Les nazis et le patronat allemand

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 08:40

Je laisse de côté les insinuations plus ou moins aimables et en viens au fond.

Ce qui rend le gouvernement Hitler tolérable aux élites allemandes, c'est que les nazis n'y occupent, outre la chancellerie, "que" deux postes, dont l'Intérieur.
Ils voient ça comme si au lieu de Raffarin III nous avions un Bayrou entièrement cerné de nobliaux chiraquiens.

Ce qu'elles ne voient pas du tout venir, c'est, par exemple, l'incendie du Reichstag par les nazis (personne ici n'en doute, au moins ?) quatre semaines plus tard, après une savante gradation des violences, et le rythme que tout cela confère à des transformations qui leur retirent tous les leviers.

Que, ce faisant, les nazis rassurent le patronat quant à ses profits n'est pas ce que je songe à remettre en question.
François Delpla
 
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Message par logan » 05 Avr 2004, 10:20

a écrit :F.Delpa écrit> Que, ce faisant, les nazis rassurent le patronat quant à ses profits n'est pas ce que je songe à remettre en question.


Dans ce cas est il pertinent de présenter les grands patrons allemands comme des "marionettes bien naïves"?
Peut on dire que le patronat allemand s'est laissé "berner" dans la mesure ou Hitler, malgré une certaine indépendance politique, assure le rétablissement de leurs profits?

Peut on dire de Thyssen, Kildorf qui soutiennent les nazis, qu'ils se sont laissés "berner"?

Peut on dire de Krupp, qui dit à Hindenburg que "c'est une folie" de nommer Hitler chancelier s'est laissé berner?
On voit au contraire que Krupp est conscient de la nature du nazisme, et qu'il ne le soutient qu'après qu'il ait fait la preuve de son efficacité pour atomiser la classe ouvrière.

Peut on dire des industriels de l'industrie lourdes que ce sont "des marionettes bein naïves" alors que les commandes de l'état nazi vont être faramineuses dans le secteur sidérurgique?

D'après l'historien François-george Dreyfus le pourcentage des dépenses militaires par rapport au PIB passe de 3% en 1933 à 17% en 1938!
Peut on dire que les industriels et les banques bénéficiant des commandes militaires se sont laissés "berner"?
Hitler est au contraire une excellente affaire pour eux...


D'autre part vous n'avez apporté aucune justification du titre de votre article : "Hitler prend le pouvoir sans l'argent du patronat"
Je continue donc à le qualifier de mensonger.
Et même de dangereux.
logan
 
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Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 11:15

Je constate avec plaisir que personne ne conteste que les nazis aient mis le feu au Reichstag.

Mais savez-vous que c'est révolutionnaire ?

Sur le moment toutes les gauches le croyaient mais dans les années 60 un historien social-démocrate, Hans Mommsen, a accordé une caution à la fois politique et universitaire à une thèse "scientifique et non miltante" suivant laquelle Van der Lubbe avait agi seul, et bien peu d'historiens ont résisté.

Le nazisme est mouvement. Jusqu'à l'arrivée de Churchill au pouvoir, il fait ce qu'il veut, à un rythme d'enfer, mais en cultivant avec le plus grand succès l'apparence d'une action confuse et impulsive.

Parmi les naïfs qui croient pouvoir utiliser le phénomène en le maîtrisant je suis loin de n'inscrire que Krupp et Thyssen.
Staline, Roosevelt et Pie XII sont les trois plus beaux exemples et je me plais à les associer.

Quant à mon titre d'article, il faudrait savoir : soit le contenu le dément, et n'est-il pas quelque peu excessif de parler de mensonge ? de danger ?? Soit il lui est fidèle. C'est cette dernière solution qui est la bonne. Je ne dis ni ne pense que Hitler prend le pouvoir sans le moindre centime d'argent patronal. Je dis et je maintiens que ces versement, modestes, ne sont en aucune façon déterminants.
François Delpla
 
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Message par Gaby » 05 Avr 2004, 11:27

a écrit :Le nazisme est mouvement.

