Récompenser le mérite

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par logan » 15 Juil 2004, 13:23

a écrit :Ce à quoi nous avons affaire ici, c'est à une société communiste non pas telle qu'elle s'est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l'ancienne société des flancs de laquelle elle est issue. Le producteur reçoit donc individuellement - les défalcations une fois faites - l'équivalent exact de ce qu'il a donné à la société. Ce qu'il lui a donné, c'est son quantum individuel de travail. Par exemple, la journée sociale de travail représente la somme des heures de travail individuel; le temps de travail individuel de chaque producteur est la portion qu'il a fournie de la journée sociale de travail, la part qu'il y a prise. Il reçoit de la société un bon constatant qu'il a fourni tant de travail (défalcation faite du travail effectué pour les fonds collectifs) et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d'objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail. Le même quantum de travail qu'il a fourni à la société sous une forme, il le reçoit d'elle, en retour, sous une autre forme [7].

[...]
Le droit égal est donc toujours ici dans son principe... le droit bourgeois, bien que principe et pratique ne s'y prennent plus aux cheveux, tandis qu'aujourd'hui l'échange d'équivalents n'existe pour les marchandises qu'en moyenne et non dans le cas individuel.

En dépit de ce progrès, le droit égal reste toujours grevé d'une limite bourgeoise. Le droit du producteur est proportionnel au travail qu'il a fourni; l'égalité consiste ici dans l'emploi comme unité de mesure commune.

Mais un individu l'emporte physiquement ou moralement sur un autre, il fournit donc dans le même temps plus de travail ou peut travailler plus de temps; et pour que le travail puisse servir de mesure, il faut déterminer sa durée ou son intensité, sinon il cesserait d'être unité. Ce droit égal est un droit inégal pour un travail inégal. Il ne reconnaît aucune distinction de classe, parce que tout homme n'est qu'un travailleur comme un autre; mais il reconnaît tacitement l'inégalité des dons individuels et, par suite, de la capacité de rendement comme des privilèges naturels. C'est donc, dans sa teneur, un droit fondé sur l'inégalité, comme tout droit. Le droit par sa nature ne peut consister que dans l'emploi d'une même unité de mesure; mais les individus inégaux (et ce ne seraient pas des individus distincts, s'ils n'étaient pas inégaux) ne sont mesurables d'après une unité commune qu'autant qu'on les considère d'un même point de vue, qu'on ne les saisit que sous un aspect déterminé; par exemple, dans le cas présent, qu'on ne les considère que comme travailleurs et rien de plus, et que l'on fait abstraction de tout le reste. D'autre part : un ouvrier est marié, l'autre non; l'un a plus d'enfants que l'autre, etc., etc. A égalité de travail et par conséquent, à égalité de participation au fonds social de consommation, l'un reçoit donc effectivement plus que l'autre, l'un est plus riche que l'autre, etc. Pour éviter tous ces inconvénients, le droit devrait être non pas égal, mais inégal.

Mais ces défauts sont inévitables dans la première phase de la société communiste, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement. Le droit ne peut jamais être plus élevé que l'état économique de la société et que le degré de civilisation qui y correspond.

Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! »
(Marx, critique du progamme de gotha 1875)
logan
 
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Message par Nadia » 15 Juil 2004, 13:35

Maël, Trotski, dans Terrorisme et Communisme, ne parle pas de "primes au mérite'", mais de "primes". Si tu avais déjà vu une fiche de paie de fonctionnaire, tu saurais qu'ils touchent déjà une floppée de primes diverses.

D'autre part, il parle de mesures à prendre dans l'urgence dans une période de guerre. Rien à voir avec la situation de la France en 2004.
Nadia
 
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Message par mael.monnier » 15 Juil 2004, 22:24

(logan @ jeudi 15 juillet 2004 à 14:23 a écrit :
(Marx a écrit :[...]Ce droit égal est un droit inégal pour un travail inégal. Il ne reconnaît aucune distinction de classe, parce que tout homme n'est qu'un travailleur comme un autre; mais il reconnaît tacitement l'inégalité des dons individuels et, par suite, de la capacité de rendement comme des privilèges naturels. [...]

