par Pascal » 05 Avr 2004, 11:32
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"Le trust chimique commence certes à subventionner le parti nazi dans la deuxième moitié de 1932. Mais les autres ne sont pas dépouillés pour autant. Sans doute s’agit-il plus d’une assurance tous risque (...) "
"Les grands patrons allemands ont été chargés d’opprobre par les historiens, pas seulement de gauche, et par les juges de Nuremberg, pas seulement soviétiques. L’histoire se doit d’y mettre le holà. Mais sans omettre pour autant de discerner leur rôle, qui est celui de marionnettes bien naïves. Si l’historien n’est pas un procureur, son champ de compétence excède celui de la justice. "
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Il faut déjà préciser que si le patronat allemand et l'IG Farben en particulier ont été dénoncés en 1945, ce n'est pas seulement pour leur financement du NSDAP avant 1933.
Ce que les associations d'anciens déportés dénoncent principalement, c'est l'utilisation de la main d'oeuvre des camps de concentration. On trouvait ainsi à Buchenwald des commandos de déportés qui portaient le nom de grandes entreprises allemandes comme Siemens par exemple, Messerschmitt à Mauthausen, Volkswagen à Neuengamme, etc, etc.
L'exemple le plus frappant de cette utilisation de la main d'oeuvre des déportés par le capital est celui d'Auschwitz-III (Monowitz), camp de concentration cogéré par l'IG Farben et la SS pour la partie concernant l'usine de caoutchouc Buna (le célèbre livre "Si c'est un homme" de Primo Levi en parle largement). Et pour en rester à l'IG Farben (le cartel a été divisé en 1945, mais ses successeurs sont BASF par exemple), les organisations d'anciens déportés lui reproche également d'avoir produit pour les nazis le Cyclon B, nécessaire à l'extermination systématique dans les chambres à gaz.
Bref, le capital allemand n'a pas été "seulement abusé" par Hitler avant 1933, il a soutenu le nazisme jusqu'en 1944-45, et les profits ont considérablement augmenté de 1933 à 1945. Ces "marionettes bien naïves" se sont enrichies, y compris grâce à au terrible système concentrationnaire nazi !
Pour en revenir à 1932/1933, le patronat a effectivement financé le NSDAP. Cela ne signifie pas que toute la bourgeoisie était unaniment derrière Hitler avant 1933, Daniel Guérin dans son livre "Fascisme et grand capital" montre très bien d'ailleurs les divergences entre les différentes fractions du capital, entre autre entre l'industrie lourde et l'industrie légère, dans le soutien ou non à Hitler. Daniel Guérin note ainsi dans "Fascisme et grand capital" :
"A partir de l'été 1930, la plupart des magnats de l'industrie lourde -et des banquiers qui lui sont liés- subventionnent le parti national-socialiste. Ils lui fournissent des moyens matériels imposants qui lui permettent de remporter la victoire électorale de septembre 1930 et de conquérir 107 sièges au Reichstag. Beaucoup plus tard, évoquant dans un discours le souvenir de cette "étonnante campagne", Hitler invitera ses auditeurs à songer "ce que cela signifie lorsque mille orateurs ont chacun une voiture automobile à leur disposition et peuvent tenir en une année cent mille réunions publiques". En 1931 et en 1932, les subventions continuent à pleuvoir, toujours plus abondantes dans les caisses du NSDAP."
A noter, que le soutien du patronat au NSDAP ne signifiait pas seulement de l'argent en espèce, mais aussi, ce qui était fréquent, d'offrir des emplois à des voyous de la SA pour qu'ils combattent, dans les entreprises, les ouvriers combatifs.
Enfin le point essentiel du programme du NSDAP en 1932-1933 c'est de briser le prolétariat. Les bandes SA aggressent et assassinent quasiment tous les jours des ouvriers communistes, le dimanche 22 janvier 1933, le NSDAP manifeste aux cris d' "A mort la commune !" devant la Maison Karl Liebknecht (le siège du KPD) à Berlin, et les mots d'ordre nazis sont clairs : "Destruction du marxisme", "Dans dix ans il n'y aura plus un seul marxiste en Allemagne", "Contre le marxisme, votez Hitler !", etc. C'est même alors le seul point du programme du NSDAP qui apparaisse clairement à la veille de la prise du pouvoir, programme bien entendu mis en application très vite : Hitler est chancellier le 30 janvier 1933, le Reichstag brûle le 27 février, le KPD, le SPD, les syndicats... sont interdits, les militants ouvriers arrêtés, et le camp de Dachau ouvre le 21 mars 1933. Himmler déclare alors "Y seront rassemblés tous les fonctionnaires communistes et les fonctionnaires marxistes et ceux appartenant aux Reichsbanner".
Tout cela pour dire que non, le patronat allemand n'était pas "une marionnette bien naïve", mais bien l'acteur principal dans la prise du pouvoir par le NSDAP, et que l'on ne peut comprendre le nazisme qu'en partant de la crise économique (particulièrement grave en Allemangne) et de la lutte des classes.
Et pour finir, Dolmancé, tu ne nous apprends rien en citant les nombreuses victimes du nazisme (et d'ailleurs, tu en oublies : les soldats soviétiques, les Polonais, Russes, Serbes et autres peuples slaves soumis au travail forcé, les Allemandes qui étaient amoureuses d'un juif ou d'un travailleur forcé polonais, ect.) et tu mélanges tout (la solution finale est l'expression utilisée pour parler de la "solution finale au problème juif" decidée par la conférence de Wansee en 1941, c'est-à-dire l'extermination systématique des juifs). Personne n'a laissé entendre ici que les militants ouvriers auraient été les seules victimes du IIIème Reich, au contraire, nous savons bien à quel point le nazisme était barbare et ingoble.