Les nazis et le patronat allemand

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 12:50

Ben dites donc, pour mes débuts sur ce forum, je ne suis pas à la fête !

C'est somme toute assez normal.
L'intelligence manoeuvrière de Hitler est encore un immense tabou.

J'invite ceux qui ne viennent pas ici uniquement pour ressasser entre eux des thèses antédiluviennes à prendre connaissance tranquillement de mes analyses, de préférence dans les livres, auxquels le site http://www.delpla.org n'est qu'une introduction.

Il y a juste un point que je ne voudrais pas laisser sans réponse.

Traité à plusieurs reprises de menteur, je n'ai pour l'instant pas répondu par la pareille. Tout de même, je dirai que tous ceux qui m'accusent de dire que les patrons des usines allemandes, du Vatican, de la Maison-Blanche et du Kremlin sont des naÏfs

sont des...

sont des.......

sont des..............

... allez disons : se vautrent dans l'inexactitude.

Cette naïveté n'existe bien entendu que par rapport à l'extrême capacité de mystification d'un prénommé Adolf.

Je mets au défi quiconque de montrer que j'ai dit ou écrit autre chose.
François Delpla
 
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Message par Barnabé » 05 Avr 2004, 13:38

a écrit :  Je constate avec plaisir que personne ne conteste que les nazis aient mis le feu au Reichstag.


Je ne pense pas que ce soit très important dans l'affaire, mais il semble que ce ne soit pas le cas, et que le reichstag ait été incendié par un ultra-gauche. Il y a eu un fil ouvert là-dessus, au sujet d'un bouquin de Charles Reeve et Yves Pagès consacré à cet épisode (Marinus van der Lubbe - Carnets de route de l'incendiaire du Reichstag, et autres écrits): A propos de l'incedire di reichstag
Moi je ne sais pas si cette thèse est la bonne, mais je ne crois pas que c'est déterminant dans l'analyse qu'on a de le prise du pouvoir par le nazisme (pour citer Byrrh dans le fil en question "ce n'est pas l'incendie du Reichstag qui peut expliquer le triomphe du nazisme, tout comme ce n'est pas l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche qui peut expliquer le déclenchement de la 1ère boucherie impérialiste mondiale.")
Sur le fond ce ne sont pas les capacités d'Hitler, son coté manipulateur qui explique son accession au pouvoir. C'est que dans une période de crise, il représentait une solution politique pour la bourgeoisie. Pas la solution de prédilection (ce qui peut expliquer que le parti nazi n'ai pas été privilégié en terme de subvention), mais finalement la seule, la seule capable de briser physiquement toute organisation de la classe ouvrière, et de préparer une nouvelle guerre impérialiste. Après que Hitler lui-même avait les qualités pour mener la politique qu'il a mené, c'est une lapalissade, et ça n'explique rien.
Barnabé
 
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Message par logan » 05 Avr 2004, 13:40

Je ne vois toujours pas de réponses aux questions posées par les intervenants (Notamment celles de Pascal et de Wolf)

Vous présentez Hitler comme "un acteur de l'histoire aux méthodes inédites. "
Pourtant l'Allemagne de 1933 ressemble furieusement à l'Italie mussolinienne de 1926!
Il ne s'agit donc pas d'un "acteur aux méthodes inédites" mais d'un acteur qui reprend les tehcniques de Mussolini, avec une violence d'une ampleur certes différentes.

a écrit :C'est somme toute assez normal.
L'intelligence manoeuvrière de Hitler est encore un immense tabou

Vous montrez Hitler comme un fabuleux intrigant damant le pion à tout le monde.

Mais tout le monde savait ce qu'était Hitler.
Sa tentative de coup d'état lors du putsch de Munich ont montré qui il était très clairement!!
Quand il est en prison dans les années 20 il écrit Mein Kampf qui ne laisse aucun doute sur la nature des idées qu'il défend.
Lors de son procès au milieu des années 20 il proclame fièrement "J'ai voulu être le destructeur du marxisme" :blink:

Alors prétendre que les industriels allemands ont été abusé, se sont laissés "berner", cela ne tient pas la route un seul instant.
logan
 
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Message par Cyrano » 05 Avr 2004, 14:04