Qui répond à quelles attentes pour obtenir quel soutien ?

Le problème ne se limite pas à savoir si le parti a reçu 3 d-mark pour financer la diff' de quelques tracts...
Il faut regarder l'opportunisme des deux parties, classe politique et classe capitaliste, pour voir quelles concessions sont obtenues et quelle idéologie est portée par les forces de propagande : militantisme mais aussi médias ou tractations au sein de la classe politique bourgeoise traditionnelle.
Gaby
 
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Message par Pascal » 05 Avr 2004, 11:32

[QUOTE=]
"Le trust chimique commence certes à subventionner le parti nazi dans la deuxième moitié de 1932. Mais les autres ne sont pas dépouillés pour autant. Sans doute s’agit-il plus d’une assurance tous risque (...) "

"Les grands patrons allemands ont été chargés d’opprobre par les historiens, pas seulement de gauche, et par les juges de Nuremberg, pas seulement soviétiques. L’histoire se doit d’y mettre le holà. Mais sans omettre pour autant de discerner leur rôle, qui est celui de marionnettes bien naïves. Si l’historien n’est pas un procureur, son champ de compétence excède celui de la justice. "

[/QUOTE]
Il faut déjà préciser que si le patronat allemand et l'IG Farben en particulier ont été dénoncés en 1945, ce n'est pas seulement pour leur financement du NSDAP avant 1933.

Ce que les associations d'anciens déportés dénoncent principalement, c'est l'utilisation de la main d'oeuvre des camps de concentration. On trouvait ainsi à Buchenwald des commandos de déportés qui portaient le nom de grandes entreprises allemandes comme Siemens par exemple, Messerschmitt à Mauthausen, Volkswagen à Neuengamme, etc, etc.

L'exemple le plus frappant de cette utilisation de la main d'oeuvre des déportés par le capital est celui d'Auschwitz-III (Monowitz), camp de concentration cogéré par l'IG Farben et la SS pour la partie concernant l'usine de caoutchouc Buna (le célèbre livre "Si c'est un homme" de Primo Levi en parle largement). Et pour en rester à l'IG Farben (le cartel a été divisé en 1945, mais ses successeurs sont BASF par exemple), les organisations d'anciens déportés lui reproche également d'avoir produit pour les nazis le Cyclon B, nécessaire à l'extermination systématique dans les chambres à gaz.

Bref, le capital allemand n'a pas été "seulement abusé" par Hitler avant 1933, il a soutenu le nazisme jusqu'en 1944-45, et les profits ont considérablement augmenté de 1933 à 1945. Ces "marionettes bien naïves" se sont enrichies, y compris grâce à au terrible système concentrationnaire nazi !

Pour en revenir à 1932/1933, le patronat a effectivement financé le NSDAP. Cela ne signifie pas que toute la bourgeoisie était unaniment derrière Hitler avant 1933, Daniel Guérin dans son livre "Fascisme et grand capital" montre très bien d'ailleurs les divergences entre les différentes fractions du capital, entre autre entre l'industrie lourde et l'industrie légère, dans le soutien ou non à Hitler. Daniel Guérin note ainsi dans "Fascisme et grand capital" :

"A partir de l'été 1930, la plupart des magnats de l'industrie lourde -et des banquiers qui lui sont liés- subventionnent le parti national-socialiste. Ils lui fournissent des moyens matériels imposants qui lui permettent de remporter la victoire électorale de septembre 1930 et de conquérir 107 sièges au Reichstag. Beaucoup plus tard, évoquant dans un discours le souvenir de cette "étonnante campagne", Hitler invitera ses auditeurs à songer "ce que cela signifie lorsque mille orateurs ont chacun une voiture automobile à leur disposition et peuvent tenir en une année cent mille réunions publiques". En 1931 et en 1932, les subventions continuent à pleuvoir, toujours plus abondantes dans les caisses du NSDAP."

