de l'action militante qui ne serait qu'un sous-produit automatique de la lutte de classes". Le problème concrêt de l'action militante n'est pas abordé directement dans le texte cité, mais en théorie au moins, il la justifie.
Pour en savoir plus sur ce que pensait Plekhanov, il ne faudrait pas se limiter à une demi-page de ses écrits philosophiques qui sont très volumineux.
Quant à juger de l'action militante de Plekhanov, c'est tout autre chose et c'est simplifier la réalité que de dire qu'il a mal fini. Quels que soient ses mérites en tant que diffuseur de la pensée marxiste en Russie, il a constamment, depuis 1900 au moins, oscillé entre opportunisme et marxisme ("un pas en avant, deux pas en arrière" selon Lénine).
Harpo
 
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Message par Harpo » 28 Fév 2004, 01:56

"Exact mais insuffisant".
Je suis tout à fait d'accord avec ton jugement sur cette page de Plekhanov.
Quant aux autres pages, si j'ai demandé qu'on me "rafraîchisse la mémoire" c'est bien parce que je n'en ai pas de souvenir assez précis et que je n'ai pas ses écrits sous la main. Juste l'impression qui me reste qu'il ne minimisait pas le rôle de l'individu dans l'histoire. Les exemples qu'il cite ne mettent pas du tout en évidence l'aspect mécaniste dont tu parles et s'il y a nécessité, cela prend quand même bien l'aspect d'une vraie liberté. Mais ce n'est ni de ce texte ni de la "conception moniste de l'histoire" que je tire ce souvenir.
Pour ce qui est du lien entre l'insuffisance de ce texte et les erreurs de Plekhanov en tant que militant, tu as peut-être raison mais je ne suis pas convaincu.
Je crois plutôt que l'individu Plekhanov s'est construit dans certaines conditions en tant le traducteur de Marx et d'Engels, qu'il avait toutes les qualités pour cette tâche mais qu'il est resté sur une vision figée et un peu caricaturale du marxisme :
Il s'est montré incapable de comprendre la guerre impérialiste et les bouleversements qu'elle provoquait, incapable de comprendre que le rôle moteur de la classe ouvrière n'empêchait pas celle-ci de rechercher l'alliance avec les paysans pour accomplir sa tâche, incapable enfin de comprendre que cette tâche ne pouvait dans la situation d'alors se limiter à l'acomplissement de la révolution bourgeoise. Il n'a pas vu que le monde avait changé, que l'histoire s'était accélérée. D'autres, plus jeunes, plus ouverts, plus attentifs à l'évolution du monde, plus audacieux, l'ont vu, pas lui qui en est resté à une autre époque.
Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce que son histoire personnelle imposait ces limites. Précurseur et finalement solitaire. Capable de dépasser le stade du populisme mais en bout de course au moment crucial. Chacun a des limites et c'est bien dans les connexions entre ses neurones, telles que son environnement matériel et social les a façonnées, qu'il faut les chercher. Où est la liberté là-dedans ? Tout juste là où la situe Plekhanov.
Harpo
 
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