On se calme, svp, on se calme…
Je voudrais faire remarquer d'abord qu'il y a de multiples moyens d'accompagner le développement d'un groupe, sans que cette aide puise nécessairement être retrouvée, sans ambiguïté, dans les lignes comptables d'une entreprise (on peut fournir des locaux, des véhicules, etc.)
Puisque on a parlé, à plusieurs reprises de Daniel Guérin, j'ai ressorti mon bouquin "Fascisme et grand capital" (éd. François Maspero, collection "Textes à l'appui", 1965).
Ne craignez rien : je ne vais pas faire un copier-coller paresseux. Je me suis contenté de relire les passages que j'avais cochés au crayon. Je vais citer juste quelques trucs, comme ça, sans pour autant prétendre qu'ils sont justes (ni qu'ils sont faux !). Mais la mémoire du bouquin de Guérin semble être déviée par son titre : "… et grand capital".
Je n'extrais que les idées de Guérin concernant l'Allemagne.
Une préface de 1945 sur un livre de 1936
Le livre de Daniel Guérin paraît en juillet 1936 (ceci signifie que la rédaction a commencé environ un an et demi avant cette date). C'est pourquoi, Daniel Guérin, dans la réédition de 1945, se demande si les évènements qui ont suivi cette parution, nécessitent une réécriture de l'ouvrage ? Il répond par la négative, puisque c'est la naissance et le développement des fascismes allemands et italiens qui ont été observés.
L'auteur se contente de quelques annotations concernant surtout la manifestation des intérêts de classe sous l'Allemagne hitlérienne.
« Le régime fasciste, malgré des apparences qu'ils se complait à entretenir, n'a pas domestiqué la bourgeoisie. » Il n'est « pas exact » de dire que « le grand capital marchait au pas. »
L'armée, « instrument par excellence de la classe dirigeante » a gardé une « relative indépendance par rapport au régime » et a refusé de se « nazifier » entièrement. Ceci « exprime « [I]l'autonomie » du grand capital et de la grande propriété foncière vis-à-vis du régime fasciste.
La bourgeoisie « tolère » ce régime, malgré ses inconvénients, mais lorsque les inconvénients l'emportent sur les avantages, elle tente de s'en débarrasser. Après l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, il est évident que la bourgeoisie n'a plus envie de continuer un bout de chemin avec l'Adolf.
Guérin insiste sur le fait qu'il faut se souvenir que le fascisme n'est pas « uniquement un instrument au service du grand capital » mais, « en même temps, un soulèvement mystique de la petite bourgeoisie. »
Il faut se souvenir aussi que « Hitler a été hissé au pouvoir avec la bénédiction de la bourgeoisie internationale » [la bourgeoisie internationale aurait peut-être préféré une autre voie, mais bah ! puisque c'est ça qui se présente, le fascisme, alors, pourquoi pas, après tout].
[Hors-sujet, mais je lis que Daniel Guérin écrivait aussi, sur l'antifascisme : « Défions-nous des formules "anti". Elles sont toujours insuffisantes. »]
Bailleurs de fonds
Le premier chapitre du bouquin, justement, concerne les "bailleurs de fonds", ça tombe bien !
« Ce n'est pas assez de dire que la bourgeoisie, dans certains pays comme l'Italie et l'Allemagne, a subventionné le fascisme et l'a porté au pouvoir. » car la bourgeoisie n'est pas homogène, les intérêts de grands groupes capitalistes s'opposent à d'autres.
La fascisme a été principalement « subventionné et appuyé » par les magnats de la métallurgie, des mines, et par les banquiers ayant des intérêts dans l'industrie lourde.
Dans un premier temps, le grand capital utilise les bandes fascistes comme milice antiouvrière. Ces diverses bandes fusionneront dans une organisation unique avec Adolf Hitler comme chef.
Ce n'est pas d'abord, un flot impétueux d'argent : « De 1924 à 1929, les magnats de l'industrie lourde subentionnent juste assez les bandes fascistes pour qu'elles ne disparaissent pas. »
Une partie de la bourgeoisie va miser clairement sur l'arrivée de Hitler au pouvoir. Emil Kirdof, manitou d'un groupe métallurgique puissant déclarera : je suis heureux de vivre assez longtemps, ça m'a « permis ainsi de venir en aide au moment opportun à notre Fürher bien-aimé »
La victoire électorale de septembre 1930 (107 sièges remportés au Reichstag) vient après une campagne électorale qui a bénéficié de moyens importants (subventions et matériel). Hitler lui-même parlera de ces moyens, et qu'on imagine leur efficacité : « lorsque mille orateurs ont chacun une voiture automobile à leur disposition et peuvent tenir en une année cent mille réunions publiques. »
Mais… l'argent ne suffit pas
Le chapitre 2 est intitulé "Les troupes".
Immédiatement Guérin invite à ne pas oublier que les organisations fascistes ne sont pas une invention du capital financier, car ça n'explique pas les « mobiles » qui amènent au fascisme des millions d'êtres humains :
« De telles masses humaines, les magnats capitalistes n'auraient jamais pu, malgré tout leur or, les "dresser sur leur jambes" si elles n'avaient été, au préalable, dans un état d'instabilité ou de mécontentement les prédisposant à être conquises. »
Ach so !
Ceci permet peut-être de recentrer un peu le débat, ne nous énervons pas, car il faut bien lire, tout lire ce que dit Guérin sans oublier que la rédaction de son bouquin s'étale de 1934 à 1936.
Je remarque que Daniel Guérin n'y a pas forcément rien vu…
Cyrano
 