A noter, que le soutien du patronat au NSDAP ne signifiait pas seulement de l'argent en espèce, mais aussi, ce qui était fréquent, d'offrir des emplois à des voyous de la SA pour qu'ils combattent, dans les entreprises, les ouvriers combatifs.

Enfin le point essentiel du programme du NSDAP en 1932-1933 c'est de briser le prolétariat. Les bandes SA aggressent et assassinent quasiment tous les jours des ouvriers communistes, le dimanche 22 janvier 1933, le NSDAP manifeste aux cris d' "A mort la commune !" devant la Maison Karl Liebknecht (le siège du KPD) à Berlin, et les mots d'ordre nazis sont clairs : "Destruction du marxisme", "Dans dix ans il n'y aura plus un seul marxiste en Allemagne", "Contre le marxisme, votez Hitler !", etc. C'est même alors le seul point du programme du NSDAP qui apparaisse clairement à la veille de la prise du pouvoir, programme bien entendu mis en application très vite : Hitler est chancellier le 30 janvier 1933, le Reichstag brûle le 27 février, le KPD, le SPD, les syndicats... sont interdits, les militants ouvriers arrêtés, et le camp de Dachau ouvre le 21 mars 1933. Himmler déclare alors "Y seront rassemblés tous les fonctionnaires communistes et les fonctionnaires marxistes et ceux appartenant aux Reichsbanner".

Tout cela pour dire que non, le patronat allemand n'était pas "une marionnette bien naïve", mais bien l'acteur principal dans la prise du pouvoir par le NSDAP, et que l'on ne peut comprendre le nazisme qu'en partant de la crise économique (particulièrement grave en Allemangne) et de la lutte des classes.

Et pour finir, Dolmancé, tu ne nous apprends rien en citant les nombreuses victimes du nazisme (et d'ailleurs, tu en oublies : les soldats soviétiques, les Polonais, Russes, Serbes et autres peuples slaves soumis au travail forcé, les Allemandes qui étaient amoureuses d'un juif ou d'un travailleur forcé polonais, ect.) et tu mélanges tout (la solution finale est l'expression utilisée pour parler de la "solution finale au problème juif" decidée par la conférence de Wansee en 1941, c'est-à-dire l'extermination systématique des juifs). Personne n'a laissé entendre ici que les militants ouvriers auraient été les seules victimes du IIIème Reich, au contraire, nous savons bien à quel point le nazisme était barbare et ingoble.
Pascal
 
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Message par logan » 05 Avr 2004, 12:12

a écrit :Je ne dis ni ne pense que Hitler prend le pouvoir sans le moindre centime d'argent patronal. Je dis et je maintiens que ces versement, modestes, ne sont en aucune façon déterminants.


Donc "Hitler prend le pouvoir sans l'argent du patronat " est un titre mensonger. Ce titre sous entend qu'Hitler n'a pas touché un centime du grand patronat!
Il fallait prendre pour titre "Les fonds patronaux ne sont pas déterminants dans la prise de pouvoir de Hitler"
Comme vous ne reconnaissez pas l'erreur de l'intitulé j'en déduis que vous avez choisis ce titre extremement ambigu consciemment.
C'est encore plus grave.

D'autre part
a écrit :je maintiens que ces versement, modestes, ne sont en aucune façon déterminants.

William Shirer evalue "ces versements modestes" à plusieurs dizaines de millions de Reichsmarks.
Dans votre article vous n'apportez pas le début d'une preuve de ce que vous affirmez.
Vous prenez 1 seul exemple d'un land, (soit un exemple parmi plus d'une dizaine)
et en tirez une généralité. :wacko:

C'est d'ailleurs dans la région de la Ruhr (bastion sidérurgique) que ces chiffres seraient le plus parlant et pas dans le land que vous prenez en exemple.

L'ouverture des livres de comptes des grandes entreprises de toute l'allemagne serait infiniment plus probant que l'étude d'1 seul land à travers l'activité un policier infiltré!!
logan
 
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