Je ne dis pas le contraire :
(moi @ mardi 13 juillet 2004 à 10:29 a écrit :Posséder à la hauteur de son mérite, cela veut dire être récompensé à la hauteur de ses efforts par rapport à ses capacités. [...] cela signifie que si quelqu'un a bénéficié de la Nature d'une grande intelligence mais ne fournit pas un travail à la hauteur de son intelligence, il ne méritera pas beaucoup ; tandis que si une personne a bénéficiée d'une faible intelligence mais fournit un travail supérieur à son intelligence, il méritera beaucoup beaucoup plus que la personne censée posséder une grande intelligence. Pareil pour l'habileté manuelle et tout ce que vous voulez.


(Nadia a écrit : Maël, Trotski, dans Terrorisme et Communisme, ne parle pas de "primes au mérite'", mais de "primes". Si tu avais déjà vu une fiche de paie de fonctionnaire, tu saurais qu'ils touchent déjà une floppée de primes diverses.

Oui mais il faut le voir par rapport au contexte, Trotsy dit après : "Les travailleurs qui concourent plus que les autres à l'intérêt commun acquièrent le droit de recevoir une part plus grande du produit social que les fainéants, les négligents et les désorganisateurs."

(Nadia a écrit :D'autre part, il parle de mesures à prendre dans l'urgence dans une période de guerre. Rien à voir avec la situation de la France en 2004.

T'en ai vraiment sûre et certaine ?
Le Canard Enchaîné du 14 juillet 2004 titre ainsi "A la casse, les vieux !" et explique qu'un "quart des postes de soins ne sont pas pourvus dans les maisons de retraite" selon un rapport récent du Conseil économique et social. Et ils citent le cas des Caravelle (une maison de retraite) où "l'odeur était pestilentille ; Il y avait des flaques d'urine, des vomissures sur les éviers, des traces d'excrément sur les murs." Et une employée d'informer qu'"on changeait juste leurs couches" aux pensionnaires...
Et selon LO du 30 juin 2004, il y "a aujourd'hui 2,15 millions de smicards, soit 14% du total des salariés". D'après Convergences Révolutionnaires de mai 2004, "entre 1996 et 2000, le nombre des salariés touchant moins de 1,2 Smic est passé de 22 % à 30 % (dont un peu plus de 17 % touchant entre 1 et 1,2 Smic - 15 % en 96 - et 12,2 % touchant entre 0,8 et 1 Smic - 7,3 % 4 ans auparavant)". Si on rajoute à cela les chômeurs (25 % de la population active, soit 5 millions de personnes), les retraités pauvres et les jeunes (2 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté), c'est au moins la moitié de nos concitoyens qui vivent dans la misère... Il y aura un travail énorme pour reconstruire tout ce qu'a laissé en ruines la bourgeoisie : les voies ferrées, les hôpitaux (soit fermés, soit mal entretenus), les facs, etc.
mael.monnier
 
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Message par logan » 16 Juil 2004, 08:44

a écrit :
a écrit :D'autre part, il parle de mesures à prendre dans l'urgence dans une période de guerre. Rien à voir avec la situation de la France en 2004.


T'en ai vraiment sûre et certaine ?[...]
(aujourd'hui)Il y aura un travail énorme pour reconstruire tout ce qu'a laissé en ruines la bourgeoisie : les voies ferrées, les hôpitaux (soit fermés, soit mal entretenus), les facs, etc

:altharion:
Mais oui à coté, l'état de la Russie en 1921 c'est Las Vegas!
Irrécupérable.
logan
 
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Message par mael.monnier » 16 Juil 2004, 18:38

a écrit :Mais oui à coté, l'état de la Russie en 1921 c'est Las Vegas!

Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais juste souligner le fait que la France est bien plus pauvre qu'on ne le croit, et qu'il y aura donc plein de travail à faire. On ne pourra donc pas simplement se redistribuer les richesses de la bourgeoisie (mais de toute façon, cela vaut quoi les bouts de papier qu'elle possède ? pas grand chose, c'est surtout de l'argent virtuel), il y aura une nécessite de relancer la machine économique par nous-mêmes et pour nous-mêmes pour sortir de la pauvreté. Mais bon d'accord, c'est vrai je me suis mal exprimé.
mael.monnier
 
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