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Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 20:21

Bonsoir !


Il se trouve qu'en tant qu'historien je suis plutôt sensible aux phénomènes de classe et de groupe, et que j'ai mis moi-même un peu de temps à comprendre que la personnalité de Hitler constituait un cas exceptionnel d'influence de l'individu sur l'histoire, inimaginable avant le XXème siècle et difficilement reproductible.
D'ailleurs dans l'analyse de ce phénomène je ne m'interdis pas les considérations sociologiques : ainsi le fait qu'il soit issu d'un milieu humble a très certainement joué un rôle capital. Si un peu plus de gens dans sa famille avaient fait des études, il n'aurait vraisemblablement pas raté les siennes, serait devenu architecte peu avant 1914, se serait probablement marié et aurait été moins disponible fin 1918, pour se consacrer à la revanche.

L'incendie du Reichstag donne lieu un peu plus haut à une dispute amusante : l'un dit que "tous les historiens sérieux" l'ont toujours attribué aux nazis et un autre (pardon de n'avoir pas encore bien assimilé les noms) risque timidement la théorie de Mommsen, en disant que ce n'est pas important. Et comment, que ça l'est !

Voir ici : http://www.delpla.org/article.php3?id_article=62

Précisément, il diffère profondément de Mussolini. Celui-ci ne lui arrive pas, en matière de manipulation, à la cheville. Il est un ange de candeur à côté. Et parmi ses dupes, face au trio Roosevelt -Staline-Pie XII, il rate de peu la médaille de bronze.

Après avoir commis la première biographie française et à ce jour la seule, je m'intéresse un peu en ce moment à ses relations avec les femmes et, dans la période de la prise du pouvoir, j'ai attiré l'attention sur l'importance d'une rencontre avec Leni Riefenstahl :

http://www.delpla.org/article.php3?id_article=57

Je souhaite à tous une excellente nuit.


fd
François Delpla
 
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Message par Pascal » 05 Avr 2004, 21:34

(François Delpla @ lundi 5 avril 2004 à 13:50 a écrit : Cette naïveté n'existe bien entendu que par rapport à l'extrême capacité de mystification d'un prénommé Adolf.

Lorsque je lis cette phrase, je comprend que finalement le patronat allemand aurait été trompé par Hitler.

En quoi Hitler aurait-il mystifié le patronat ?

Il a promis qu'il briserait les organisations ouvrières et qu'il materait le prolétariat. Hitler a tenu sa promesse, avec la brutalité que l'on sait.

Il a promis de relancer le capitalisme allemand, particulièrempent touché par la crise, par une relance de la production de guerre, de regagner la force perdue en 1918 de l'impérialisme allemand par une politique nationaliste agressive, là aussi, il a tenu parole !

Il a promis à la bourgeoisie qu'elle augmenterait ses profits, qu'il ne s'en prendra pas aux intérêts du capital, là aussi la promesse a été tenue.

En quoi, donc, Hitler aurait-il mystifié, trompé les capitalistes allemands ??
Pascal
 
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