Les Blacks panthers

[eruditrotsk]

Je ne crois pas qu'on peut évacuer comme le fait Artza le point de vue de Malcom sur la marche de Washington. En fait ce point de vue représentait ce que pensait l'aile la plus radicale du mouvement à ce moment-là.

En même temps, X était assez habile pour ne pas se laisser piéger par les journalistes et s'échapper des questions de ceux qui essayaient de l'opposer à King. X entendait bien ne pas se couper de la masse des noirs modérés, surtout au moment où la conscience médiane était justement en train de se radicaliser.

Car les dirigeants de la marche de Washington, King et les autres, représentaient en quelque sorte l'ancien état de conscience du mouvement, celui qui s'était exprimé du boycott des bus à Montgomery en 1955 jusqu'à ce que la radicalisation apparaisse à Birmingham en 1963. Un point de vue pacifiste et modéré.

La répression de la communauté noire à Birmingham avec les lances à incendies et les chiens policiers a été télévisée et a fait franchir un palier à la conscience de mouvement. Birmingham a été l'antichambre des été d'émeutes qui se sont reproduit de 1964 à 1968.

Et les marcheurs de Washington le savait bien, autant que les dirigeants modérés noirs qui ont tout fait pour que le seul dirigeant radical présent à la tribune, Lewis du SNCC (prononcer "snic", mouvement d'étudiants noirs, en majorité mais il comptait aussi des blancs, qui se rendaient dans le sud profond pour aider les noirs à s'incrire sur les listes électorales, ce qu'ils ont parfois payé avec leur peau) ne puisse l'ouvrir trop radicalement (son discours a été épluché par les conseillers de King et édulcoré). Le SNCC était d'autant plus radicalisé qu'ils en avaient assez de prendre des coups sans pouvoir les rendre aux racistes.

A partir de Birmingham, il y a eu une radicalisation qui se concurrence et s'oppose à la direction modérée du mouvement. Et King et les siens courrent après la radicalisation pour jouer un rôle d'éteignoir.

C'est ce qui explique qu'apparaisse un mouvement comme les panthères noires, qui sont bien tout ce qu'on a pu en dire plus haut (nationaliste, macho, etc.) en fait sans tradition et assez proche du lumpen noir. Bobby Seale en donne une image flatteuse, c'est le plus politisé peut-être. Mais on peut en avoir une idée plus brute, et moins reluisante, en lisant les mémoires d'Elaine Brown traduite il y a quelques années en français (récemment, peut-être quatre-cinq ans).

Mais apparurent aussi des militants ouvriers noirs qui dans une ville comme Detroit, chef-lieu de l'industrie automobile qui commencèrent à chercher à s'organiser en lançant des publications dans les nombreuses usines de la ville.

Il y eut aussi ces groupes de noirs qui dans différentes petites villes s'armèrent pour se défendre contre les racistes (voir le livre de Robert Williams, Des nègres et des fusils, autrefois chez Maspéro, ou encore un DVD qui se trouve ces jours-ci chez les soldeurs qui s'appelle "Légitime défense", avec Forrest Whitaker, et qui en donne une assez bonne idée, y compris des frictions entre les radicaux et les modérés)

Tout cela peut-être tout aussi passionnant, et même plus, pour ceux qui pensent que seul le prolétraiat est une classe révolutionnaire, et qu'il doit s'amanciper lui-même !

PS. Avec les Panthers, la vie n'est pas simple. Bien sûr, ils existent parce que le mouvement noir se radicalise et c'est donc une bonne chose. mais par ailleurs, ils ne sont pas toujours très reluisants. Et, aux USA, il y a à leur sujet des débats un peu à la gomme, comparables aux récentes discussions ici sur la guerre d'Algérie, renvoyant dos-à-dos tortionnaires de l'armée française et du FLN, comme Rotman le fait. les petits-bourgeois démocrates ont la vie facile, ils peuvent chipoter les plats. Les révolutionnaires prolétariens eux doivent choisir un camp.